23 éléments terroristes ont été liquidés lors de l’opération de ratissage lancée au Sinaï entre les 7 et 11 mai.
Les forces armées ont annoncé, dans un communiqué de presse, que des éléments terroristes ont été pourchassés et encerclés dans des régions isolées et limitrophes. Et ce, lorsque les forces aériennes ont asséné des frappes les 7 et 11 mai, conduisant à la mort de 23 des éléments terroristes, à la destruction d’un nombre de foyers terroristes et de deux véhicules 4x4 utilisés dans l’exécution de leurs plans criminels. Les forces armées ont également réussi à découvrir et à saper un nombre d’engins explosifs destinés à viser ses forces. Ces actes héroïques exécutés ont valu la mort à un officier de police et 4 soldats, en plus de 2 autres qui ont été blessés.
Cette opération de ratissage a été lancée quelques heures après l’opération terroriste qui a eu lieu le 7 mai dernier contre une station de pompage d’eau située à l’ouest du Sinaï qui a entraîné la mort d’un officier et de 10 soldats, alors que 5 éléments de la sécurité nationale ont été blessés. Une nouvelle opération terroriste qui vient soulever de nombreuses interrogations concernant son objectif et son timing.
Des capacités affaiblies
Dans les 4 dernières années, le terrorisme au Sinaï a connu une remarquable régression, suite au lancement, en février 2018, par les forces armées d’une opération militaire globale. Plusieurs indices le prouvent, notamment le manque de contrôle effectif sur les régions géographiques par rapport à la situation qui prévalait avant juillet 2015. Les terroristes ont perdu tout contrôle sur leur épicentre au sein des villages et des villes de Cheikh Zowayed, Rafah, les villages d’Al-Arich et la ville de Beir Al-Abd. Ainsi, les terroristes ont choisi de chercher refuge au milieu des régions désertiques et montagneuses. Le deuxième indice concerne le recul de leurs capacités de lutte. Le taux des opérations terroristes exécutées par Daech au Sinaï en comparaison avec les 4 premières années de l’âge de l’organisation (entre 2014 et 2018) ont reculé de 90%. Ajoutons que depuis juin 2020, le nombre d’éléments non égyptiens adhérant à l’organisation a régressé en raison du contrôle strict sur les frontières.
Cette faiblesse a mis en lumière un nombre de motifs latents derrière la dernière opération et nous amène à comprendre la spécificité de son timing. Ceci s’est manifesté dans la réussite des appareils de lutte contre le terrorisme à diriger, dans les trois premiers mois de 2022, des coups fatals à l’organisation de Daech au Sinaï, anéantissant ainsi des éléments takfiris et sapant la performance de l’organisation. Les appareils de lutte antiterroriste ont réussi à tuer en avril le dirigeant militaire éminent de l’organisation, Abou-Omar Al-Ansari, ainsi que plusieurs autres éléments qui ont été liquidés.
Cette opération terroriste a également coïncidé avec le retour d’un nombre d’habitants sinaouis aux zones qui avaient été purifiées de la présence d’éléments takfiris ou des engins explosifs implantés dans un nombre de villages au sud de Cheikh Zowayed.
Cette opération intervient en réplique à l’appel, via un enregistrement audio diffusé dans les régions de concentration de l’organisation, du nouveau porte-parole de l’organisation, Omar Al-Mohaguer, le 17 avril dernier. Ce dernier avait invoqué l’exécution d’opérations terroristes sous le label de « représailles » pour la mort de leurs leaders, Ibrahim Al-Qorachi et Abou-Hamza Al-Qorachi en février 2022. Ce qui prouve que la dernière opération était liée aux objectifs de l’organisation centrale en Syrie et en Iraq qui continue de transmettre des messages à l’Occident selon lesquels l’organisation, sur le plan central, tient toujours sa mainmise sur ses membres dans les différentes régions de concentration et qu’elle est encore capable de mener des opérations dans un nombre de pays de par le monde. Cette opération vise donc à attirer de nouveaux combattants, surtout à l’heure où les capacités de lutte sont en nette régression. L’organisation a alors choisi les nouvelles tactiques de manifestation de force à travers les dernières opérations terroristes qui sont, pour elle, une nouvelle manifestation de preuve d’influence et de contrôle.
Changement de stratégie
L’attaque contre une station de pompage de l’eau à la ville de Beir Sabea donne un indice du changement de stratégie et de tactique de l’organisation terroriste à deux niveaux: les lieux ciblés et la nature des objectifs. Il s’agit d’un changement relatif lié au commandement central en Syrie et en Iraq qui a lancé une nouvelle stratégie qu’il a surnommée « le retour au désert ». Une stratégie qui fait partie de la vision d’Abou-Mohamad Al-Adnani, le tout premier porte-parole de l’organisation et l’un des leaders de Daech qui avait émergé suite à la proclamation du « califat de Daech ». Al-Adnani avait annoncé en mai 2016, quelques mois avant son décès, qu’il détenait une vision pour régler le recul du potentiel de l’organisation et la perte de contrôle sur un nombre de villes en Syrie et en Iraq. La nouvelle stratégie repose sur le déplacement, le va-et-vient des éléments terroristes dans les villes et leur retour pour trouver refuge dans le désert. C’est ce qui justifie l’emplacement choisi pour l’opération dans une région montagneuse dans le sud de la ville de Beir Al-Abd et la manière de son exécution. Ce qui aide à la rapidité des déplacements des éléments en quête d’asile.
Partant, l’organisation a commencé à dépendre de simples tactiques terroristes que l’on peut recenser depuis juin 2020: engins explosifs et tirs dans les différentes grandes opérations. L’un de leur pilier est également le ciblage de l’infrastructure vu leur impact économique de taille.
Des tentatives désespérées de l’organisation qui, malgré les grandes pertes dans les rangs des forces de sécurité, n’a réussi aucune de ses opérations. Les opérations de ratissage du Sinaï se poursuivent sous les directives du président Abdel-Fattah Al-Sissi qui, lors d’une réunion du Conseil suprême des forces armées égyptiennes, a ordonné aux forces de l’ordre de poursuivre la mise en oeuvre de toutes les mesures de sécurité contribuant à éliminer le terrorisme sous toutes ses formes dans le Sinaï.
*Spécialiste des mouvements islamistes au Centre des Etudes Politique.
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