Le 24 octobre prochain aura lieu la première audience du procès intenté par l’avocat Naguib Guébraïl, président de l’ONG l’Union égyptienne pour les droits de l’homme, devant le Conseil d’Etat, réclamant la suppression de la case de la religion de la carte d’identité. Un procès intervenant suite à un débat de longue date, ravivé par l’appel lancé par le journaliste Ibrahim Issa, lors de sa participation à la cérémonie du lancement de la stratégie nationale sur les droits de l’homme, mi-septembre, jugeant cette case « incompatible avec les principes de l’identité nationale ». En réponse, le ministre de la Justice, le conseiller Omar Marwan, a affirmé que cette case reste utile pour l’ensemble de la population, surtout en l’absence d’une loi unifiée sur le statut personnel. « Cette case reste cruciale pour les droits et les devoirs de chaque citoyen, notamment en ce qui concerne l’héritage, le mariage, le divorce ou l’enterrement », a détaillé le ministre de la Justice.
Malgré ces déclarations, la question fait toujours débat, depuis qu’elle a été soulevée la première fois en 2006, lorsqu’un projet de loi à cet égard a été présenté au parlement. Depuis il n’a pas vu le jour. Mais aujourd’hui, c’est avec moins de tensions, beaucoup de réalisme et un espoir d’inscrire l’affaire dans le cadre de la stratégie nationale des droits de l’homme que le débat est relancé. Pour Guébraïl, « le moment est propice pour porter le sujet devant les tribunaux et faire bouger les lignes ». Il souhaite surtout que dans l’avenir, sa suppression devienne « le symbole d’une laïcité rendant l’Egypte plus forte et plus moderne », rappelant que seuls trois pays arabes mentionnent la religion sur la carte d’identité.
Pour Guébraïl, cette mention, qui date de 1956, avait été décidée pour des raisons particulières aujourd’hui inexistantes. « Le président Nasser estimait cette décision utile pour solidifier ses positions en traitant avec la confrérie des Frères musulmans. Et depuis, cette procédure est restée appliquée sans une loi ni un texte constitutionnel l’imposant », détaille-t-il, proposant que la religion soit inscrite dans le code-barres électronique de la carte d’identité à l’instar d’autres informations. « Mettre cette information invisible sur la carte d’identité à l’instar des passeports est la bonne solution », estime-t-il.
A chacun ses arguments
Un avis qui ne fait pas l’unanimité. Pour Amna Nosseir, professeure de dogme et de philosophie à l’Université d’Al-Azhar, il s’agit d’une revendication injustifiée. « La carte d’identité doit renfermer toutes les informations, tels le métier, l’adresse et la religion, et ce, pour éviter toute éventuelle confusion ou manipulation. D’ailleurs, la religion fait partie de l’identité de chacun, pour autant, elle ne lui octroie, ni lui attribue aucun droit ou devoir spécifique », estime Nosseir. Selon elle, s’il existe encore des problèmes, c’est plutôt au niveau de la culture sociétale et de l’éducation, il faut donc travailler pour sceller les principes de citoyenneté.
Pour sa part, la journaliste et activiste Fatma Naout, qui a prôné depuis des années l’abolition de la case de la religion, estime qu’aujourd’hui, « la question peut être dépassée ». Justifiant ce revirement, elle explique que dans les années 1970 et 1980 la discrimination sur base de religion était flagrante. « Quoique je ne sois pas rattachée à son maintien, je ne vois plus son abolition comme une priorité. Aujourd’hui, la situation a complètement changé sous le régime du président Sissi, fort engagé en faveur du renforcement de la citoyenneté, et qui a pu réaliser un progrès tangible et satisfaisant en ce dossier qui menaçait la paix sociétale. Entre autres, la nouvelle loi sur la construction des églises, le quota des coptes au parlement et la nomination des coptes à des postes-clés », indique Naout.
L’affaire continue donc de faire débat, avec des pour et des contres, chacun défendant à sa manière les principes de la citoyenneté.
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