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Nouveau revers pour les Frères

Ola Hamdi, Lundi, 20 janvier 2014

Après le syndicat des Médecins, les Frères musulmans ont perdu le contrôle du puissant syndicat des Ingénieurs qu'ils contrôlaient depuis une trentaine d'années.

Syndicat des Ingénieurs

L’effet boule de neige ne s’arrête pas pour les Frères musulmans. Après le syndicat des Médecins, la confrérie vient de perdre un autre bastion, à savoir le syndicat des Ingénieurs qu’ils contrôlaient depuis 30 ans. Vendredi 17 janvier, lors d’une assemblée générale extraordinaire organisée dans la salle couverte à Madinet Nasr en présence de 16 000 membres, les ingénieurs ont voté pour retirer la confiance au président islamiste de l’établissement, Magdi Khouloussi, et son conseil d’administration.

8 887 ingénieurs ont voté pour le retrait de confiance, et 6 886 ont voté contre. Tout a commencé lorsque 176 membres du syndicat ont déposé une demande exigeant la tenue d’une assemblée générale extraordinaire. La loi stipule que si le président du syndicat refuse de tenir la réunion dans un délai de 30 jours, les plaignants nomment un coordinateur général du syndicat, et ce dernier peut convoquer l’assemblée générale. Le coordinateur était le ministre de l’Irrigation, Mohamad Abdel-Mottaleb, et a convoqué l’assemblée générale. Des membres des Frères ont fait appel de la décision devant le tribunal administratif, mais leur appel a été rejeté.

Après l’annonce des résultats, les ingénieurs ont célébré leur « victoire ». Ils ont scandé « Vive l’Egypte », « Les ingénieurs seront toujours libres », et « Le syndicat est libre. Dehors les fils du guide ». « Nous avons décidé de participer à cette assemblée générale extraordinaire, pour mettre fin à la domination des Frères musulmans. Ce conseil n’a pas résolu les problèmes des ingénieurs. Il a transformé les branches du syndicat en lieux de propagande pour le président déchu Mohamad Morsi », explique l’ingénieure Asmaa Bakri. Et d’ajouter qu’après la révolution du 30 juin 2013, le conseil a tenu plusieurs conférences au sein du syndicat, pour soutenir les Frères musulmans face à la volonté populaire.

« Pendant des années, les Frères ont volé les ressources du syndicat et les ont exploitées au bénéfice de la confrérie. Ils ont soutenu les sit-in de Rabea et d’Al-Nahda avec l’argent du syndicat. Le conseil du syndicat a consacré une pension de retraite exceptionnelle aux victimes de Rabea et d’Al-Nahda avec l’argent des ingénieurs », ajoute-t-elle. Plusieurs personnalités officielles, membres du syndicat, ont assisté à l’assemblée générale, tels l’ingénieur Hassaballah Al-Kafraoui, ancien ministre du Logement, Ibrahim Mehleb, actuel ministre du Logement, Ahmad Zaki, ancien ministre de l’Education, Hani Hilal, ancien ministre de l’Enseignement supérieur, de même qu’un certain nombre de chefs d’entreprises de construction, et Galal Saïd, gouverneur du Caire. On notait aussi la présence du fils du défunt leader Gamal Abdel-Nasser, Abdel-Hakim Abdel-Nasser, qui a voté en faveur d’un retrait de la confiance.

Le vote qui avait commencé vendredi après-midi a attiré plus de 16 000 ingénieurs, avec une présence particulièrement forte du courant de l’indépendance, une coalition d’ingénieurs opposée à la domination des Frères. Pour Iman Allam, membre de cette coalition, il est temps que le syndicat soit strictement professionnel. « Nos efforts visent à éloigner le syndicat de n’importe quel courant politique. Nous avons réussi et les ingénieurs ne reviendront pas en arrière », assure-t-elle. Par ailleurs, avant le décompte final des voix, plusieurs membres du syndicat ont appuyé le président et son conseil, et ont brandi des affiches sur lesquelles on pouvait lire : « Nous sommes contre la tutelle. Nous rejetons les recommandations du ministre de l’Irrigation ». Des membres des Frères musulmans étaient également présents, portant des pancartes qui montraient le signe de Rabea et entonnant des chants contre le régime militaire. Salah Zayed, qui a voté « Non » au retrait de confiance, n’accepte pas les résultats du scrutin. « Ces mesures vont faciliter le retour de la tutelle judiciaire sur le syndicat », lance Zayed, membre du mouvement « Ingénieurs contre la tutelle ». Zayed pense que le résultat de 56 % de « Oui » au scrutin n’est pas représentatif. « N’oublions pas qu’il y a des milliers d’ingénieurs blessés ou détenus qui n’ont pas pu voter. Soulignons aussi les provinces périphériques qui ont été écartées de l’assemblée générale », explique-t-il.

Sous tutelle en 1995

Le syndicat des Ingénieurs est l’un des plus puissants d’Egypte. Depuis la fin des années 1980, il était dominé par le courant islamiste. Le syndicat est placé sous tutelle judiciaire en 1995, lorsque les Frères qui dominaient le conseil d’administration ont été accusés de corruption et de détournement de fonds. En 2010, la justice a annulé la tutelle, mais le verdict n’a été appliqué qu’ en octobre 2011, après la révolution du 25 janvier.

Après le vote de l’assemblée générale du 17 janvier, la direction du syndicat doit être remise à une commission de sages chargée d’organiser l’élection d’un nouveau conseil d’administration dans un délai de 90 jours. Cette commission fera aussi un audit de la situation du syndicat, car beaucoup d’ingénieurs accusent le syndicat d’avoir soutenu financièrement les activités des Frères musulmans. « Les principales préoccupations du nouveau conseil du syndicat seraient dirigées vers les affaires intérieures. Ce vote de confiance confirme que les ingénieurs suivent les étapes démocratiques et veulent un choix transparent », déclare le ministre de l’Irrigation. Pour sa part, Tareq Al-Nabarawi, porte-parole du courant indépendant, affirme que le courant va continuer à travailler pour le bien du syndicat. « Nous poursuivrons le travail pour clarifier la situation et montrer toutes les réalités à nos collègues qui n’ont pas participé à l’assemblée générale, surtout que nous avons un dossier qui montre les irrégularités financières et juridiques de ce conseil, qui n’a absolument rien fait pour les ingénieurs au cours des deux dernières années », assure-t-il. La bataille s’annonce rude entre les indépendants et les islamistes au cours des prochaines élections du syndicat.

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