Le troisième remplissage commencera à la mi-juillet avec le début de la saison des pluies, selon les autorités éthiopiennes.
Dans un entretien accordé à la chaîne Al-Arabiya, le directeur général du barrage de la Renaissance, Kifle Horo, a annoncé que la troisième phase du remplissage du barrage de la Renaissance commencerait dans les semaines à venir. Il s’agit là d’une nouvelle violation de l’accord de principes, signé entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie en 2015, et qui oblige l’Ethiopie à ne pas remplir le barrage sans accord avec les pays en aval.
Horo a déclaré que durant les moments de fortes pluies, l’eau pourrait déborder en direction des deux pays en aval. « Durant la saison de sécheresse, l’eau restera dans le réservoir du barrage », a-t-il ajouté. Il a reconnu que ce remplissage porterait atteinte aux pays en aval, mais a affirmé qu’il n’était pas question d’arrêter le remplissage. « Malgré les possibles effets nuisibles sur les pays en aval, il n’est pas question d’arrêter le troisième remplissage. C’est un processus automatique », a-t-il précisé.
Ces propos confirment les craintes de l’Egypte et du Soudan quant à l’absence d’un accord juridiquement contraignant qui réglemente le remplissage du barrage en période de sécheresse et de sécheresse sévère. Une fois de plus, l’Ethiopie se comporte de manière unilatérale. Une attitude rejetée par l’Egypte qui, en dépit de l’intransigeance éthiopienne, souhaite toujours parvenir à un accord contraignant avec l’Ethiopie et le Soudan sur le fonctionnement du barrage. Rappelons que les négociations tripartites sur le barrage se sont arrêtées en avril 2021 avant le deuxième remplissage sans parvenir à un accord.
Déclarations irresponsables
Abbas Sharaky, professeur de géologie et de ressources en eau à l’Université du Caire, qualifie l’annonce éthiopienne d’irresponsable tant sur le plan diplomatique que technique. « L’Ethiopie ne se sent visiblement pas concernée par les craintes de l’Egypte et du Soudan sur les dangers du barrage. Ces déclarations du directeur du barrage sont ouvertement provocatrices et irresponsables », affirme Sharaky. Sur le plan technique, ajoute-t-il, toutes les déclarations de Horo sont imprécises. « Le directeur du barrage n’a donné aucune information sur ce remplissage. Il est probable que ces propos visent seulement à recueillir les faveurs de l’opinion publique en Ethiopie. Il faut savoir que la hauteur de la partie centrale du barrage n’a toujours pas été décidée », affirme Sharaky.
Les estimations prévoyaient pour ce troisième remplissage une quantité d’eau comprise entre 3 et 5 milliards de m3, pour atteindre un total compris entre 10 et 13 milliards de m3. Le plan initial d’Addis-Abeba était de stocker 18,5 milliards de m3 lors du premier remplissage, mais seuls 5 milliards ont été stockés au cours de la première année et 3 milliards au cours de la deuxième. « Il est clair que le gouvernement éthiopien peine à réaliser ses objectifs », affirme Abbas Sharaky. Il explique que ce troisième remplissage ne représente pas un grand danger pour l’approvisionnement en eau de l’Egypte, étant donné les projets que le pays a mis en place pour rationaliser la consommation d’eau. L’Egypte a beaucoup investi pour garantir sa sécurité hydrique, notamment dans les projets de dessalement des eaux de mer qui ont coûté à l’Etat 50 milliards de L.E. L’objectif est de trouver de nouvelles ressources pour l’irrigation. « L’Egypte a peut-être réussi à éviter les effets néfastes du barrage, mais cela ne nie pas le fait que ces déclarations éthiopiennes vont dans le sens de la politique du fait accompli adoptée depuis le début de la crise par Addis-Abeba », explique Sharaky.
Une question existentielle
Sur le même ton, l’ancien ministre de l’Irrigation, Mohamed Nasr Eddine Allam, explique: « Il est évident que ce genre d’annonce est destiné à la consommation locale et vise à améliorer l’image du gouvernement éthiopien aux yeux de la population ». Mais le plus important, selon Allam, c’est que les efforts diplomatiques de l’Egypte se poursuivent à travers les négociations, sans pour autant parvenir à un accord avec le côté éthiopien, dans un cadre garantissant les droits des pays en aval et le développement de l’Ethiopie. « L’Egypte poursuivra ses contacts aux niveaux arabe, africain et international pour tenter de parvenir à une formule consensuelle. Le Caire tient toujours à résoudre le problème du barrage par la voie des négociations afin d’assurer sa sécurité en eau », conclut Allam .
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