Al-Ahram Hebdo : Selon vous, quelle est l’importance de la récente visite du président somalien au Caire en termes de timing et de résultats ?
Ali Al-Hefni : Cette visite est d’une importance particulière, car elle fait suite à un précédent déplacement du président somalien en Egypte, il y a quelques mois. Cela témoigne de la forte volonté politique de Mogadiscio de renforcer la coopération bilatérale avec Le Caire. De son côté, l’Egypte multiplie les initiatives pour renforcer ses liens avec la Somalie en signant, au cours de cette visite, un protocole de coopération militaire et en inaugurant de nouveaux projets bilatéraux : la réouverture de l’ambassade d’Egypte à Mogadiscio et la mise en place d’une liaison aérienne directe entre les deux capitales. Par ailleurs, la visite du président somalien en Egypte intervient au moment où la région de la Corne d’Afrique connaît actuellement une série de transformations rapides à tous les niveaux. En effet, la sécurité régionale est une priorité absolue pour ces deux pays qui sont tous deux membres de la Ligue arabe, de l’Union africaine et du Conseil des Etats riverains de la mer Rouge. Pour l’Egypte, la Somalie, en raison de sa position géographique stratégique en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique, est un acteur-clé pour garantir la stabilité régionale et sécuriser la mer Rouge.
— Quelles sont les répercussions des crises de la Corne de l’Afrique sur la sécurité régionale et égyptienne ?
— La stabilité de la Corne de l’Afrique est étroitement liée à la sécurité nationale de l’Egypte. Le Caire suit de près l’évolution de la situation dans cette région. Le conflit au Soudan, qui entre dans sa deuxième année, devient de plus en plus complexe sur les plans militaire, politique et humanitaire. Par ailleurs, la paix reste toujours fragile à l’Ethiopie malgré la signature de l’accord de paix de Pretoria en novembre 2022. L’accord illégal, signé en janvier dernier entre l’Ethiopie et le Somaliland, une entité non reconnue internationalement, menace davantage la stabilité régionale. Cet accord, fermement rejeté par l’Egypte, constitue une violation flagrante du droit international et porte atteinte à la souveraineté de la Somalie. Il a été également condamné par les autres pays de la Corne de l’Afrique, notamment Djibouti et l’Erythrée. Par ailleurs, la région est fortement influencée par la guerre à Gaza. Les récents affrontements entre les Houthis et Israël ont eu de graves répercussions sur le commerce international et la circulation maritime dans le Canal de Suez.
— Quelle est donc la politique de l’Egypte pour renfoncer sa place dans cette région face à ces crises ?
— Il est crucial pour l’Egypte que cette région retrouve la stabilité. C’est pourquoi l’Egypte s’efforce d’investir dans ses relations avec les pays de la Corne d’Afrique, afin de promouvoir la stabilité et de préserver ses intérêts stratégiques. Par exemple, lors de la récente visite du ministre des Affaires étrangères au Rwanda, un accord a été signé pour le lancement de la zone logistique égyptienne au Rwanda, un pays enclavé, à proximité de ses frontières avec la Tanzanie. Ce qui bénéficiera à l’économie rwandaise et tanzanienne. Par ailleurs, l’Egypte tente de développer le secteur de la santé au Rwanda. Au début d’août, la première phase de la construction du centre cardiologique Magdi Yacoub Rwanda-Egypte a été lancée. Cet établissement est destiné à devenir un centre régional de traitement des maladies cardiaques en Afrique de l’Est et centrale.
— Sur le plan militaire, comment voyez-vous l’importance du protocole militaire signé entre l’Egypte et la Somalie ?
— L’Egypte dispose d’une grande expertise, notamment dans la formation des cadres militaires à travers ses académies et centres militaires. Le protocole militaire signé entre l’Egypte et la Somalie vise principalement à améliorer l’efficacité des forces de l’armée somalienne pour faire face aux menaces sécuritaires posées par des groupes terroristes, en particulier le mouvement des Shebab. Lors de cette visite, l’Egypte a proposé d’envoyer des forces spéciales dans le cadre du renouvellement cette année de la mission de maintien de la paix des Nations-Unies en Somalie. Par ailleurs, l’Egypte assumera la présidence du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en octobre prochain. En effet, au cours de la dernière décennie, la base militaire de Mohamad Naguib a accueilli des exercices militaires avec de nombreux pays africains tels que le Soudan, la Somalie, le Nigeria, le Burkina Faso et le Togo, dans l’objectif de partager avec eux notre expertise dans la lutte contre le terrorisme.
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