Les positions contradictoires de ses membres vis-à-vis de l'évolution politique ont fait perdre peu à peu au Front non seulement sa crédibilité, mais aussi son influence.
Le sort du FNS sera tranché à l’issue du référendum sur la Constitution. C’est ce qu’a déclaré, cette semaine, Wahid Abdel-Méguid, cadre du Front. Et d’ajouter : «
Cette décision sera prise après l’évaluation des objectifs réalisés par le FNS et après avoir décidé quel rôle il jouera sur la scène politique au cours de la prochaine période ».
La démission cette semaine du secrétaire général du FNS, Ahmad Al-Saïd, président du parti Les Egyptiens libres ainsi que l’absence des figures de proue comme Mohamed ElBaradei et Hamdine Sabbahi relancent le débat sur le sort de cette coalition. Créé le 22 novembre 2012, au lendemain de la déclaration constitutionnelle contestée octroyant des pouvoirs exceptionnels au président destitué, Mohamad Morsi, le FNS s’est toujours posé comme la principale force d’opposition libérale face à l’hégémonie islamiste. Il rassemblait des personnalités issues de mouvements divers allant des partis libéraux à la gauche et surtout des partis créés après la révolution de janvier. Mais cette unité de façade cachait de multiples divergences dues au fossé idéologique entre les libéraux et les mouvements de gauche. On a également reproché au Front, plus réformiste que révolutionnaire, la présence en son sein de figures de l’ancien régime. Néanmoins, l’existence du Front en tant que coalition libérale face au régime des Frères musulmans a été accueillie favorablement par la rue. Si le FNS a réussi à faire le « forcing » contre les Frères pour les amener à annuler la déclaration constitutionnelle controversée de Mohamad Morsi, il n’a pas réussi à empêcher la ratification de la Constitution islamiste de 2012. Les positions contradictoires de ses membres vis-à-vis des événements ont fait perdre peu à peu au Front non seulement sa crédibilité, mais aussi son influence.
Aujourd’hui et à l’approche des législatives, le sort de cette coalition est toujours inconnu. Certains pensent que son rôle s’est achevé avec la chute de Morsi, alors que d’autres estiment que sa dissolution sera une perte énorme pour les partis civils toujours fragmentés. La question est de savoir si le Front possède toujours un projet pour l’Egypte.
Pour Mohamad Aboul-Ghar, président du parti Egyptien démocratique, le but essentiel pour lequel ce Front a été créé a été atteint. « Lorsque le Front a été créé, tous ses membres, malgré leurs tendances idéologiques et politiques différentes, étaient tous d’accord que le régime des Frères musulmans et la déclaration constitutionnelle de Morsi représentaient un danger pour l’Egypte. Mais aujourd’hui, l’équation politique a changé après la chute de Morsi et le FNS n’a plus de raison d’être, surtout qu’il y a des divergences entre les partis. Aujourd’hui, cette coalition est inutile », pense Aboul-Ghar. Avis partagé par Abdel-Ghaffar Chokr, président du parti de la Coalition populaire socialiste. Il affirme que les activités du Front sont gelées depuis plus de 3 semaines, car les partis sont pris par les préparatifs des prochaines législatives. Au sein du Front, les partis sont divisés sur la question de savoir dans quel ordre il faut organiser les élections législatives et parlementaires de même que sur le mode de scrutin. « Aujourd’hui, le maintien du Front ne fera que fragmenter davantage l’opposition », précise Abdel-Ghaffar Chokr. Et d’ajouter : « Le FNS est apparu à un moment donné pour des raisons circonstancielles exceptionnelles. Sa dissolution permettrait à chacun des partis politiques qui le composent d’exercer la démocratie sur des bases de pluralisme politique ».
Concrétiser les revendications
Mais pour certains, le rôle du FNS n’était pas seulement de contrer l’hégémonie islamiste, mais aussi de concrétiser les revendications de la révolution et doit donc être maintenu. C’est notamment l’avis de Refaat Al-Saïd, qui rejette les appels à la dissolution du Front. « L’unité du Front est primordiale en cette période, où se dessine le paysage politique de l’Egypte. Ce Front incarne en premier lieu une volonté d’unifier les rangs et de conjuguer les efforts des partis politiques civils pour instaurer un régime démocratique véritable. Or, ce but n’a toujours pas été achevé puisque la chute de Morsi en soi n’est pas le début du processus démocratique. Le Front doit poursuivre son travail et ceux qui veulent le quitter sont libres de le faire », plaide Al-Saïd. Position partagée par Georges Ishaq, membre du Conseil national des droits de l’homme et fondateur du mouvement Kéfaya, qui voit en la dissolution du FNS une perte énorme pour les partis libéraux. Il met en garde contre la dispersion des voix électorales aux prochaines législatives et présidentielle comme ce fut le cas lors des élections remportées par les islamistes. « Il ne faut pas oublier que les forces civiles restent fragmentées et fragiles en comparaison avec les faucons de l’ancien PND qui pourraient remporter les prochaines législatives sous l’étiquette d’indépendants. C’est pourquoi le FNS doit être maintenu pour faire face au spectre d’un probable retour de l’ancien régime », souligne Ishaq. Plus pragmatique, Omar Al-Guendi, membre du bureau exécutif du Front, pense que c’est le mode de scrutin électoral qui décidera du sort du Front. En vertu du projet de Constitution, le président par intérim, Adly Mansour, doit trancher cette question. Pour Al-Guendi, si un scrutin de liste est adopté, il sera primordial de maintenir le Front qui constituera dans ce cas une forte coalition électorale permettant aux partis civils, surtout ceux récemment créés, de gagner des voix aux législatives. Mais si le scrutin uninominal est retenu, il ne servira à rien de maintenir le Front dont le rôle a pris fin avec la chute du régime islamiste.
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