Al-Ahram Hebdo : Le président Adly Mansour vous a chargé d’entreprendre un dialogue avec les divers courants politiques. Quel en est l’objectif?
Ahmad Al-Moslemani : Ce dialogue a commencé avec des partis politiques et des personnalités publiques. Aujourd’hui nous entamons des réunions avec divers courants politiques et sociaux, comme les jeunes issus de la mouvance révolutionnaire, des journalistes, des représentants de la gauche … C’est une nouvelle tradition en Egypte de voir la présidence de la République tenir des séries de réunions avec des représentants de toutes les tendances.
L’objectif est de connaître les divers points de vue avant la prise de décision. Ce que j’ai pu constater grâce à ces entretiens, c’est que toutes les forces politiques sont unanimes dans leur rejet de la violence et dans leur volonté d’établir un régime démocratique. Les divergences portent sur des détails concernant la composition du Parlement et le mode électoral. Malgré la destruction de la vie politique sous le régime de Hosni Moubarak, mes rencontres avec les politiques et les activistes débouchent souvent sur des idées créatives et sincères que je transmets à mon tour au président de la République.
— Vous avez aussi rencontré des jeunes issus des Frères musulmans. S’agit-il d’un début de réconciliation?
— Ces jeunes ayant fait défection de la confrérie, ont été reçus au palais présidentiel la semaine dernière. Il s’agissait de leur donner la parole, de les écouter. Cela permet d’enrichir le débat et de découvrir les composantes de l’échiquier politique et intellectuel de l’Egypte. J’ai donc écouté ces jeunes, notamment Islam Al-Katatni, qui est un proche de l’ex-président de l’Assemblée du peuple et du Parti Liberté et justice des Frères musulmans. Islam Al-Katatni a expliqué son initiative qu’il a intitulée « Réfléchis et retourne » et qui offre un examen critique des pratiques de la confrérie et des factions islamistes ralliées à elle, repère les erreurs et invite les jeunes à les débattre. Les jeunes ont demandé à l’Etat de les soutenir et de coopérer avec eux pour la réussite de leur initiative.
— Existe-t-il un courant au sein de la confrérie qui favorise la réconciliation et la participation au processus politique?
— Ces réunions n’impliquent ni promesse, ni engagement de la part de la présidence, que ce soit vis-à-vis des islamistes ou des autres partis et forces politiques. Quant aux Frères, le dialogue est ouvert à tous les courants et il y a effectivement parmi eux ceux qui tendent la main pour une réconciliation nationale, la présidence, de son côté, salue leur geste, parce que l’Etat ne souhaite pas la monopolisation de la force politique par une seule force quelle qu’elle soit. Mais je dois préciser que la première démarche vers la réconciliation devra passer par l’arrêt de la violence et la reconnaissance de la révolution du 30 juin.
— Mais beaucoup rejettent une réconciliation avec un courant islamiste accusé d’incitation au meurtre et à la violence. Avez-vous constaté que les autres forces politiques sont favorables à une réconciliation avec les Frères?
— Personnellement, je pense qu’il n’y a pas lieu de se réconcilier avec ceux qui ont commis des meurtres ou des actes de violences ou qui sont impliqués dans le sabotage des commissariats et des institutions publiques. Ceux-là seront traduits en justice. Pour le reste, il faut montrer une tolérance. Mais laissez-moi poser une question aux Frères : « Voulez-vous le pouvoir même au prix de ruiner la patrie ? ». Je crains que la réponse ne soit affirmative.
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