Le retrait de certains groupes de la liste noire américaine des organisations terroristes étrangères menace la sécurité régionale.
L’administration américaine a pris la décision de retirer les noms de 5 groupes terroristes de la liste noire des organisations terroristes. Une mesure qui risque d’engendrer des séquelles négatives en termes de lutte mondiale contre le terrorisme. Conformément au site Fox News, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a informé le Congrès, le 13 mai dernier, de sa décision de retirer de leur liste noire des « organisations terroristes étrangères » la Gamaa islamiya en Egypte, l’organisation djihadiste palestinienne le Conseil de la choura des moudjahidines, en plus du mouvement séparatiste basque dissous ETA, la secte japonaise Aum Shinrikyo et le groupe extrémiste juif Kahane Chai.
Une procédure sans grande surprise puisque la loi américaine impose au secrétaire d’Etat américain de faire une révision tous les cinq ans de l’activité des groupes classés sur cette liste. Ces révisions prennent en considération l’activisme de ces organisations et leurs actions terroristes dans les cinq dernières années afin de décider leur retrait ou leur préservation sur la liste noire.
Le choix de retirer la Gamaa islamiya de cette liste soulève pourtant beaucoup d’interrogations sur les objectifs et les conséquences. Surtout avec la récente escalade du terrorisme en Egypte, particulièrement au Sinaï où les forces de sécurité égyptiennes sont ciblées. Rappelons à cet égard l’opération terroriste perpétrée début mai et qui a fait 11 martyrs dans les rangs des soldats égyptiens. La Gamaa islamiya détient une longue histoire d’actes terroristes commis contre les responsables et les civils égyptiens. Elle est responsable de l’assassinat du président égyptien Mohamad Anouar Al-Sadate en 1981. Elle a également déclenché une campagne ayant visé les forces de sécurité égyptiennes et les touristes dans les années 1980 et 1990.
Idem pour le Conseil de la choura des moudjahidines. Ce groupe a donné naissance à un nombre de groupes armés à Gaza et a revendiqué sa responsabilité d’un nombre d’attaques de missiles sur Israël en 2012. Il a également donné naissance à une autre organisation, à savoir Ansar Beit Al-Maqdès, connue sous le nom de Wilayat Al-Qods, et ce, après avoir prêté allégeance à Abou-Bakr Al-Boghdadi, le prétendu calife en 2014. Cette entité a commis des dizaines d’attaques terroristes contre des objectifs militaires et civils égyptiens, surtout au Sinaï.
Par conséquent, au moment où les Etats-Unis ont annoncé leur soutien au gouvernement égyptien dans sa lutte contre le terrorisme, cette dernière mesure de révision de la classification de ces entités comme terroristes est perturbante et bizarre. Elle risque de remettre sur le devant de la scène les doutes sur le sérieux de Washington à mener la lutte contre le terrorisme. De même, elle remet en avant l’idée selon laquelle Washington utilise ces entités comme une carte de pression sur les pays de la région afin de réaliser ses objectifs et ses agendas politiques.
Répercussions sur la lutte antiterroriste
Cette mesure aura donc sans doute des répercussions négatives. La plus dangereuse est de donner le feu vert à ces organisations afin de mener des opérations terroristes contre l’Etat égyptien. Enlever la Gamaa islamiya de cette liste, c’est en quelque sorte lui redonner vie, après que l’Etat égyptien a pu lui asséner des coups successifs durs dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000. Ce qui a eu pour conséquence que le groupe n’a, depuis, presque plus d’activités. La Gamaa islamiya a établi une branche politique, le Parti de la construction et du développement qui a été interdit en 2020 par le gouvernement suite à l’élection de Tareq Al-Zomor à sa tête, lui-même considéré comme terroriste. Autre conséquence: la levée des sanctions imposées à ces organisations. Elles peuvent donc accéder facilement à leurs dépôts bancaires à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, et seront en mesure d’obtenir des fonds et des dons. Tout cela veut dire qu’elles pourraient reprendre leurs activités et leurs opérations.
Tout cela est évidemment rejeté par les autorités égyptiennes, qui feront tout pour stopper l’accès de ces soutiens financiers à la Gamaa, d’autant plus qu’elle est toujours considérée comme une organisation terroriste conformément à la loi égyptienne, ce qui diminuera l’impact de la décision américaine, d’autant plus que l’obtention des fonds se fera en tant qu’individus et non pas en tant qu’organisation. Il est certain que le gouvernement égyptien prendra ses précautions afin de contenir le danger de la Gamaa islamiya et de l’organisation de Beit Al-Maqdès.
Cela dit, la décision américaine pourrait influencer négativement la coopération sécuritaire entre les deux pays, surtout en ce qui concerne les organisations terroristes telles que Daech qui continue de représenter une menace à la paix et à la sécurité internationales, ainsi qu’aux intérêts américains. Malgré la défaite qui lui a été infligée en Syrie et en Iraq, Daech constitue toujours une menace en Libye et au Sahel. Il est donc bénéfique aux Etats-Unis de coopérer avec l’Egypte pour contrer ce fléau.
*Spécialiste des affaires américaines au Centre des Etudes Politiques et Stratéiques (CEPS) d’Al-Ahram
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