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Aïssata Tall Sall : L’Egypte et le Sénégal peuvent influer positivement sur l’action de l’UA

Propos recueillis par Chérif Ahmed, Lundi, 06 décembre 2021

Le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique s’est tenu les 6 et 7 décembre. La ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall,

s’exprime sur les défis du continent et les relations bilatérales.

Aïssata Tall Sall,

Dakar, Correspondance —

Al-Ahram Hebdo : Les relations égypto-africaines connaissent un essor sans précédent. Comment évaluez-vous cela et quel rôle joue l’Egypte en Afrique ?

Aïssata Tall Sall: L’Egypte est un grand pays dont le leadership est incontestable aussi bien en Afrique qu’au Moyen-Orient et dans le reste du monde. C’est un pays qui joue un rôle de premier plan sur les questions de paix et de sécurité, de par son implication dans la résolution de la crise en Libye notamment, pour ne citer que celle-là, mais aussi dans la relance du processus de paix israélo-palestinien, situation dans laquelle le rôle de l’Egypte, en tant que pays médiateur, est incontournable.

Nous nous félicitons également de la présidence égyptienne très réussie de l’Union Africaine (UA) en 2018 qui a encore redynamisé les relations égypto-africaines. Je saisis cette occasion pour saluer la vision éclairée de Son Excellence le président Abdel-Fattah Al-Sissi pour son leadership.

— Au moment où le Sénégal se prépare, à son tour, à assurer la présidence de l’UA, comment relever ensemble les nombreux défis actuels du continent, notamment la menace terroriste et la relance économique en Afrique dans le contexte de la pandémie de Covid-19 ?

— Le niveau excellent du dialogue entre les deux pays est une importante base de travail et de collaboration pour faire face aux défis. Le rôle et la place qu’occupent l’Egypte et le Sénégal au sein de l’UA leur donnent, en effet, la possibilité d’influer positivement, sur l’action diplomatique et politique de l’organisation. Nos deux pays ont en commun leur fort engagement dans la lutte contre le terrorisme et leur coopération dans le domaine sécuritaire est très satisfaisante. Notre action commune dans le cadre de la résolution des crises en Afrique peut donc se baser sur les mécanismes et processus fonctionnels prévus par l’UA, mais également sur nos consultations régulières.

— Comment évaluez-vous les relations bilatérales ?

Aïssata Tall Sall,

— Tout d’abord, je voudrais me réjouir de l’excellence des relations entre la République arabe d’Egypte et la République du Sénégal qui, avant d’être politiques, diplomatiques ou économiques, ont des soubassements historiques, culturels et même religieux. Il s’y ajoute, aujourd’hui, le caractère particulier des liens étroits d’amitié et de fraternité et de haute estime mutuelle entre les deux chefs d’Etat.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent la visite du président Sissi au Sénégal en avril 2019 et celle du président Macky Sall en Egypte en décembre de la même année. Sur le plan politique, il y a une très bonne entente, comme je l’ai affirmé, les interactions à un haut niveau politique sont régulières et courantes. J’envisage également d’effectuer très prochainement une visite de travail en Egypte.

C’est dire donc que l’axe Dakar-Le Caire est actuellement très dynamique sur le plan des relations politiques. Pour ce qui est des relations économiques et commerciales, le potentiel est énorme. Notre ambition est de hisser la coopération économique et commerciale au même niveau que les relations politiques et culturelles. Nous y travaillons avec nos partenaires égyptiens et dans cette optique nous menons des consultations en vue de tenir, dans les meilleurs délais, la 4e session de la grande Commission mixte de coopération entre les deux pays, qui ne s’est pas réunie depuis 2004.

Cette session permettra de réactualiser le cadre juridique et de dégager de nouvelles perspectives de partenariat. Il convient d’indiquer qu’un nombre très important de projets d’accords est en cours de négociation. La tenue de la grande Commission mixte donnera un nouvel élan à la coopération économique et commerciale entre les deux pays. Des secteurs, comme l’habitat, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur, les infrastructures et le tourisme, ont été retenus en tant que secteurs prioritaires de cette coopération économique.

Beaucoup d’entreprises égyptiennes ambitionnent d’explorer le marché sénégalais et d’investir dans ces domaines prioritaires et dans d’autres tout aussi importants comme l’agroalimentaire, les mines, les services, l’énergie, etc. Cependant, cette volonté d’ouverture de l’Egypte aux marchés de l’Afrique occidentale est freinée par plusieurs obstacles, dont l’absence d’une liaison aérienne directe entre Le Caire et Dakar. L’existence de cette liaison directe entre les deux capitales devrait être un élément important de la nouvelle architecture que le Sénégal et l’Egypte entendent donner à leur coopération économique.

