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Dérives policières et pauvreté persistante

Najet Belhatem, Mercredi, 04 décembre 2013

La police est encore une fois au devant de la scène avec une vague d’actions répressives qui font penser à un retour des dérives policières. Et un dernier rapport officiel fait état d’un taux de pauvreté de 26 % au sein de la population égyptienne. Focus.

Le plus marquant des faits cette semaine c’est la mort d’un étudiant en ingénierie à l’Université du Caire, suite aux tirs par balles de la part de la police à l’intérieur de l’enceinte universitaire. « Le docteur Gaber Nassar, recteur de l’Université du Caire, a nié les déclarations du ministre de l’Enseignement supérieur, Hossam Eissa, au sujet de l’utilisation par la police de balles réelles dans les événements de l’Université (ndlr, les étudiants avaient organisé jeudi dernier des manifestations contre la loi régissant le droit de manifester) », écrit le quotidien Al-Watan.

Depuis l’approbation de la loi sur le droit de manifester, la police est entrée en scène avec force faisant rappeler la poigne de fer de l’ancien ministre de l’Intérieur de Moubarak, Habib Al-Adely, actuellement en prison. L’université a décidé, selon le quotidien Al-Shorouk, d’ouvrir une enquête pour enregistrer les faits « et de constituer un groupe de juristes pour suivre l’affaire et porter plainte auprès des autorités contre ceux qui ont commis ce crime ».

A suivre la presse, ce n’est pas le seul haut fait de la police. Le quotidien Al-Tahrir rapporte une autre affaire qui s’est passée dans le gouvernorat de Qalioubiya, où une équipe de la police criminelle « a envahi le domicile du secrétaire de la commission scientifique de l’union estudiantine de la faculté de droit de Banha. Elle a détruit sa chambre, l’a arrêté lui et ses frères, et l’a traîné dans les escaliers de l’immeuble où il habite, dans le village d’Al-Manchaa Al-Kobra ».

Cette arrestation est intervenue, selon le journal, après une altercation entre le secrétaire de la commission et un autre étudiant interdit d’entrer à l’université pour mauvais comportement. « Ce dernier a blessé le premier avec un couteau » mais la police a arrêté la victime car le coupable, selon le journal, « est proche d’un officier de police » qui, « parmi la direction de la police de Qalioubiya, a donné l’ordre de l’arrestation au moment où plusieurs affaires pour meurtre sont classées contre X ».

Dans le même journal, l’auteur Waël Abdel-Fattah se penche sur ce retour musclé des policiers. « Nous vous rappelons pourquoi la révolution a éclaté. Le plus ultime des espoirs du citoyen lambda est d’échapper à la répression des services de police qui cherchent à nous faire vivre sous terre. Mais nous vous rappelons aussi que nous ne sommes plus le même peuple que vous avez tenu d’une main de fer pendant 30 ans. L’Etat sécuritaire est revenu pour donner l’illusion qu’il est retourné à son âge d’or. Or, c’est une tentative qui illustre un état de faiblesse général », écrit-il.

Dans le quotidien saoudien Al-Hayat, qui paraît à Londres, un auteur met en garde contre cette dérive. « Il est vrai que le pays vit à l’ombre du climat de la révolution du 30 juin et de la réussite de l’armée qui a évincé les Frères musulmans. Mais les dernières procédures sécuritaires prises par le gouvernement de Hazem Al-Beblawy pour punir les opposants à la loi sur le droit de manifester et les tentatives de légiférer pour octroyer une place particulière à l’armée dans la nouvelle Constitution creusent un fossé entre les parties qui ont participé à l’intifada populaire contre le président Morsi. La direction militaire actuelle ne doit pas négliger ce climat. Ce serait une erreur », écrit-il.

Une autre bombe à retardement

Ce serait une erreur aussi que d’oublier les vrais maux dont souffre le pays, comme le rappelle un éditorialiste du quotidien Al-Shorouk. « Depuis quatre jours, le Capmas, l’Organisme des statistiques et de la mobilisation, a publié un rapport où il dévoile que les pauvres en Egypte ont atteint les 26,3 % pour l’année 2012-2013. Ce qui veut dire que tout ce qui a été fait après la révolution n’a pas donné de résultat dans l’amélioration du niveau de vie des pauvres. C’est la Haute-Egypte qui enregistre le plus haut taux de pauvreté : 60 % des familles y sont touchées », écrit Amr Khafagui.

Il ajoute que « la catastrophe qui fait craindre le pire est le taux de natalité que l’organisme évalue à 2,4 % par an contre 0,8 % dans les pays développés et 1,5 % dans les pays en développement. Le taux enregistré en Egypte est très dangereux, car le taux de croissance économique requis face à ce taux de natalité doit être de 10 %. Une mission qui paraît impossible à un moment où le taux de croissance économique ne dépasse pas les 2 %. Le plus dangereux est que cette catastrophe est camouflée : personne n’en parle au milieu de cette effervescence politique ».

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