Le président Abdel Fattah Al-Sissi a accueilli au Caire son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, mercredi 14 février, pour la première fois depuis 11 ans. Cette visite intervient après les efforts diplomatiques et politiques au plus haut niveau entre les deux pays au cours des dernières années, qui culminent aujourd’hui avec le retour à la normale des relations entre les deux pays. Un rapprochement important à la lumière des défis persistants dans la région et des intérêts mutuels qui lient les deux pays.
Lors d’une conférence de presse, le président Sissi a exprimé sa volonté d’ouvrir une nouvelle page dans les relations bilatérales entre les deux pays. Il a assuré que la communication entre les citoyens des deux pays n’a jamais cessé au cours des dix dernières années. Il a annoncé aussi que les relations bilatérales en matière de commerce et d’investissement avaient connu une croissance constante au cours de cette période. « L’Egypte est actuellement le premier partenaire commercial de la Turquie en Afrique et la Turquie est l’une des destinations les plus importantes des exportations égyptiennes », s’est félicité le président.
Pour sa part, Erdogan a déclaré que la visite de Sissi en Turquie, prévue en avril prochain, marquera le début de la première réunion du Conseil de coopération stratégique de haut niveau, qui représentera une nouvelle étape dans les relations égypto-turques. Il a également souligné que les deux pays disposent d’un potentiel de coopération considérable, notamment dans les domaines de l’énergie, du tourisme, de l’éducation et de la culture.
Lors de la visite, les deux parties ont signé plusieurs accords, plaidant pour « une nouvelle étape dans les relations », une augmentation des échanges commerciaux « à 15 milliards de dollars par an dans quelques années » et une coopération diplomatique au Moyen-Orient et en Afrique. Les deux pays ont également signé un mémorandum d’entente établissant un Conseil de coopération stratégique de haut niveau. Cette décision est une étape importante qui contribuera, selon les analystes, au développement des relations entre les deux pays. Ce conseil constitue une plateforme importante de coordination et de consultation entre les parties égyptienne et turque sur un certain nombre de dossiers régionaux et internationaux, en tête desquels la situation en Libye et dans la Corne de l’Afrique, les deux pays cherchant à établir la sécurité et la stabilité dans le continent africain.
Renforcement des relations commerciales
En ce qui concerne les relations commerciales bilatérales, Ankara et Le Caire se sont entendus pour doubler le volume annuel de leurs échanges commerciaux pour atteindre 15 milliards de dollars au cours des prochaines années, augmenter les investissements turcs en Egypte et explorer de nouveaux domaines de coopération. Selon le ministre égyptien de l’Industrie et du Commerce, Ahmed Samir, les investissements turcs en Egypte s’élevaient à plus de 2,5 milliards de dollars en avril 2023. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 5,875 milliards de dollars en 2023 et les exportations égyptiennes vers la Turquie ont augmenté de 28 % par rapport à 2022, enregistrant 2,9 milliards de dollars.
Karam Saïd, spécialiste de la Turquie au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, explique que malgré les désaccords politiques, les relations économiques entre les deux pays n’ont jamais été interrompues. « On s’attend à une augmentation rapide dans le volume des échanges commerciaux pour faire face aux problèmes économiques. On prévoit une augmentation au niveau des exportations du gaz naturel de l’Egypte vers la Turquie et une coopération dans le domaine militaire et celui de l’industrie de la défense », a affirmé le spécialiste qui rappelle que la Turquie vient en tête des destinataires des exportations égyptiennes de gaz naturel.
Saïd ajoute aussi que les deux pays vont essayer aussi d’opter pour des règlements en monnaies nationales dans leurs échanges commerciaux pour faire face au problème du manque du dollar.
L’ancien ambassadeur égyptien à Ankara, Abdel-Rahman Salah, a déclaré que cette visite représentait une opportunité de créer une nouvelle alliance pour faire face aux problèmes de la région. Les relations entre les deux présidents se sont réchauffées d’autant plus que leurs intérêts convergent désormais sur plusieurs théâtres régionaux, notamment la bande de Gaza, la Libye et l’Afrique. Au sujet du conflit israélo-palestinien, les deux parties ont souligné la nécessité de parvenir à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza pour relancer les pourparlers de paix israélo-palestiniens, en vue de l’établissement d’un Etat palestinien souverain et de la reconstruction de la bande de Gaza. Elles ont assuré que l’acheminement de l’aide vers Gaza est l’une de leurs priorités. « Les deux pays peuvent créer une alliance qui peut exercer des pressions sur les Etats-Unis pour parvenir à un accord de cessez-le-feu avec Israël. Cette alliance peut inclure aussi l’Iran et l’Arabie saoudite », conclut Saïd.
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