Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, est arrivé au Caire le 18 mars pour rencontrer son homologue, Sameh Choukri. Une première depuis 10 ans. Dans un communiqué de presse conjoint, après une réunion à huis clos entre les deux responsables, Choukri a déclaré que les consultations avec son homologue turc étaient « profondes, franches et transparentes », soulignant que « les deux pays ont la volonté politique de rétablir leurs relations normales ». Pour sa part, Cavusoglu a salué « les mesures concrètes prises pour normaliser les relations avec l’Egypte. Nous ferons de notre mieux pour ne pas rompre à nouveau nos relations à l’avenir », a-t-il dit.
Les deux parties ont abordé au cours de leurs entretiens la question du rétablissement de leurs représentations diplomatiques. Aucune date n’a cependant été fixée pour l’échange des ambassadeurs. Les dossiers régionaux et internationaux ont également été abordés, notamment la question palestinienne, la situation en Syrie, l’accord de réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, les derniers développements en Iraq, ainsi que la crise ukrainienne.
En dépit des tensions qui ont marqué les relations entre Le Caire et Ankara, les échanges économiques entre les deux pays n’ont pas été affectés. Cavusoglu a exprimé le désir de la Turquie d’augmenter à la fois le commerce et le tourisme avec l’Egypte, soulignant que son gouvernement encourage les entreprises turques à investir en Egypte. Pour sa part, Choukri a déclaré que « l’Egypte avait toujours tenu à maintenir des relations économiques avec la Turquie », notant que ces dernières années, la coopération économique entre les deux pays s’était développée, avec des échanges commerciaux atteignant 9 milliards de dollars, et que les investissements turcs en Egypte avaient atteint 2,5 milliards de dollars, affirmant qu’il s’attend à ce que les liens économiques s’améliorent davantage.
Les relations entre l’Egypte et la Turquie s’étaient détériorées après la destitution de l’ancien président frériste, Mohamad Morsi, et le soutien du président turc, Recep Tayyip Erdogan, aux Frères musulmans. Ankara a fait récemment quelques gestes pour apaiser les tensions avec Le Caire en demandant aux médias affiliés aux Frères musulmans installés sur son territoire de cesser d’attaquer Le Caire. La visite de Cavusoglu vient également en réponse au soutien présenté par l’Egypte à la Turquie après le tremblement de terre qui a frappé en février certaines villes turques faisant plus de 50 000 victimes. Choukri s’est rendu après ce drame à Ankara pour exprimer le profond soutien égyptien et le président Sissi a exprimé par téléphone à son homologue turc ses condoléances pour les victimes de ce séisme dévastateur. Les deux présidents s’étaient brièvement rencontrés en novembre 2022 au Qatar en marge des célébrations de la Coupe du monde de football et ont convenu de renforcer leurs relations bilatérales.
Visite importante
Soulignant l’importance de cette visite, Abou-Bakr Al- Dessouqi, expert en relations internationales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, affirme qu’elle reflète la réelle volonté des deux parties de réaliser un progrès tangible au niveau de la normalisation de leurs relations. « Tous les sujets de désaccord, notamment les Frères musulmans, la Libye et le gaz en Méditerranée orientale, ont été écartés des pourparlers », explique-t-il. Et d’ajouter : « Les questions controversées seront abordées à huis clos par les responsables diplomatiques et les services de renseignements ».
Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, explique que les deux pays sont conscients de l’importance de cette réconciliation vu les défis sur la scène régionale. « A mon avis, la période à venir témoignera d’une avancée importante dans les relations et on pourra voir peutêtre une rencontre entre les deux chefs d’Etat, comme l’a annoncé Cavusoglu », conclut Fahmy.
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