Quelles sont les options disponibles pour l’Egypte après l’échec de la quatrième et dernière réunion des négociations tripartites sur le barrage éthiopien de la Renaissance, tenue du 17 au 19 décembre à Addis-Abeba ? Le ministre égyptien de l’Eau et de l’Irrigation, Hani Sewilam, a affirmé à la suite de cet échec que la voie des négociations est terminée. Il a souligné que l’échec des négociations tient au refus persistant de l’Ethiopie de toute solution de compromis technique ou juridique qui sauvegarderait les intérêts des trois pays, l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie. Le ministère de l’Irrigation a haussé le ton et a assuré que « l’Egypte surveillera de près le remplissage du barrage de la Renaissance et se réserve le droit, garanti par les conventions internationales, de défendre sa sécurité hydrique et nationale en cas de dommages ». D’autre part, le membre de la délégation égyptienne chargée des négociations sur le barrage de la Renaissance, Alaa Al-Zawahri, a indiqué que l’Ethiopie se préparait à négocier de futurs barrages et que l’Egypte a catégoriquement refusé. « La construction d’un autre barrage n’aura pas lieu, et dans ce contexte, tous les moyens seront pris. C’est la décision de l’Etat égyptien », a assuré Al-Zawahri.
L’ancien ministre de l’Irrigation, Mohamed Nasr Eddine Allam, assure que chaque goutte d’eau qui pénètre le grand barrage de la Renaissance peut avoir une influence négative sur la qualité de vie du citoyen égyptien, notamment au cours des périodes de sécheresse et de sécheresse prolongée qui se répètent parfois tous les 10 ou 15 ans. « Durant la période de sécheresse, avec le manque d’eau causé par la diminution du quota égyptien, il y aura une perte d’environ 15 % des terres agricoles et plus d’un de 1,1 million d’habitants perdront leurs emplois. Conclusion, la part d’eau par habitant diminuera de plus en plus et le fossé alimentaire augmentera. Le fossé alimentaire atteint environ 10 milliards de dollars, ce qui aggrave le fardeau économique. Dans une période de sécheresse, l’économie égyptienne ne peut pas supporter ce fardeau même avec l’augmentation des investissements, notamment dans les projets d’infrastructures hydriques, tels que les usines de traitement des eaux usées, le dessalement de l’eau de mer et les systèmes d’irrigation modernes ». Allam explique que l’Egypte ne veut pas entrer en guerre mais elle se réserve le droit de défendre sa sécurité hydrique.
Des négociations entre les trois pays ont été entamées il y a 12 ans. Interrompues depuis avril 2021, elles avaient repris le 27 août dernier lorsqu’une nouvelle tentative de dialogue a été initiée le 13 juillet par le président Abdel Fattah Al-Sissi et le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, visant à aboutir à un accord équitable. Malgré la reprise des négociations, l’Ethiopie a annoncé le 10 septembre avoir terminé le remplissage du grand barrage de la Renaissance sans accord préalable avec les pays en aval, ce qui constitue une violation de la Déclaration de principes de 2015 concernant le barrage. Suite à ce remplissage, l’Egypte a déposé pour la quatrième fois une plainte au Conseil de sécurité de l’ONU en octobre, soulignant son refus des actes unilatéraux de l’Ethiopie qui ne prend pas en considération les intérêts de ses voisins en aval.
Selon les spécialistes, le méga-barrage éthiopien réduira le quota égyptien dans les eaux du Nil qui s’élève à 55,5 milliards de m3 par an, ce qui posera de graves problèmes de pénurie d’eau. En effet, l’Egypte se trouve en dessous du seuil de pauvreté en eau, fixé par l’ONU à 1 000 m3 par habitant par an. Selon le ministère égyptien de l’Irrigation, la part d’eau par habitant en Egypte est de 600 m3 par an avant même la construction du barrage à cause de la croissance démographique. Mais la construction du barrage éthiopien et le changement climatique ont rendu critique la situation hydrique en Egypte. Les ressources hydriques de l’Egypte restent stables, ce qui fait qu’elle souffre d’un déficit annuel de 43 milliards de m3. Pour y faire face, le gouvernement a pris plusieurs mesures, à leur tête le stockage de grandes quantités d’eau dans le lac Nasser, qui fait office de réservoir situé derrière le Haut Barrage d’Assouan, ainsi que la mise en oeuvre d’une stratégie nationale de recyclage et de rationnement de l’usage de l’eau.
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