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6 octobre : Une victoire couleur sang

May Al-Maghrabi , May Al-Maghrabi , May Al-Maghrabi , Mardi, 08 octobre 2013

Les célébrations du 6 Octobre ont été entachées de violences meurtrières. Le bilan est le plus lourd depuis les événements de Rabea Al-Adawiya.

une victoire
Des accrochages sanglants à la rue Ramsès entre pro et anti-Morsi.

La commémoration du 6 Octobre s’est soldée par un bilan provisoire de 51 morts et 371 blessés, selon le ministère de la Santé. Cette festivité exceptionnelle organisée par l’armée et à laquelle ont participé des milliers d’Egyptiens a connu beaucoup de tensions.

Dans une ambiance toujours tendue, les partisans et les opposants au nouveau régime avaient appelé à des manifestations immenses dimanche 6 octobre, date de la commémoration de la victoire de la guerre de 1973. Le mouvement Tamarrod, à l’origine des manifestations monstres du 30 juin qui ont renversé le président islamiste Morsi, avait appelé à la mobilisation dimanche sur la place Tahrir, centre emblématique de la révolution de janvier, et sur toutes les places d’Egypte pour soutenir l’armée et défendre les acquis de la révolution.

Parallèlement, la coalition du soutien de la légitimité regroupant les pro-Morsi a mobilisé ses partisans pour manifester contre l’armée contestant ce qu’ils appellent « le coup militaire contre la légitimité ». Sans surprises, des affrontements sanglants ont opposé les deux groupes dans plusieurs gouvernorats, mais aussi les pro-Morsi aux forces de l’ordre, alourdissant le bilan des victimes.

Depuis le matin, une ambiance de fête régnait sur la place Tahrir où se sont rassemblés quelques milliers de citoyens brandissant les drapeaux égyptiens et les photos du général Abdel-Fattah Al-Sissi, ministre de la Défense, considéré par les anti-Morsi comme l’icône de la révolution du 30 juin. Des haut-parleurs diffusaient des chansons patriotiques. Des dizaines d’avions de chasse de l’armée ont survolé la capitale à très basse altitude, au moment où les pro-Morsi se rassemblaient aussi par milliers dans plusieurs quartiers voulant converger vers la place Tahrir.

Un comportement qui a donné lieu à des affrontements violents avec les cortèges des Frères musulmans scandant des slogans hostiles à l’armée en ce jour où les autres Egyptiens fêtent la victoire. Les pro-Morsi étaient déterminés à envahir la place Tahrir, en dépit d’une présence forte des forces de sécurité et des avertissements de la sécurité. Le ministre de l’Intérieur avait mis en garde, la veille de la célébration du 6 Octobre, contre toute tentative de semer le désordre. Le Caire a été particulièrement le théâtre de violents accrochages.

Dans le quartier de Doqqi, 27 personnes ont été tuées par balles lors d’échauffourées qui ont éclaté entre les habitants du quartier et une manifestation des pro-Morsi regroupant des centaines de manifestants qui tentaient d’atteindre la place Tahrir.

Des tirs d’armes automatiques dont la source n’a pas été déterminée ont secoué le quartier qui s’est transformé en un champ de bataille. Des affrontements plus virulents ont eu lieu rue Ramsès à proximité de la place Tahrir, faisant 10 morts. De même, quelques centaines de pro-Morsi rassemblés à la rue Ramsès ont tenté de se diriger vers la place Tahrir. Selon des témoins, certains d’entre eux portaient des armes blanches, des cocktails Molotov et des fusils comme le montraient les vidéos en direct diffusées sur la plupart des chaînes égyptiennes. Des accrochages n’ont pas tardé à éclater avec les forces de l’ordre qui leur ont interdit d’avancer vers la place Tahrir. Plusieurs acteurs de la société civile réclament l’ouverture d’enquêtes pour déterminer les responsabilités exactes lors de ces affrontements qu’ils ont qualifiés de « tragiques ».

Les deux camps s’accusent mutuellement

Le ministère de l’Intérieur et les islamistes se jettent déjà la balle. Dans un communiqué publié dimanche soir, le ministère de l’Intérieur a accusé les manifestants « islamistes » d’avoir ouvert le feu sur les forces de l’ordre et sur les citoyens. Il a aussi déclaré que 423 fauteurs de troubles y ont été arrêtés.

Mais les Frères musulmans nient catégoriquement tout recours à la violence et accusent les forces de l’ordre d’usage excessif de violence contre leurs partisans. Sur la chaîne qatari Al-Jazeera, leur seule tribune médiatique, ils ne cessent de dénoncer la brutalité policière. « Nous sommes aussi des citoyens égyptiens et on a le droit de manifester sur la place Tahrir. C’est injuste. Permettre aux partisans de l’armée d’y accéder alors que la place nous est interdite », dit l’un des manifestants islamistes depuis la rue Qasr Al-Aïni, où se déroulaient aussi des accrochages violents avec les forces de l’ordre.

« La police a tiré à balles réelles et a tué plusieurs manifestants à Ramsès », affirme un autre manifestant islamiste, lors d’un appel téléphonique sur Al-Jazeera.

Des propos difficiles à vérifier avant d’effectuer des enquêtes transparentes sur les actes de violence en cours. Mais une question s’impose : quel est le message envoyé par les pro-Morsi par leurs manifestations à la place Tahrir le 6 octobre ? Selon le politicien Hussein Abdel-Razeq, les Frères musulmans n’ont pas su exploiter la commémoration du 6 Octobre. « Depuis la destitution du président Morsi, les Frères musulmans utilisent la violence et les manifestations comme un moyen de pression sur le nouveau régime. Mais ce dimanche, leur but essentiel a été de déformer l’image de l’armée. Les Frères voulaient faire passer le message selon lequel l’armée actuelle n’est pas cette armée patriotique et prestigieuse qui a remporté la victoire d’Octobre, ce qui est faux », décrypte Abdel-Razeq, qualifiant les Frères musulmans de stupidité politique inouïe.

« En tentant de déformer l’image de l’armée, les Frères musulmans ont oublié que les dirigeants actuels étaient les mêmes jeunes qui ont fait la guerre de 1973. Une tentative qui n’a fait qu’élargir le fossé entre la confrérie et les Egyptiens qui sont sortis pour rendre hommage à l’armée qui a autrefois défendu le pays de l’occupation et le protège aujourd’hui contre le terrorisme », conclut Abdel-Razeq.

Dans son discours pour la célébration du 6 Octobre, le général Al-Sissi a souligné que personne ne pouvait briser une armée qui tire sa force du soutien du peuple. « Nous sommes engagés à protéger la volonté populaire et le pays de tout danger », a-t-il ajouté, exprimant la détermination du pouvoir à faire avancer la feuille de route.

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