Al-Ahram Hebdo : Pouvez-vous expliquer l’importance, voire l’urgence, de la promulgation de la loi sur le travail ?
Mohamed Gobran : Comme l’a souligné le président de la République cette semaine, il est temps d’accélérer la promulgation de la nouvelle loi sur le travail. Ce projet de loi est actuellement en discussion au Conseil supérieur du dialogue, entre les trois groupes de travail — le gouvernement, les employeurs et les travailleurs —, ainsi que les entités, institutions et experts concernés par ce dossier, pour préparer une législation qui répond aux objectifs des parties concernées. Le projet de loi sera conforme à la Constitution de 2014 et aux conventions de l’Organisation internationale du travail. Son objectif principal est d’améliorer l’environnement du travail, réaliser l’équilibre dans les droits et devoirs des travailleurs et du patronat et aussi d’aller de pair avec tous les développements dans le secteur de travail. Nous avons besoin d’une nouvelle loi qui aide à combler toutes les lacunes existantes dans la loi en vigueur, de 2003. Ces lacunes ont créé des litiges et sont les principales raisons des problèmes portés depuis des années devant les tribunaux. Ainsi, la nouvelle loi va sans doute aider à créer un environnement sain et stable qui attire les investissements internes et externes.
— Quelles sont les modifications les plus importantes apportées par cette loi ?
— Les travailleurs ont présenté leurs demandes pour sécuriser leur environnement de travail via la loi. Leurs propositions seront prises en considération par le parlement lors de la rédaction de la version finale de ce projet de loi. Les articles qui assurent l’équilibre entre les droits et devoirs des patrons et des travailleurs sont parmi les amendements les plus importants proposés notamment par les travailleurs du secteur privé, dont le nombre atteint actuellement 11 millions. Il existe parmi ceux-ci un article liant les salaires à la production. Cet amendement rassure à la fois les investisseurs nationaux et étrangers et les travailleurs et incite ces derniers à déployer le maximum d’efforts pour améliorer leurs revenus. Les heures de travail fixes, les salaires, les pensions, les indemnités de fin de service, le droit de grève et les licenciements sont inclus dans des articles qui seront clairement rédigés au sein du nouveau texte législatif et conformément à la situation économique. Le projet de loi modifie également les articles liés aux congés. Il stipule notamment, en plus des congés ordinaires, un congé de 30 jours payé, une seule fois pendant toute la carrière du travailleur dans la fonction publique, pour accomplir le pèlerinage (pour les musulmans et les chrétiens). De plus, le congé de maternité passera de trois à quatre mois, au maximum trois fois pendant toute la carrière dans la fonction publique.
— Comment le nouveau projet de loi résoudra-t-il le problème du licenciement abusif ?
— L’ancienne loi renfermait ce qu’on appelait le « formulaire numéro 6 » qui donnait à l’employeur le droit de licencier arbitrairement le travailleur à n’importe quel moment et sans lui donner ses droits. Le nouveau texte annule cet article et stipule que le travailleur ne peut être licencié que par décision judiciaire définitive du tribunal. Nous appelons même à la création d’un tribunal pour les travailleurs afin d’accélérer le processus de juridiction qui dure des années. Et au cas où l’employeur mettrait fin à un contrat de travail pour un motif non légitime, le travailleur aurait droit à une indemnisation de deux mois de salaire pour chaque année de service en plus du reste de ses droits légitimes. Mais si le travailleur décide par lui-même de démissionner, sa démission doit être présentée au bureau de travail. Toutes ces mesures nouvelles contribueront à limiter le licenciement abusif.
— Le projet de loi assure-t-il les droits des travailleurs irréguliers et ceux des travailleurs à l’étranger ?
— Le projet de loi assure les droits des travailleurs irréguliers. Il stipule notamment que tous les travailleurs temporaires soient officiellement embauchés au bout de 4 ans par force de loi. Ils auront également, selon le nouveau texte, le droit à une assurance médicale. Ce sont des acquis devenus nécessaires à la lumière des conditions économiques actuelles. La loi envisage également la création d’un fonds spécial pour les travailleurs irréguliers pour les aider en cas d’urgence. Cette proposition est toujours en cours de discussion. En ce qui concerne les travailleurs à l’étranger, ils ne sont pas soumis à la loi égyptienne, mais à la loi du pays dans lequel ils résident.
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