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Le coût cher du terrorisme

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mercredi, 13 avril 2022

« Le coût du terrorisme: une approche égyptienne globale », c’est le titre d’une étude dont les résultats préliminaires viennent d’être rendus publics. L’objectif étant de s’attaquer aux racines du terrorisme et d’en réparer les dommages.

dommages
Ministres, intellectuels, penseurs et écrivains ont participé au premier symposium sur les coûts du terrorisme.

La recherche intitulée « Le coût du terrorisme: une approche égyptienne globale ».a été préparée par le ministère de la Solidarité sociale en coopération avec le Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques. Ses résultats préliminaires ont été exposés, le 11 avril, lors d’un symposium rassemblant un grand nombre de ministres et d’anciens ministres, de penseurs et d’intellectuels spécialisés dans les domaines politique, social, économique et culturel, ainsi que d’hommes de religion.

Quatre volets représentent les principaux axes sur lesquels est fondée l’étude: les volets économique, social, politique et culturel. Ainsi, la recherche étudie de manière approfondie les répercutions, voire le coût encouru par l’Etat égyptien dans chacun de ces domaines, à la suite des vagues d’extrémisme et de terrorisme, et ce, depuis les années 1970. La recherche se penche également sur les moyens et les stratégies d’affrontement et de confrontation pour renforcer les fondements de l’Etat national moderne et de la nouvelle République. Elle aborde aussi les causes à l’origine du terrorisme qui vise à détruire l’Etat.

Comme l’a expliqué la ministre de la Solidarité sociale, Nivine El-Kabbag, ce premier symposium a pour principal objectif de définir les grandes lignes de cette étude et de discuter de ses résultats préliminaires. D’autres rencontres successives traiteront en détail chacun de ces axes. Expliquant les raisons de la préparation de cette recherche, elle dit que « le président Abdel-Fattah Al-Sissi a recommandé que des recherches scientifiques soient préparées sur le calcul du coût du terrorisme en Egypte, et ce, sur tous les volets, afin de permettre à l’Etat de bénéficier des résultats de cette recherche pour s’attaquer aux racines du problème et aux répercussions du terrorisme ». La ministre précise que « selon les études, le coût moyen du terrorisme a augmenté dans le monde pour atteindre 70 milliards de dollars, contre 15 milliards de dollars il y a 10 ans ».

Pour sa part, le général Khaled Okasha, directeur du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, a affirmé que le point de départ de cette recherche était de comprendre la nature du terrorisme en Egypte. « Le terrorisme s’infiltre principalement comme un terrorisme doux qui cherche à intimider l’Etat et la société à travers des justifications idéologiques, le financement matériel, l’expansion au sein des institutions et surtout la mobilisation sociale. Ensuite, il passe à une phase dure fondée sur le sabotage et la destruction matérielle via la violence terroriste », explique Okasha. Et d’ajouter que « le terrorisme représentait une menace existentielle pour l’Egypte, surtout lorsque le phénomène avait atteint son apogée en 2014 et 2015. Ce qui avait placé l’Egypte sur la liste des pays les plus exposés au terrorisme et a conduit l’Etat à prendre une décision historique de considérer le terrorisme comme une menace pour sa sécurité nationale, puis à prendre les mesures de sécurité nécessaires et décisives pour y faire face ».

Quatre axes

La première session du symposium a porté sur le coût économique et social du terrorisme. Dans ce cadre, Dr Howaida Adly, professeure de sciences politiques au Centre national des recherches criminelles et sociales, explique que l’examen du coût social du terrorisme a été fondé sur un travail de terrain dans les zones les plus touchées par le terrorisme. Ainsi, 9 villages ont été choisis, dont 3 aux gouvernorats de Minya et Qéna. « Les perceptions dégagées ont été un indicateur important concernant la vision des Frères musulmans et des salafistes pour les femmes et les coptes. Deux catégories qui sont touchées par un regard inférieur et qui contribuent à la propagation de l’idéologie extrémiste », explique-t-elle. « Nous avons constaté que la marginalisation sociale est un environnement propice à l’émergence de l’extrémisme. Les groupes extrémistes en profitent pour attirer les jeunes et leur fournir une alternative afin de satisfaire leurs besoins de base, et donc ces milieux deviennent incubateurs pour la pensée terroriste », ajoute-t-elle.

Pour ce qui est du secteur économique, l’un des secteurs les plus touchés, l’économiste Abdel-Fattah Al-Guébali a affirmé que le Produit Intérieur Brut (PIB) de l’Egypte a perdu entre 2011 et 2016 environ 385,6 milliards de L.E. à cause du terrorisme. Il a également souligné que les taux de croissance et les Investissements Directs Etrangers (IDE) diminuent à la suite de tout incident terroriste en Egypte, tandis que le déficit budgétaire augmente. Il donne l’exemple du secteur touristique: entre 2011 et 2015, ce secteur a perdu environ 207,5 milliards de dollars des revenus prévus. Selon Al-Guébali, l’Etat se trouve également obligé de verser de grosses sommes pour restaurer les dégâts produits par les opérations terroristes au détriment des projets de développement.

Outre les répercussions socioéconomiques, le terrorisme a également laissé ses traces sur les secteurs politique et culturel. Pour l’écrivain et penseur Samir Morcos, le coût politique du terrorisme s’articule autour de trois cadres. Le premier est le cadre idéologique et historique. Morcos explique que la violence commence par une idée et cette idée conduit au terrorisme. Le deuxième cadre est l’influence sur la sphère publique politique et civile. Et le troisième concerne le coût sur la société civile, les établissements scolaires et les médias. « Ces coûts ont une influence directe à travers l’exploitation par des groupes terroristes de l’infrastructure de certaines associations et des ONG et même des médias pour la diffusion de messages extrémistes », explique-t-il. Pour Morcos, la lutte contre le terrorisme devrait passer par un partenariat entre l’Etat et le citoyen et la sensibilisation aux valeurs de l’Etat moderne.

En revanche, s’il est facile de préciser les impacts et les coûts du terrorisme sur la politique, l’économie et la société, il reste bien difficile de pointer ces impacts sur la culture, explique Fouad Al-Saïd, chercheur spécialisé dans les études de la culture politique. Pour lui, il faut remonter loin dans l’Histoire, voire 100 ans en arrière, pour explorer le climat de culture politique qui génère le terrorisme, ensuite étudier les causes culturelles, intellectuelles et psychologiques du terrorisme et, enfin, travailler sur la réforme du discours religieux. Des facteurs qui seront, selon Al-Saïd, exposés en détail dans les prochaines sessions.

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