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Abdo Mobacher : C’est quand l’armée était forte que toute l’Egypte a prospéré 

Osman Fekri, Mardi, 01 octobre 2013

Ancien correspondant de guerre et auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre du 6 Octobre 1973, le journaliste vétéran Abdo Mobacher, revient sur ce jour historique 40 ans après.

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Sadate a réussi à cacher à la fois ses préparations militaires et son intention de faire la guerre.

Al-Ahram Hebdo : Quatre décennies après la guerre du 6 Octobre, que faut-il retenir de ce conflit?

Abdo Mobacher : Il faut se rappeler que la guerre n’est pas uniquement l’oeuvre des armées. La nation tout entière a participé aux guerres que l’Egypte a traversées. Il est vrai que l’armée et ses commandants sont ceux qui se battent. Mais les soldats sont les vrais combattants, ce sont nos frères, nos enfants, nos amis et nos voisins, chaque famille égyptienne avait un ou plusieurs membres sur le front. Ce fut le cas lors de la guerre de 1973. Les martyrs venaient de nos familles, de nos maisons. C’est aussi le peuple qui a financé cette guerre, moi, vous, nous avons payé pour l’équipement de l’armée, c’était notre guerre à tous…

— Comment le peuple y a-t-il été préparé ?

Abdo Mobasher
Abdo Mobasher

— Dans une atmosphère dominée par un sentiment d’amertume après la défaite de 1967, le président Anouar Al-Sadate est arrivé au pouvoir en 1970 avec la décision d’affronter Israël militairement. C’était une surprise autant pour les commandants de l’armée que pour les citoyens ordinaires. Bien que tout le monde ait voulu regagner son honneur et son orgueil bafoués, l’armée préférait prolonger la guerre d’usure. Sadate, lui, a choisi l’affrontement, il voulait mettre un terme au conflit.

— Quelle a été la clé de la victoire selon vous ?

— Sadate a surtout misé sur la manoeuvre politique et sur l’effet de la surprise pour dérouter l’ennemi. Les services de renseignements israéliens savaient que l’Egypte n’avait pas l’armement qu’il faut pour faire la guerre. Sadate a réussi à cacher à la fois ses préparations militaires et son intention de faire la guerre.

— Qu’en est-il des Etats-Unis? ne savaient-ils pas que l’Egypte allait vers la guerre ?

— Sadate a réussi à enrober ses intentions de mystère, les Etats-Unis étaient convaincus que l’Egypte n’avait pas la capacité militaire nécessaire. C’était un pari, un défi qu’ont relevé le président, l’armée et la population. C’est de cet esprit qu’est née la victoire qui a étonné le monde entier et a rétabli la dignité arabe, tout en détruisant le mythe de l’armée israélienne invincible.

— Aujourd’hui encore le peuple égyptien continue à être fier de son armée qui s’est rangée de son côté, mais certains s’inquiètent de son implication dans la politique. Comment voyez-vous la situation ?

— Celui qui lit bien l’Histoire remarque que c’est quand l’armée était forte que toute l’Egypte a prospéré. L’armée a un rôle patriotique indéniable, elle protège les frontières mais aussi le peuple. Parce que chez nous, contrairement à d’autres pays, le service militaire est obligatoire, ce qui fait que les recrues parmi les citoyens constituent l’épine dorsale de l’armée. Le 3 juillet dernier, l’armée a évité au pays et aux citoyens de sombrer dans une guerre civile que le régime des Frères musulmans a failli provoquer. Ceux qui imaginent que l’armée peut être utilisée par une faction politique contre une autre se trompent. Parce qu’au bout du compte, ce qui intéresse l’armé c’est la volonté du peuple. Notre armée est l’une des plus anciennes, et des plus solides, elle est visée par des forces extérieures et — malheureusement — intérieures, nous devons tous la protéger et lui faire confiance. Quant à la politique, l’armée ne s’y implique pas : nous avons un président et un gouvernement, une feuille de route et un processus politique qui aboutira à des élections…

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