
34 000 ouvriers égyptiens et 400 experts soviétiques ont participé à la construction du Haut-Barrage.
L’Egypte a célébré, le 15 janvier, le 63e anniversaire de la pose de la première pierre du Haut-Barrage d’Assouan, le plus important projet hydroélectrique qui a changé le visage de l’Egypte. Le 9 janvier 1960, le président Gamal Abdel-Nasser et le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev avaient lancé les travaux de construction du Haut-Barrage qui a été inauguré le 15 janvier 1971 par le président Anouar Al-Sadate, accompagné du président du Soviet suprême, Nikolaï Podgorny, trois mois après la mort de Nasser. Le coût total de ce gigantesque projet était d’un milliard de dollars, dont l’Union soviétique a assumé le tiers, alors que le reste fut prélevé à même les bénéfices engendrés par la nationalisation du Canal de Suez. Il a été exécuté par 34 000 ouvriers égyptiens et 400 experts soviétiques. L’immense réservoir du Haut-Barrage fut nommé en l’honneur du président Nasser, et son remplissage fut achevé en 1979.
« Le Haut-Barrage reste une fierté pour les Egyptiens, incarnant leur capacité et leur détermination. Il s’agit du plus grand projet d’ingénierie du XXe siècle qui a protégé l’Egypte au cours des décennies de la sécheresse et des inondations », a dit Hany Soweilam, ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, dans un communiqué, saluant tous ceux qui ont contribué à la réalisation de « l’épopée de la construction du Haut-Barrage ». Le Centre culturel russe au Caire, en coopération avec l’Association des constructeurs du Haut-Barrage, a célébré cette semaine le 63e anniversaire de la pose de la première pierre de la construction du barrage avec la participation d’une délégation de l’ambassade russe et en présence d’un groupe d’ingénieurs et de techniciens égyptiens ayant participé à la construction du barrage. Les participants ont été d’accord sur ce que représente le Haut-Barrage pour l’Egypte aux niveaux technique, politique et moral en tant que réalisation importante accomplie dans un contexte politique et social faisant du projet « une épopée de volonté et d’indépendance politique ».
Bien qu’il ne soit pas le plus grand du monde, le Haut-Barrage, qui s’étend sur 4 km, constitue une prouesse d’ingénierie, avec 114 m de hauteur au-dessus du Nil, une épaisseur de 1,5 km à sa base, une capacité de stockage de 162 milliards de m3 d’eau par an dans le lac Nasser et ses 12 turbines produisant 10 milliards de kilowatts d’électricité par an. Sa construction avait entraîné le délogement d’environ 90 000 Nubiens dont les terres ont été en grande partie submergées par les eaux du lac Nasser, en amont du barrage. Après des décennies, ces Nubiens viennent d’être indemnisés.
Multiples avantages
Selon les experts, les avantages du Haut-Barrage sont innombrables et omniprésents, en tête desquels le fait d’avoir permis de dompter les crues du Nil, de fournir de l’eau pour l’irrigation et de produire de l’électricité. Mohamed Nasr Allam, ancien ministre de l’Irrigation, met en évidence la vision progressiste du président Nasser visant à augmenter les ressources énergétiques et les zones irriguées et à protéger le pays des dégâts des crues et des sécheresses. Il rappelle qu’avant sa construction, le pays était inondé aux saisons des fortes crues et les cultures endommagées, alors qu’aux saisons de sécheresse, les terrains agricoles devenaient aigres. Une situation qui entravait les plans de développement. Selon Allam, le Haut-Barrage a permis à l’Egypte de se doter d’une véritable politique agricole et d’assurer l’énergie nécessaire pour l’industrie et la création des nouvelles agglomérations urbaines. « L’Egypte d’aujourd’hui doit à Nasser son essor agricole, industriel et urbain. Le lac Nasser permet de stocker des milliards de m3 d’eau pour les utiliser dans la culture et la production d’électricité. Ce qui a permis, par conséquent, d’accroître les ressources énergétiques à plus de 50 % et d’augmenter de 30 % la superficie des terres cultivables pour faire face à la croissance démographique. Grâce au Haut-Barrage, l’Egypte est passée de l’agriculture saisonnière à l’agriculture permanente, un tournant important pour le secteur agricole, colonne vertébrale de l’économie », indique Allam.
Concernant la sécurité qu’offre le Haut-Barrage, Abbas Sharaky, expert hydrique et géologique au Centre des recherches et des études africaines à l’Université du Caire, signale que l’Egypte disposait déjà à Assouan d’un barrage construit par les Anglais, inauguré en 1902, mais qui a démontré son incapacité à retenir les eaux du fleuve à plusieurs reprises. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec le Haut-Barrage dont l’évocatoire a été désigné pour faire face aux conditions d’urgence et aux hautes inondations face au barrage. « Ce qui a protégé le pays à maintes reprises des dégâts des inondations dévastatrices, dont la dernière a été celle qui a eu lieu au Soudan en août 2022. Alors que les dégâts ont été catastrophiques au Soudan, l’Egypte a pu les éviter grâce à l’évocatoire du Haut-Barrage qui permet le passage de l’excès d’eau à hauteur de 5 000 m3 par seconde », indique Sharaky.
Au-delà de ses avantages hydroélectriques, Mokhtar Al-Ghobachi, politologue, estime que la construction du Haut-Barrage était une « victoire écrasante pour un pays du tiers-monde qui est sorti triomphant de sa bataille contre l’agression tripartite de 1956 et après la défaite de 1967 ». « Ce projet glorieux n’aurait pu voir le jour sans la détermination de l’exécuter en dépit des complots impérialistes visant à l’avorter », avait déclaré le président Nasser, rendant hommage à l’Union soviétique et aux ingénieurs et ouvriers qui ont collaboré à l’édification du barrage, « symbole durable de l’amitié » entre les deux pays.
« La construction du Haut-Barrage dans un contexte national et international dominé par la polarisation était un défi sans précédent relevé par l’Egypte pour imposer sa volonté et se mettre sur la voie du développement. Elle ne s’est pas pliée aux pressions exercées par l’Occident et s’est tournée vers l’Union soviétique pour financer ce mégaprojet après que la Banque mondiale et les Etats-Unis s’étaient retirés de son financement. Passant par la nationalisation du Canal de Suez et l’agression tripartite contre l’Egypte qui l’a suivie, la construction du Haut-Barrage était une leçon concrète à l’Occident sur l’indépendance politique et la souveraineté de l’Egypte. Il demeure une fierté pour les Egyptiens car il était un tournant marquant à la fin de décennies de contrôle impérialiste », conclut le politologue.
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