La conférence sur la protection de la vie privée à l’ère numérique est le résultat d’un partenariat entre le gouvernement et les ONG.
Initiée par l’Organisation Arabe des Droits de l’Homme (OADH) et le ministère des Affaires étrangères, la conférence internationale sur la protection de la vie privée à l’ère numérique s’est tenue au Caire les 21 et 22 juillet. Des responsables gouvernementaux, des représentants des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais aussi des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme venus de 23 pays ont évoqué, pendant deux jours, la responsabilité des Etats, des institutions et des ONG pour assurer la confidentialité des communications à l’ère numérique. Parmi les thématiques débattues figurent « l’impact de l’intelligence artificielle sur le droit à la vie privée », « les limites de la responsabilité de l’Etat et des entreprises privées dans la protection des informations et du droit à la vie privée » et « les moyens de renforcer la législation sur la protection des données et des informations ». Les participants ont été unanimes à souligner que les répercussions de la pandémie de Covid-19 ont donné une dimension supplémentaire à l’impact de l’intelligence artificielle sur le droit à la vie privée. Les participants ont souligné la nécessité que le développement des technologies numériques soit conforme aux principes des droits de l’homme. L’intelligence artificielle ne doit pas violer le droit à la vie privée ou d’autres droits de l’homme.
Un défi de taille
« Selon les statistiques, une personne sur 10 dans le monde est la cible d’attaques, de harcèlement ou de chantage électronique », a alerté la ministre de la Solidarité sociale, Nivine El-Qabbag, soulignant que l’Egypte est pionnière en matière de lutte contre les crimes cybernétiques et est classée à la 23e place sur 194 pays au monde dans ce domaine. « La loi en Egypte réglemente le transfert des données personnelles, alors que le gouvernement a créé le Conseil national pour l’intelligence artificielle pour aller de concert avec les changements technologiques dans le monde », affirme l’ambassadeur Khaled Al-Bakli, vice-ministre des Affaires étrangères pour les droits de l’homme.
Concernant les efforts de l’Egypte sur le plan législatif, le député Tarek Radwan, président de la commission des droits de l’homme au Parlement, explique que l’Egypte a pris des mesures concrètes pour protéger la vie privée et les données personnelles en adoptant la loi n° 175 de 2018 et sa charte exécutive de 2020 visant à lutter contre la cybercriminalité. « Cette loi impose des sanctions à toute personne qui viole la vie privée et qui utilise de manière abusive les sites Web et les moyens électroniques. D’ailleurs, le parlement a promulgué aussi la loi n° 151 de 2020 sur la protection des données personnelles. Ces législations étaient indispensables pour faire face au problème de la manipulation des données personnelles et de l’atteinte à la vie privée des gens », explique Radwan. Il rappelle la stratégie de l’Egypte en matière de droits de l’homme, lancée en 2021, soulignant la nécessité de garantir le droit à la vie privée. Il recommande l’amendement du Code de procédure pénale pour assurer la protection des victimes, des témoins et des personnes accusées de cybercriminalité.
Pour sa part, Alaa Chalabi, président de l’OADH, indique que cette conférence est la première mise en oeuvre à l’issue d’un mémorandum ratifié en mai 2022 entre l’OADH et le Comité des droits de l’homme du ministère des affaires étrangères. Un mémorandum qui, selon lui, crée un précédent important dans la mesure où il s’agit du premier document de ce type à être signé entre une ONG de défense des droits de l’homme et le mécanisme gouvernemental égyptien des droits de l’homme.
Un phénomène qui prend de l’ampleur
L’initiative s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale égyptienne des droits de l’homme (2021-2026) et conformément à la déclaration du président Abdel-Fattah Al-Sissi selon laquelle 2022 est l’Année de la société civile en Egypte. Selon Chalabi, cette conférence a une importance particulière vu les atteintes flagrantes que représente l’accès aux données personnelles des citoyens sur les réseaux sociaux par de grandes compagnies cybernétiques et agences de publicité à travers le monde. « Il est important de s’attaquer à ce phénomène qui prend d’ampleur et qui est en contradiction avec les Constitutions et les lois qui protégent la vie privée », souligne Chalabi. Et d’ajouter que plus de 150 Constitutions dans le monde garantissent le droit à la vie privée, et il est évident que les Etats cherchent à traduire ces Constitutions en lois. Le problème réside, selon lui, dans les tentatives des entreprises commerciales et les grands opérateurs de véhiculer l’idée que l’atteinte à la vie privée est une répercussion « inévitable » de l’essor technologique. « Il est vrai que le monde a énormément profité de la révolution technologique dans plusieurs domaines. Mais cela ne justifie pas l’accès aux données personnelles et aux correspondances des utilisateurs d’Internet et l’analyse de leurs tendances à des fins commerciales. Cela a constitué une violation flagrante qu’il faut combattre par tous les moyens », insiste Chalabi. Il ajoute que les effets négatifs du développement numérique nuisent aussi à la souveraineté des Etats et à leurs économies. La communauté internationale est appelée à faire pression sur les opérateurs technologiques qui réalisent des gains énormes. Les 7 plus grands opérateurs mondiaux ont réalisé des gains de 11,7 trillions de dollars en 2022.
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