La récupération de Taba a mis un point final à l’occupation israélienne de la péninsule du Sinaï.
Ahmad Eleiba*
La récupération de Taba, obtenue le 19 mars 1989, est l’une des plus longues batailles juridiques égyptiennes avec Israël qui a duré 8 ans. Géographiquement parlant, Taba est la plus petite destination ayant été récupérée au Sinaï à l’issue de la guerre d’Octobre 1973. Malgré sa petite superficie, 1,1 km environ, sa valeur n’est pas négligeable. A commencer par la valeur nationale qu’elle représente dans le contexte de la souveraineté égyptienne. Officiers et soldats croyaient en sa récupération. Mohamad Qachqouch, professeur de sécurité nationale auprès de l’Académie militaire Nasser, raconte: « Il était de coutume que tout soldat ou officier, franchissant le Canal de Suez pendant la guerre d’usure après l’occupation du Sinaï par Israël en 1967, remplisse une bouteille de sable de son sol. C’était pour notre génération de bon augure avant sa libération totale en 1973 ».
Il est vital aujourd’hui de rappeler le principe ancré par le président Anouar Al-Sadate, le héros incontestable de cette guerre, selon lequel on ne renoncerait à aucun pouce de la terre du Sinaï et que le retour de Taba ne se ferait que par les voies juridiques et la négociation. Ce fut là le socle du projet de paix entamé par Sadate en 1979.
Selon les calculs des militaires égyptiens, l’emplacement de Taba crée un point d’équilibre stratégique à partir d’une perspective militaire face au port israélien d’ Eilat. A leurs yeux, Taba est un point axial dans les équilibres géostratégiques, quelle que soit sa superficie limitée.
Une victoire juridique
Même si Israël avait essayé de changer les points frontaliers afin de s’emparer de la ville de Taba, ce fut la victoire le 29 septembre 1988. Le tribunal tenu à Genève a prononcé à l’unanimité son verdict historique au profit de l’égyptianité de Taba. Le traité exécutif de Rome du 29 novembre 1988 a ratifié le verdict par la suite en présence des Etats-Unis. Ces derniers ont tranché les points suspendus, et le 19 mars 1989, le drapeau de l’Egypte a été levé sur le sol de Taba.
Heureusement, l’Egypte l’a emporté via la bataille juridique et a récupéré son sol. A l’heure où dans l’environnement régional, nombreux ont été les accords conclus qui ont fait ressusciter les guerres entre les parties belligérantes. Ces accords étaient l’étincelle qui a transformé certaines régions en poudrière. Comme l’accord stipulant la répartition de Chatt Al-Arab entre l’Iran et l’Iraq en 1975 et qui a déclenché la guerre entre les deux pays plus tard. Mais, l’Egypte a créé la paix pour qu’elle demeure. A partir de cette optique, la guerre de Taba était une épreuve importante pour les deux parties du traité de paix en vigueur jusqu’à aujourd’hui, à savoir Le Caire et Tel-Aviv.
Tout incident de sécurité qui émerge ces derniers temps est traité selon un mécanisme sécuritaire conjoint. L’année dernière, le traité a été amendé au profit de l’augmentation du nombre de contingents égyptiens au Sinaï, qui a été libérée pour la deuxième fois du terrorisme, comme le dit le général Mohamad Ibrahim, membre au sein du comité de Taba.
La plaine du doum
Les Sinaouis appellent Taba « la plaine du doum », car la tribu d’Al-Heyouyat héritait de la culture des arbres de doum sur la plaine de Taba. D’ailleurs, cette activité fut l’une des empreintes historiques ayant servi au tribunal d’arbitrage. Selon les récits des Sinaouis, Israël essayait par tous les moyens de changer les aspects du lieu afin de l’amener à Eilat dans l’objectif d’élargir sa vue donnant sur les rives de la mer Rouge. Israël est même allé jusqu’à proposer à cette tribu des sommes d’argent pour renoncer aux documents qu’elle possédait prouvant sa possession de la terre. Une proposition qui a été catégoriquement rejetée.
Taba a été le dernier terrain rendu à l’Egypte. Aujourd’hui, elle s’est transformée en un des emplacements touristiques les plus renommés. Ses deux rives sont les plus belles au niveau de la presqu’île du Sinaï. Elles se composent d’un nombre de petits golfes, de lacs, d’un détroit et d’une île. La forteresse de Salaheddine est l’une des plus belles vues. Elle se situe au-dessus du golfe de Aqaba au milieu d’une série de montagnes, des plaines de Taba, d’une part, et les eaux du golfe de Aqaba de l’autre. Elle est à 240 km de Charm Al-Cheikh du côté nord. Le modèle de reconstruction et de développement à Taba en a été un inspirateur. Aujourd’hui, cette région est une leçon à apprendre dans le patriotisme égyptien et sa relation avec la libération. Les Egyptiens sont intimement liés au Sinaï et à son sol récupéré jusqu’au dernier pouce.
*Chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
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