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La police bientôt de retour aux universités ?

May Al-Maghrabi, Dimanche, 03 novembre 2013

L'éventuel retour de la police au sein des universités fait craindre aux étudiants et aux professeurs un retour de l'oppression. Mais certains se disent en faveur d'un régime sécuritaire plus strict.

La police
(Photo : Reuters)

Suite aux actes de violence survenus cette semaine à l’Université d’Al-Azhar, le Conseil suprême des univer­sités a tenu une réunion d’urgence en présence du premier ministre, Hazem Al-Beblawi.

Le ministre de l’Enseignement supé­rieur, Hossam Eissa, a affirmé le main­tien provisoire de la présence des forces de l’ordre devant les portails des universités jusqu’au retour de la stabi­lité sécuritaire. Au cas où une manifes­tation dégénérerait, le recteur de l’uni­versité peut faire appel à la police au sein du campus universitaire.

Pour empêcher l’introduction des armes au sein des universités, il a été décidé d’installer des caméras et des portails électroniques. Le nombre des agents de la sécurité civile sera aug­menté et le contrôle inclura les étu­diants, les professeurs et les fonction­naires.

« L’indépendance des universités ne signifie pas d’absence de lois. L’intervention de la police au sein des universités à la suite d’incidents vio­lents ne porte aucune atteinte à leur indépendance », a déclaré le ministre.

Parallèlement, le Conseil suprême des universités a décidé de mettre en place des règlements régissant les manifestations au sein des universités pour endiguer la violence. En outre, l’interdiction des manifestations près des salles de cours, des haut-parleurs, des graffitis ou des slogans diffama­toires sera appliquée.

Cette série de décisions est prise en réaction à la vague de violences qui frappe les universités depuis un mois. Investies par les manifestations des Frères musulmans, les universités se sont transformées en véritables ter­rains d’accrochages entre les étudiants pro et anti-Morsi. Des étudiants seraient armés de couteaux, de gour­dins et de cocktails Molotov. En début de semaine, la police a dû intervenir à l’Université d’Al-Azhar où quelques bâtiments ont été abîmés.

Selon la direction de l’université, le coût des dégâts causés par les casseurs est estimé à 10 millions de L.E. C’est à la suite de l’appel du doyen de l’Uni­versité d’Al-Azhar, séquestré par les étudiants, que la police est entrée à l’université avec la permission du Parquet général.

Cette intervention policière est la première depuis le verdict datant de 2010 interdisant la présence policière au sein des universités. En octobre 2010, la Haute Cour Administrative (HCA) avait jugé illégale la présence policière dans les universités. Depuis, des agents civils gardent les entrées des universités.

Nécessité ou opportunisme ?

Face à cette flambée de violence, des voix s’élèvent réclamant le retour de la garde policière alors que d’autres refu­sent de faire revenir un acquis démo­cratique garantissant l’indépendance des universités. Ils pensent que ce phé­nomène est éphémère.

Hussein Eweida, président du club des professeurs de l’Université d’Al-Azhar, appelle au retour permanent de la garde policière. Selon lui, ce qui se passe actuellement est sans précédent et nécessite des mesures fermes pour y faire face. « Loin de la rhétorique, la violence des étudiants des Frères musulmans ne s’inscrit que dans le cadre des actes criminels. C’est aber­rant que sous prétexte de la liberté d’expression, on tolère le saccage des bâtiments, les jets des pierres et de cocktails Molotov. Ces étudiants veu­lent paralyser les universités coûte que coûte, et la sécurité civile n’est pas capable de contrôler la situation. Le retour de la garde universitaire est une nécessité et non une option », dit-il.

Un avis partagé par Fouad Allam, expert en sécurité, qui estime que le départ de la garde policière des uni­versités a laissé un vide sécuritaire. « Les policiers protégeaient les éta­blissements, les professeurs et les étu­diants. Une tâche que les unités de sécurité civile sont incapables d’assu­mer, vu leur manque de formation et d’armement. C’est inacceptable de fermer les yeux sur ces crimes prémé­dités par les dirigeants de la confrérie pour semer le trouble au sein des uni­versités », dit-il.

D’autres professeurs et étudiants reconnaissent aussi la fébrilité de la situation, mais n’y voient pas d’argu­ment valable pour revenir sur un acquis démocratique longtemps récla­mé. « Nous avons lutté pendant des années contre la présence de la police au sein des universités, et nous ne permettrons pas son retour », insiste Guéhad Ouda, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire.

Selon lui, le retour des policiers au sein des universités est rejeté par la plupart des professeurs et des étu­diants à cause de l’expérience amère vécue par eux, notamment les profes­seurs du mouvement du 9 Mars. « La violence en cours ne doit pas occulter les abus de la garde universitaire tels que les arrestations arbitraires des étudiants, la censure injustifiée sur les colloques et l’intervention dans les élections des unions des étudiants. Rejeter la violence ne peut en aucun cas justifier l’acceptation de la répres­sion », dit-il.

Hicham Charaf, président de l’Union des étudiants de l’Université du Caire, affirme que les étudiants s’opposent farouchement au retour de la garde universitaire. Il indique que l’Union des étudiants présentera au doyen de l’université des propositions suscep­tibles d’arrêter la violence sans porter atteinte à l’indépendance de l’Univer­sité.

Par ailleurs, Noha Aymane, membre de l’Union des étudiants de la faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire, approuve un retour conditionné de la garde univer­sitaire. « Sur le terrain, la sécurité civile n’a pas réussi à mettre fin à la violence dans les universités. Elle a besoin de temps et d’un budget man­quant. C’est pour cette raison que je pense que le retour de la garde univer­sitaire est une solution raisonnable. Mais à condition que son rôle se limite au maintien de l’ordre, sans aucune intervention dans les activités estu­diantines », dit-elle.

Mohamad Zarée, activiste des droits de l’homme, évoque une autre dimen­sion de la crise. « Les agissements abusifs des étudiants reflètent la crise politique que traverse le pays. Recourir uniquement à la solution sécuritaire ne fera qu’exacerber la situation ».

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