Sans surprise
, la nouvelle Constitution a été approuvée à une écrasante majorité avec 98,1 % de «
Oui » (contre 63 % pour la Constitution de 2012) et un taux de participation de 38,6 % (32,9 % en 2012), d’après les résultats annoncés par la Haute Commission électorale.
Sur les 53 485 423 électeurs inscrits, 20 613 677 ont participé au référendum. Le « Oui » a raflé 19 985 389 des voix (98,1 %) tandis que 381 341 personnes ont voté « Non » (1,9 %). Tenu dans une ambiance électrique, ce référendum était la première étape de la transition démocratique de l’après-Morsi. La victoire du « Oui » ne faisait pas l’ombre d’un doute, mais le véritable pari pour les autorités transitoires était le taux de participation, perçu comme un soutien aux événements du 30 juin.
« On peut dire que le taux de participation de 38 % est l’un des plus élevés, si on le compare au taux de 32,9 % de la Constitution de 2012 », souligne l’analyste Akram Al-Alfi. En effet, la participation a été très proche de celle du référendum de mars 2011 sur les amendements constitutionnels, où 41 % des inscrits avaient participé au vote tenu en pleine effervescence révolutionnaire.
« N’oublions pas non plus que ce taux de participation a été réalisé avec un boycott des Frères musulmans et d’autres courants islamistes. Habituellement, les taux de participation aux référendums ne sont jamais massifs comme ceux des législatives et de la présidentielle. Les législatives post-Moubarak avaient réalisé un taux de participation de 55,7 %, et le deuxième tour de la présidentielle de 2012, 49,6 % », précise Al-Alfi.
Plusieurs « Oui »
Mais si une écrasante majorité d’Egyptiens ont dit « Oui », ils l’ont fait pour des raisons différentes. Le « Oui » reflète tout aussi bien le soutien au ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi, que le rejet de la confrérie des Frères musulmans ou encore la recherche d’un avenir plus stable pour l’Egypte. « Ce référendum constitue une gifle pour tous ceux qui tentent de défigurer les révolutions du 25 janvier et du 30 juin ou de plonger le pays dans le chaos », commente Mohamad Abdel-Aziz, cadre de la campagne Tamarrod et membre du comité des 50 qui a rédigé la Constitution.
Même son de cloche chez Farida Al-Naqqach, cadre du parti du Rassemblement qui souligne « l’unité des Egyptiens ». « Ce vote unanime traduit l’unité des Egyptiens face au terrorisme. Ils ont voté pour l’ensemble du processus politique, dit-elle. Ce Oui au référendum est un Oui à la stabilité, à la candidature d’Al-Sissi, aux révolutions du 30 juin et du 25 janvier et à la feuille de route ».
Essam Chiha, cadre du parti libéral néo-Wafd, estime que les résultats du référendum ouvrent la voie de la présidence au ministre de la Défense. Une majorité d’Egyptiens voient les Frères musulmans comme un danger pour la société. « C’est un véritable plébiscite pour la candidature d’Al-Sissi. On a vu les portraits d’Al-Sissi portés par des milliers d’électeurs devant les bureaux de vote », dit Chiha.
Beaucoup de femmes, peu de jeunes
Le référendum a été marqué par une participation massive des femmes. La participation des femmes tourne autour des 70 %. Farida Al-Naqqach voit dans cette participation massive des femmes une « réaction aux tentatives des Frères de restreindre le rôle de la femme lorsqu’ils étaient au pouvoir ». Elle affirme que la femme égyptienne a fait preuve de maturité politique en participant massivement aux révolutions du 25 janvier et du 30 juin, et confirme cette maturité avec cette participation massive au référendum.
Mais si la femme a été très active, on ne peut pas en dire autant des jeunes (moins de 30 ans). Leur absence a été très remarquée, même si aucun chiffre officiel ne permet de le confirmer. « Il est clair qu’une partie des jeunes est aujourd’hui désespérée, souligne le politologue Hassan Nafea. Les restrictions sur le droit de manifester et l’incarcération d’activistes opposés à la loi sur les manifestations ont donné aux jeunes l’impression que la révolution du 30 juin est en passe d’être détournée au profit d’un réseau d’intérêts liés au régime de Moubarak ». Un avis partagé par Tareq Al-Khouli, du mouvement du 6 Avril. « Les jeunes ont payé de leur sang la révolution de janvier et ils l’ont vu être détournée par les Frères musulmans. Aujourd’hui, ils craignent que la révolution du 30 juin ne soit elle aussi manipulée », dit-il.
Le gouvernement, lui, invoque la période des examens pour expliquer l’absence des jeunes.
Les gouvernorats, facteur-clé
Sur un autre volet, les résultats de certains gouvernorats sont très révélateurs pour les analystes. Le taux de participation le plus élevé a été enregistré aux gouvernorats de Ménoufiya (55 %) et de Port-Saïd (51 %).
Ce dernier gouvernorat avait affiché une résistance farouche au régime des Frères. Le gouvernorat de Daqahliya, au nord du Delta, cible d’un attentat terroriste, réalise le plus grand taux de « Oui » à la Constitution avec 99 %.
Les gouvernorats de la Haute-Egypte, ceux de Marsa Matrouh et du Nord-Sinaï ont enregistré un faible taux de participation, surtout à Matrouh (16 %). En Haute-Egypte, le taux de participation a varié entre 19 et 23 %, contrairement au référendum de 2012, qui avait témoigné d’un vote massif. « Cette faiblesse du taux de participation en Haute-Egypte montre que le régime de Moubarak n’a aucune influence dans cette région. Les habitants de la Haute-Egypte ne sont pas satisfaits du pouvoir actuel. Leur région est toujours marginalisée. N’oublions pas non plus la présence importante dans cette région de groupes extrémistes et la peur des coptes d’aller voter », analyse Akram Al-Alfi. La
participation du parti salafiste Al-Nour, seul parti islamiste ayant soutenu le 30 juin, ne s’est pas concrétisée sur le terrain. « Le recul du taux de participation dans des gouvernorats comme Marsa Matrouh et Fayoum où les salafistes représentent un potentiel de vote massif montre que le courant salafiste est divisé sur la participation à ce référendum, pense Emad Gad, politologue et cadre du parti l’Egyptien Démocrate. Le parti Al-Nour a organisé une campagne pour le Oui. Mais il semble que les salafistes ne contrôlent pas bien leurs bases populaires dans les gouvernorats. Par exemple, à Marsa Matrouh, où les salafistes soutiennent les Frères musulmans, le taux de participation a été de 16 % contre 28 % au référendum de 2012 ». L’Egypte
doit se tourner à présent vers l’après- Constitution et décider dans quel ordre se tiendront les élections présidentielle et législatives.
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