Morsi a refusé de porter la tenue de prisonnier et de reconnaître la légitimité du tribunal.
C’est sur une scène théâtrale que le procès du président déchu, Mohamad Morsi, s’est ouvert le 4 novembre. L’ancien chef d’Etat est apparu dans le box des accusés en costume, ayant refusé de porter la tenue de prisonnier. Il a également refusé de reconnaître la légitimité du tribunal. «
Je suis le président de la République et je refuse d’être jugé devant un tribunal non compétent », a martelé Morsi, refusant de répondre aux questions du juge. Le procès a été ajourné au 8 janvier prochain.
Morsi et 14 autres accusés de la confrérie des Frères musulmans sont jugés pour « incitation au meurtre des manifestants », devant le palais présidentiel d’Al-Ittihadiya, lors d’accrochages qui avaient fait une dizaine de morts et des centaines de blessés en décembre 2012. Tous risquent la peine de mort ou la réclusion à perpétuité. Morsi a commencé la séance en mettant en cause la légalité du tribunal. Il n’a pas dit s’il acceptait que l’avocat et ancien candidat à la présidence, Sélim Al-Awa, prenne sa défense. Ce dernier a été chargé de défendre Morsi par le Parti Liberté et justice. Al-Awa a assisté à l’audience en tant qu’avocat d’Assad Chikha, ex-directeur du cabinet présidentiel, accusé dans le même procès. Interrogé s’il acceptait Sélim Al-Awa comme avocat dans ce procès, Morsi s’est contenté de dire : « Laissez-le parler ». Le tribunal n’a pas nommé d’office un avocat pour la défense de Morsi. Al-Awa a annoncé qu’il remettait en cause la fiabilité des procédures, insistant sur le fait que Morsi jouissait toujours de sa légitimité en tant que président élu et qu’il était illégal de le juger devant la justice ordinaire. Al-Awa a réclamé son jugement en fonction de l’article 152 de la Constitution suspendue de 2012 qui réglemente les procédures du jugement du président de la République. L’article en question exige pour juger le président de la République qu’une demande en ce sens soit présentée au moins par le tiers des députés du Parlement et approuvée au moins par les deux tiers. Toujours selon l’article 152, le président doit être jugé devant une cour exceptionnelle, présidée par le président de la Haute Cour constitutionnelle et regroupant les juges de la Cour d’appel et du Conseil d’Etat. Mohamad Al-Damati, porte-parole du Front de défense des Frères musulmans (qui se propose de défendre Morsi et les autres accusés dans ce procès), estime que le jugement de Morsi est illégal du point de vue procédural. Il pense que l’insistance du pouvoir à juger Morsi en tant que citoyen ordinaire rend son procès nul. « Si le président refuse pour le moment d’avoir un avocat c’est parce qu’il ne reconnaît ni la légitimité des procédures, ni le tribunal. Il a été détenu en lieu secret contre la loi et sans acte d’accusation », dit Al-Damati, qui réclame l’ouverture d’une enquête sur sa détention, selon lui, injustifiée. Il affirme que le front basera sa défense sur l’illégitimité de la destitution de Morsi. « Nous insistons sur ce point primordial et nous ne céderons pas à des procédures illégales. Nous étudions aussi la récusation du tribunal », révèle Al-Damati. Et d’ajouter : « Le président Morsi est accusé d’avoir tué les manifestants devant le palais présidentiel, mais il n’y a aucune preuve qu’il a donné des ordres dans ce sens. La protection des palais présidentiels est la responsabilité de la Garde républicaine et non pas du président. C’est donc les ministres de l’Intérieur et de la Défense qui sont responsables du meurtre des manifestants. Nous allons réclamer l’ouverture d’une enquête sur le meurtre de 8 Frères musulmans le même jour à Al-Ittihadiya ». Des propos qui ne tiennent pas selon l’avocat Khaled Abou-Bakr, pour qui toutes les procédures de jugement de Morsi sont conformes à la loi. « Morsi est condamné d’avance et c’est pourquoi il fait de la comédie pour détourner l’attention. Moubarak a été inculpé pour ne pas avoir donné l’ordre aux forces de l’ordre d’arrêter le meurtre des manifestants. Mais dans le cas de Morsi, il existe des témoins et des documents qui prouvent sa complicité directe avec ses assistants de la confrérie au meurtre et à la torture des manifestants d’Al-Ittihadiya. Ce qui rend sa position beaucoup plus fragile que celle de Moubarak », explique Abou-Bakr.
Manoeuvres judiciaires
Sayed Abou-Zeid, avocat du syndicat des Journalistes et d’Al-Husseini Abou-Deif, le journaliste qui avait été tué devant le palais d’Al-Ittihadiya (ndlr : meurtre attribué par la famille d’Abou-Deif aux Frères musulmans), explique pourquoi Morsi et son front de défense tiennent à son jugement en tant que président de la République. Selon Abou-Zeid, les prétentions absurdes que Morsi est toujours le président de la République ne sont qu’une « manoeuvre stérile visant à embarrasser le régime devant la communauté internationale ». « En voulant faire juger Morsi en tant que président du pays, ils veulent mettre le tribunal face à l’impossible, ressusciter la Constitution suspendue et le Parlement dissous. C’est une tentative vouée à l’échec », explique Abou-Zeid. En ce qui concerne le refus de Morsi de se procurer un avocat, il y voit une autre manoeuvre. « La défense des accusés des Frères musulmans croit à tort qu’elle peut faire d’une pierre deux coups : défendre les accusés de la confrérie, jugés pour les mêmes motifs que Morsi, et si elle réussit à prouver leur innocence, elle se servira des attendus du jugement pour tenter de l’innocenter », pense Abou-Zeid. Il affirme que si Morsi continue à faire la comédie, il pourrait être accusé de mépris du pouvoir judiciaire .
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