Lors d'une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères mercredi au Caire, le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, s'est plaint qu'il n'y avait eu aucun changement dans l'approche unilatérale de l'Ethiopie concernant le remplissage et l'exploitation du barrage de la Renaissance (GERD).
« L'Ethiopie n'a montré aucune inclination à adopter l'une des solutions de compromis concernant la question du GERD », a-t-il dit, en exprimant l'espoir de voir la Ligue arabe continuer à exhorter l'Ethiopie « à abandonner son approche unilatérale et à faire preuve de volonté politique pour parvenir à un accord juridiquement contraignant sans délai ».
Le différend sur le GERD remonte à 2011, lorsque l'Ethiopie a commencé la construction du vaste barrage hydroélectrique sur le Nil bleu, un important affluent du Nil. Malgré des négociations intermittentes facilitées par l'Union africaine, le différend n’est toujours pas résolu et les négociations sont bloquées depuis avril 2021. Une tentative de médiation par les Etats-Unis en février 2020 s'est également soldée par un échec.
Une visite d'Abiy Ahmed au Caire en juillet et une rencontre avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi avaient pourtant donné un air d'optimisme avec l'annonce d’une relance des négociations pendant 4 mois. Mais le premier round fin août au Caire s'est soldé « sans changements significatifs », selon les déclarations du ministre de l'Irrigation.
Le désaccord central tourne autour de la politique de chaque pays en matière de gestion de l'eau dans le bassin du Nil. Le Caire exige un accord juridiquement contraignant sur le remplissage et l'exploitation du GERD par l'Ethiopie et s'oppose fermement à toute action unilatérale, considérant toute exploitation du barrage sans accord comme une violation directe de la Déclaration de principes de 2015.
En revanche, l'Ethiopie défend le « recours équitable aux eaux du Nil », affirmant son droit à utiliser les eaux du fleuve pour le développement et la sécurité hydrique de son peuple, et veut plutôt parvenir à une « entente amicale ».
La gestion des périodes de sécheresse
Techniquement, selon Salah Halima, ancien diplomate égyptien de haut rang et envoyé de la Ligue arabe au Soudan, « les principaux différends portent sur la gestion des périodes de sécheresse et de sécheresse prolongée, ainsi que sur le facteur sécurité, qui constitue une menace plus importante pour le Soudan ».
Un autre problème majeur est l'accord sur un mécanisme de règlement des différends, ajoute-t-il.
Seleshi Bekele, ancien ministre éthiopien de l'Eau et de l'Irrigation, qui a été rétabli en tant que négociateur en chef et conseiller sur les rivières transfrontalières et le GERD, a déclaré que les deux parties avaient échangé les points de vue pour parvenir à une solution gagnant-gagnant. Bekele, actuellement ambassadeur éthiopien aux Etats-Unis, a déclaré sur Twitter qu'« il y avait eu des progrès ».
« Nous avons discuté de plusieurs clauses et nous continuons les négociations pour parvenir à un accord complet », a-t-il déclaré, sans fournir de détails sur les accords potentiels ou les différends qui subsistent.
Mercredi, Choukri a déclaré lors de la réunion arabe, qu'« il est devenu clair qu'il n'y a eu aucun changement dans la position éthiopienne et aucune inclination à opter pour l'une des solutions de compromis répondant aux intérêts des trois pays ».
Le rôle des Emirats
A l'approche de la prochaine série de négociations à Addis-Abeba prévue dans quelques jours, l'incertitude règne quant à la base de ces pourparlers. Des rapports non confirmés suggèrent que les propositions émiraties pourraient jouer un rôle dans les négociations.
Abu-Dhabi avait, par le passé, accueilli des cycles de négociations entre les trois pays, connus sous le nom de « piste d'Abu-Dhabi ».
Le président émirati, Cheikh Mohamed bin Zayed, a également effectué une visite de travail officielle en Ethiopie du 18 au 19 août, et plus tôt dans le mois, le président égyptien a rencontré Bin Zayed dans la ville d'Al-Alamein.
A Addis-Abeba, Bin Zayed a salué l'étape positive de l'accord récent entre l'Egypte et l'Ethiopie pour reprendre les négociations, exprimant l'espoir que ces négociations aboutiront à une solution satisfaisante pour toutes les parties et soutiendront la stabilité régionale, selon un communiqué de l'agence de presse émiratie.
Le président français, Emmanuel Macron, a également joué un rôle à Paris (lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial en juin) et a encouragé les deux dirigeants à reprendre les négociations, affirme une source parlementaire.
Le lendemain des pourparlers au Caire, Mohamed Ghanem, porte-parole du ministère égyptien de l’Irrigation, a affirmé dans des déclarations télévisées : « Il y a des propositions techniques que nous avons soumises, qui tiennent compte des intérêts de l'Egypte, du Soudan et de l'Ethiopie ».
Halima estime que la prochaine série de négociations tournera autour de deux clauses principales : « La coopération mutuelle sur les projets de développement et les règles de remplissage et d'exploitation du barrage, en vue d'un accord juridiquement contraignant, au lieu de l'approche amicale ».
« En tout état de cause, nous devrons profiter des quatre mois pour poursuivre les négociations si la première série échoue », déclare la source parlementaire, mais Halima ajoute : « Les premiers indicateurs suggèrent la prudence quant à la probabilité de percées significatives. Nous espérons simplement que ces négociations ne seront pas une tentative de gagner du temps pour achever le quatrième remplissage, sinon, l'Egypte et le Soudan sont enclins à prendre des mesures — dans le cadre du droit international — pour atténuer ce préjudice ».
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