La police est désormais autorisée à entrer sur le campus universitaire sans autorisation préalable si les locaux universitaires ou les étudiants sont menacés. Ainsi en a décidé le gouvernement. La précédente réglementation en place depuis deux semaines permettait la présence permanente de la police aux portes de l’université, mais l’entrée des policiers sur le campus universitaire nécessitait une autorisation spéciale du président de l’université.
Officiellement, la nouvelle mesure vise à faire face à la violence en cours dans les universités où des affrontements sanglants entre les étudiants pro et anti-Morsi se poursuivent. Un étudiant de l’Université d’Al-Azhar a été tué cette semaine lors d’accrochages entre des étudiants islamistes et les forces de l’ordre. Ces dernières ont dû intervenir pour mettre fin à la violence.
En octobre 2010, la police s’était retirée des universités sur ordre de la justice, et avait été alors remplacée par une sécurité civile. Un dispositif qui suffisait alors à maintenir la sécurité. Toutefois, depuis la destitution du président islamiste Mohamad Morsi et l’évacuation des sit-in de Rabea et d’Al-Nahda, les étudiants islamistes perturbent les universités avec des manifestations quasi quotidiennes. Même si leur présence dans les rues commence à diminuer, les manifestations des Frères au campus universitaire s’amplifient et tournent fréquemment en affrontements violents. La violence bat ainsi son plein aux Universités d’Al-Azhar, du Caire, de Aïn-Chams et de Mansoura. C’est dans ce contexte qu’intervient la décision du gouvernement d’autoriser l’entrée de la police au sein des universités. Mais cette mesure soulève déjà un vif débat. Certains la trouvent nécessaire pour rétablir l’ordre dans les universités alors que d’autres y trouvent une atteinte aux libertés et à l’indépendance des universités.
Lutter coûte que coûte
Les unions étudiantes se sont insurgées contre cette décision qu’elles qualifient de « choquante ». Dans un communiqué publié cette semaine, les unions étudiantes de 5 universités promettent de lutter coûte que coûte contre toute intervention policière au sein des universités, appelant les autorités à « examiner d’autres alternatives », pour maintenir la sécurité sans porter atteinte à l’indépendance de celles-ci. « Les directions des universités appliquent déjà des sanctions disciplinaires très strictes contre les étudiants qui commettent des abus, et la sécurité a été renforcée à l’entrée des universités. Cela suffit amplement. Mais l’intervention de la police au sein du campus universitaire ne fera qu’exacerber la tension et augmenter le nombre d’opposants au régime. Les libéraux et les révolutionnaires manifesteront aussi et n’admettront pas de voir les acquis de la révolution bafoués », s’insurge Magdi Abdel-Réhim, étudiant à l’Université du Caire et membre du parti Al-Dostour. Karim Bilal, président de l’union des étudiants à l’Université de Aïn-Chams, s’oppose lui aussi à toute intervention non conditionnée de la police. « Ce principe est rejeté par la majorité des étudiants et des professeurs qui ne veulent pas qu’on revienne sur un acquis important de la révolution, à savoir l’indépendance des universités. L’intervention de la police en cas de violence incontrôlable ne doit être autorisée que sur une décision du président de l’université et l’union des étudiants », estime Bilal. Safouat Al-Alem, professeur à la faculté de mass médias de l’Université du Caire, affirme que le retour de la police au sein du campus est devenu nécessaire. « Même s’il s’agit d’un revirement, ce sont les étudiants islamistes qui l’endossent. Avant de contester la décision et répéter des termes comme répression policière et atteintes aux libertés, il faut que les fauteurs de trouble arrêtent leur violence dans les universités. Mais c’est absurde qu’on commette des crimes et qu’on demande ensuite à la police de rester à l’écart. Quelle logique y a-t-il dans ce raisonnement ? », indique Al-Alem. Le débat est loin d’être clos.
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