« La révolution est-elle brisée ? Et le rêve de construire un nouvel Etat né au lendemain de janvier 2011 est-il mort ? Ma réponse courte est que la révolution n’est pas brisée, mais ses vagues sont tombées et que le rêve est en train de grandir et se réalisera », écrit dans le quotidien Al-Shorouk le célèbre écrivain et diplomate Ezzeddine Fishere, notamment auteur de plusieurs romans à succès, dont le plus connu Bab al-khourouj, où justement il dépeint l’Egypte actuelle.
Un autre éditorialiste, Moataz Abdel-Fattah, analyste politique, plonge, pour sa part, dans un pessimisme total. Dans un article publié dans le quotidien Al-Watan, il écrit : « La révolution échoue quand elle se transforme chez une grande partie des Egyptiens en un synonyme de chaos et d’appauvrissement, et que les gens finissent par croire qu’avant, c’était mieux. Elle échoue quand la place Tahrir n’est représentée ni au Parlement, ni au pouvoir. Elle échoue quand nous revenons à l’époque de la répression politique. Elle échoue quand nous avons parmi nous des personnes au-dessus des lois, parce qu’elles ont le pouvoir de l’argent ou de la politique. Et comme nous avons des présidents qui sont jugés, nous pouvons dire que la révolution a réussi à créer un climat politique plus sévère à l’égard des responsables. La révolution échoue quand nous nous transformons en ennemis qui s’entretuent et s’insultent. Elle échoue quand la nouvelle Constitution renferme les mêmes vices que la Constitution de 1971 : à savoir relier les libertés et les droits à des décisions de l’autorité exécutive. Au regard de tout ce qui précède, il ne fait aucun doute que nous serons enclins à croire que la révolution a échoué ».
Un Etat en déliquescence et des dangers frontaliers
Alors d’où vient l’optimisme de Ezzeddine Fishere affiché plus haut ? « Ma certitude vient de mon analyse du problème et de ce que l’Egypte a vécu ces dernières années. La révolution de janvier 2011 n’était pas une révolution orange planifiée par de jeunes rêveurs, mais plutôt une explosion qui a eu lieu dans le coeur de l’Etat en désuétude, politiquement, économiquement et culturellement. Cet Etat traîne depuis des années ses malformations, et son échec allant de la profonde injustice aux défaites militaires : 1948, 1956 et 1967 jusqu’à la propagation du l’hépatite C, l’insuffisance rénale et le fondamentalisme. Et au lieu d’affronter les problèmes, nous nous sommes contentés de les cacher, accusant quiconque tente de le faire de vouloir porter atteinte à l’image de l’Egypte. Or, au même moment, la société changeait loin des cadres de l’Etat et en dehors de ses institutions. Elle s’est rattachée aux développements mondiaux alors que l’Etat est resté dans sa coque, et enfin, l’Etat en déliquescence a commencé à flancher par étape, et tout ce qui se passe depuis 2011, ce sont des tentatives vaines de le restaurer ».
Et l’auteur conclut : « Dans tous les cas et nonobstant le temps qui passe et les peines endurées, le rêve d’un Etat nouveau se réalisera, car la vieille génération est en voie de disparition ».
Mais les choses ne seront pas faciles, comme le fait remarquer Ibrahim Eissa dans le quotidien Al-Tahrir : « Nous sommes en état de guerre. Nous sommes encerclés par des groupes terroristes armés de toutes parts, depuis Gaza. Nous connaissons l’influence de la confrérie au Soudan où se trouve un autre Frère, à savoir Omar Al-Béchir, le dictateur. Et en Libye ... Etudions l’entretien de Mahmoud Al-Chamam, ancien ministre libyen, publié dans le journal Al-Charq Al-Awsat, qui dit que la plupart des forces des milices libyennes se trouvent à l’ouest de la Libye, et ce sont des milices fortes et bien armées. Il ajoute que la Libye va se transformer en Somalie ».
L’Egypte, selon Eissa, doit « se préparer à affronter ce terrorisme avant qu’il ne soit trop tard. C’est une bombe à retardement ».
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