— Pouvez-vous nous parler en détail de la signature du protocole d’accord pour la mise en place du conseil d’affaires égypto-sénégalais, qui a été signé en juillet dernier entre les ministres du Commerce des deux pays ?

— Lors de la visite du président égyptien au Sénégal, les deux chefs d’Etat avaient mis un accent particulier sur le rôle important du secteur privé dans la promotion des échanges, du partenariat et de l’investissement entre les deux pays.

A cet égard, ils avaient salué et encouragé les discussions en cours pour mettre en place un conseil d’affaires égypto-sénégalais. La mission, en juillet dernier, d’une délégation d’hommes d’affaires égyptiens conduite par Mme Névine Gamea, ministre du Commerce et de l’Industrie, a été l’occasion d’explorer les potentialités d’échanges, de part et d’autre, dans le cadre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECA). Elle a permis la tenue du Forum d’affaires, d’échanges et de partenariat entre le Sénégal et l’Egypte.

Le protocole d’accord pour la mise en place du conseil d’affaires égypto-sénégalais a pour objectif de renforcer les relations économiques et commerciales bilatérales et d’améliorer les échanges entre les deux secteurs privés sur les politiques et opportunités économiques, commerciales et d’investissement. Ledit conseil est également appelé à fournir des conseils, des suggestions et des recommandations aux deux pays pour atteindre les objectifs susmentionnés.

— La délégation d’hommes d’affaires égyptiens a visité, le 9 juillet 2021, les chantiers de la nouvelle ville de Diamniadio qui abrite aussi d’importantes plateformes industrielles. Quels avantages pour les deux pays ?

— Le Sénégal a lancé, depuis 2012, un plan de développement appelé Plan Sénégal Emergent (PSE) dont le Plan d’Actions Prioritaires (PAP) de la phase II a été ajusté en vue d’atténuer les effets négatifs du Covid-19, de relancer les activités socioéconomiques et de se mettre sur la trajectoire de l’émergence. Le PSE est adossé à une vision, celle d’un Sénégal émergent à l’horizon 2035, à travers la transformation structurelle de l’économie, la promotion du capital humain, de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit.

Dans le but d’accélérer le développement industriel du Sénégal, le PSE préconise la mise en place de zones d’attrait d’investissements directs et étrangers, de compétitivité et de création massive d’emplois. Ainsi, la nouvelle ville de Diamniadio, que la délégation d’hommes d’affaires égyptiens a pu visiter, est l’une de ces zones qui abritent diverses plateformes industrielles destinées à l’accueil des investissements nationaux et étrangers. Je pense que de tels espaces sont mutuellement avantageux pour les parties impliquées et peuvent se traduire, entre autres, par l’augmentation des investissements directs étrangers.

Dans une perspective purement bilatérale, ces zones pourraient également permettre de renforcer le partenariat public-privé et de faire en sorte que nos relations économiques, au-delà du volet commercial, puissent davantage s’orienter vers le développement industriel et le transfert de compétences et de technologies.

Autant l’Egypte du président Abdel-Fattah Al-Sissi mise sur le développement et la modernisation des différentes infrastructures, autant le Sénégal du président Macky Sall s’inscrit dans la même dynamique, avec une panoplie de projets et programmes infrastructurels comme le Pôle urbain de Diamniadio, nouvelle ville intelligente également qui regroupera, entre autres, des quartiers administratifs, des zones d’habitation mixtes, des zones industrielles, des universités et des centres de recherche, ainsi que des espaces d’affaires.

— Et comment voyez-vous le différend entre Le Caire et Addis-Abeba sur le barrage de la Renaissance ?

— Le Sénégal suit de près l’évolution des négociations sur cette question du barrage éthiopien sur le Nil. A ce propos, je pense qu’il faut d’abord saluer les initiatives déjà enclenchées par l’UA qui, il faut le rappeler, ont permis des avancées notables dans ce dossier. Notre pays invite toutes les parties à la poursuite des négociations pour trouver une solution durable et mutuellement bénéfique.

Je pense que c’est seulement autour de la table des négociations qu’une issue favorable et acceptée par tous pourrait émerger. En définitive, nous souhaitons vivement qu’une issue rapide et satisfaisante soit trouvée à ce différend entre ces pays voisins et frères.

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