Hani Abdel-Latif, porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Al-Ahram Hebdo : Les attaques terroristes du 24 janvier ont choqué la population. Quel est votre commentaire ?
Hani Abdel-Latif : Au mois de décembre, le ministère de l’Intérieur a obtenu des informations selon lesquelles les Frères musulmans planifiaient des actes de violence sur les campus universitaires, afin d’entraver la feuille de route. Nous avons alors pris des mesures très strictes et avons réussi à sécuriser les fêtes du jour de l’an, de Noël, les examens de mi-année et le référendum sur la Constitution. Au cours de cette période, nous avons arrêté un réseau lié à la confrérie. Je crois que le but de ces attaques était de terroriser la population et l’empêcher de commémorer le 3e anniversaire de la révolution. Mais comme d’habitude, les Egyptiens ont impressionné le monde et sont descendus dans les rues par millions pour dire non au terrorisme.
— Mais comment expliquez-vous que la préfecture de police du Caire soit prise pour cible aussi facilement. Ne trouvez-vous pas qu’il y a une défaillance au niveau des appareils de sécurité ?
— Pour parler de la performance de la police, il faut évoquer l’atmosphère générale dans laquelle nous nous trouvons et les défis auxquels nous faisons face en cette période. Nous affrontons une vague terroriste impitoyable. Nous sommes face à un mouvement intégriste qui a dirigé le pays pendant un an et qui a réussi à infiltrer les institutions. Il a ouvert les prisons et a libéré des prisonniers accusés de terrorisme. Il a accueilli également des terroristes qui étaient interdits d’entrer en Egypte, car recherchés dans le cadre de procès liés au terrorisme. Ce régime a ouvert les frontières au Hamas. Le Nord-Sinaï est devenu la plaque tournante du terrorisme dans la région. Aujourd’hui dans la péninsule, il y a plus de 7 000 militants intégristes avec leurs armes. Nous ne devons pas négliger toutes ces réalités. Nous coopérons avec l’armée pour endiguer cette vague de terrorisme. La preuve en est qu’après les attaques de vendredi et de samedi, nous avons détecté à Port-Saïd une voiture piégée avec à son bord 750 kilos d’explosifs.
— Mais beaucoup de citoyens estiment que si vous êtes incapables de protéger la préfecture de police, vous l’êtes aussi pour les protéger ...
— Il faut prendre en considération le fait que la plupart des sièges de la police se trouvent dans des quartiers populaires et commerciaux. Mais nous ne pouvons pas gêner les gens en installant par exemple des barricades. Malgré tout, vous remarquerez que l’explosion devant la préfecture de police aurait pu faire beaucoup plus de dégâts. Grâce aux blocs de ciment, la déflagration s’est répercutée plus sur le bâtiment que sur les personnes. Dans les pays les plus évolués, il est bien connu que les attaques à la voiture piégée sont extrêmement dangereuses, surtout au centre-ville. Que dire de l’Egypte qui affronte une vague de terrorisme soutenu par certains pays de la région ?
— Mais ce n’est pas la première fois qu’une préfecture de police soit attaquée. Pourquoi aucune mesure n’a-t-elle été prise pour prévenir une telle attaque ?
— N’oublions pas que la police égyptienne fait face à d’énormes pressions morales depuis la révolution du 25 janvier. La police a commencé à se reconstituer de manière adéquate après la révolution du 30 juin, surtout après la restructuration du département de la Sécurité nationale avec une nouvelle stratégie.
— Certains affirment que le personnel de la sécurité est mal formé et n’est pas équipé de manière adéquate. Qu’en pensez-vous ?
— Peut-être que les trois dernières années ont eu des répercussions sur la formation des policiers, mais on peut dire, par ailleurs, qu’ils ont acquis une expérience pratique lors des actes de violence pro ou anti-Morsi.
— Dans certains pays, de telles attaques auraient provoqué la démission du ministre de l’Intérieur ...
— La police égyptienne affronte d’importants défis depuis trois ans. C’est vrai que chaque période est différente de l’autre, mais ce que nous affrontons aujourd’hui est très grave, et nous nous attendons à d’autres explosions, car le terrorisme le plus dangereux est le terrorisme idéologique. Chaque ministère et institution doit faire son travail comme le ministère de l’Education, celui de la Jeunesse et Al-Azhar. Pour lutter contre ce phénomène, la solution sécuritaire ne suffit pas. Il n’est pas logique qu’à chaque attaque, on change de ministre. Au contraire, la police et l’Egypte ont besoin de stabilité. Le problème est que nos capacités actuelles ne sont pas à la hauteur des défis auxquels nous faisons face. Et vous connaissez l’état de l’économie égyptienne en ce moment.
Lien court: