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La détresse des habitants d’Al-Saf

Ola Hamdi, Mardi, 22 octobre 2013

Une fuite d’eau a submergé la commune de Ezbet Al-Gammal du village d'Al-Saf, à Guiza. Outre une cinquantaine d’habitations, les dégâts ont touché des bétails et près de 150 feddans de terres agricoles. Les habitants décrient la « négligence » des autorités. Reportage

La detresse des habitants
Quelques habitants ont réussi à rentrer à leurs maisons après 5 jours du drame. (Photos : Ola Hamdi)

Près d’une semaine après le drame qui a touché Ezbet Al-Gammal, les dégâts sont toujours visibles. Mardi soir, en plein grand Baïram, une importante fuite d’eau a fait déborder un canal d’irrigation entraînant une « crue » qui a submergé une cinquantaine d’habitations et près de 150 feddans de terres agricoles. Plusieurs fermiers déplorent également leurs pertes en bétails et en volailles.

Les eaux usées se sont répandues partout dans la petite commune d’Al-Saf dans le gouvernorat de Guiza.

Ce que les habitants ont pu sauver, ils l’ont placé sur les toits de leurs habitations pour faire sécher. Des meubles modestes, des vêtements et même les quelques ânes utilisés dans les opérations de « sauvetage ».

Sur les 1 500 habitants, une centaine de familles sinistrées passent depuis leurs nuits en pleine nature.

Les forces de la défense civile avec l’aide de l’armée ont réussi à pomper de grandes quantités d’eaux usées, et installé un barrage pour empêcher le débordement des eaux de drainage dans la zone touchée mais les habitations de fortune restent saturées d’eau insalubre. De son côté, le gouvernorat de Guiza a versé une indemnisation de 2 000 L.E. pour chacune des familles sinistrées.

Nawal Fahmi, mère de famille, 45 ans, essaye de sauver ce qui reste de la garde-robe de sa fille qui doit se marier le mois prochain. « J’ai réussi avec mes voisins à sauver les vêtements de Chaïmaa, on les a étalés sur le toit », dit-elle. « Le bonheur n’a jamais trouvé son chemin vers notre village », se lamente-t-elle en expliquant comment ils vivent dans un 40 mètres et comment son mari a dû abandonner l’agriculture pour travailler comme journalier pour 20 L.E. « Nous sommes en marge de la vie, personne n’est conscient de notre existence, ni le président, ni le gouverneur. Cette fois, ils sont venus parce que la chaîne Al-Jazeera a montré notre souffrance », poursuit-elle. Ce qu’elle demande c’est de mener « une vie humaine », tout simplement, de boire de l’eau potable et d’avoir une clinique dans le village. « Nous ne demandons pas trop ».

« Ce jour-là je me suis réveillé aux cris de ma mère et des voisins. J’ouvre mes yeux sur une mer qui envahissait notre maison, j’ai eu très peur surtout quand j’ai vu le bétail mourir et les eaux monter », raconte Ali, 8 ans. Aujourd’hui, Ali n’a plus peur, il en profite pour barboter dans ces eaux nauséabondes avec ses voisins, faute de pouvoir fêter l’Aïd. « J’y vais pour jouer et m’amuser avec mes amis. Nous n’avons pas pu profité des vacances », dit-il.

Si après 5 jours de l’incident, certains ont réussi à rentrer chez eux, d’autres familles ne peuvent pas encore accéder à leurs maisons. Mahmoud, 25 ans, dit avoir envoyé sa famille chez des parents dans un village voisin, après avoir passé une nuit dans la rue. « Je viens chaque jour sans pouvoir entrer dans ma maison, l’eau usée est partout », se plaint-il.

D’après les habitants, le système de drainage qui débouche sur le canal en question souffre de problèmes de maintenance depuis plus de 20 ans. Ici les gens anticipent déjà la saison des pluies, ce qui ne manquera pas d’aggraver le problème.

« Au cours des dix dernières années, il y a eu trois ou quatre inondations, mais cette fois les dommages sont considérables », témoigne Samir Fathi, un habitant quinquagénaire.

Vers 14h, des responsables du gouvernorat débarquent dans le village. Ils inspectent les travaux de reconstruction d’une passerelle effondrée. Des responsables que les habitants voient pour la première fois. Ils vont à leur accueil pour décrier le manque de services dont ils souffrent.

« Nous voulons de l’eau courante, au lieu des pompes qui nous ramènent une eau contaminée par les égouts. Nous voulons une école pour nos enfants, qui doivent marcher 4 km pour aller à l’école sur l’autoroute », avance Mohamad Rabie, un habitant.

Mohamad Hanafi, président du conseil local, répond aux habitants en assurant que le gouvernorat fait tout son possible. « En ces jours fériés, les ingénieurs et les employés ont coupé leur congé pour se rendre sur le terrain et les opérations se poursuivront jusqu’à la fin de cette crise », dit-il, sans oublier de rappeler que 100 familles ont été indemnisées.

Vers 16h, des militaires retournent de nouveau au village pour distribuer des cartons de vivres et de couvertures aux mains tendues.

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