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Osama Rabie : Il n’y a pas d’alternative au Canal de Suez

Ahmad Farghaly et Sayed Ibrahim, Lundi, 11 octobre 2021

Dans un entretien avec Al-Ahram, le président de l’Autorité du Canal de Suez, l’amiral Osama Rabie, revient sur la modernisation de cette voie maritime d’une importance capitale pour le commerce mondial.

Il n’y a pas d’alternative au Canal de Suez

Al-Ahram Hebdo : Comment la pandémie du coronavirus a-t-elle affecté le Canal de Suez et quelles mesures ont été prises pour minimiser les dégâts ?

Amiral Osama Rabie : En 2020, durant la première année de la pandémie, nous avons pu maintenir les niveaux du trafic maritime et les revenus du canal. Ce qui nous a valu les éloges de plusieurs organisations internationales, dont l’Organisation de la mer Baltique. Celle-ci a souligné que, bien que le commerce mondial ait reculé de 11,6 % et que la navigation des porte-conteneurs ait reculé de 16 %, le trafic dans le Canal de Suez a augmenté de 6,8 %. La même organisation a reconnu la réussite de la politique de commercialisation adoptée par l’Autorité du Canal de Suez à une époque où le Canal de Panama a subi une chute de 40 % de ses revenus. Celle-ci consistait à établir un contact permanent avec les propriétaires et les clients. Nous surveillions constamment les navires qui empruntaient la route du Cap de Bonne-Espérance et leur parlions pour connaître les raisons pour lesquelles ils n’utilisaient pas le Canal de Suez. Ensuite, nous avons entamé une phase d’études avant de leur proposer des réductions sur les prix de passage. Cela suffisait pour les convaincre d’opter pour le Canal de Suez.

— Un projet géant a été mis en oeuvre pour le développement du secteur sud du canal. Quels en sont les détails ?

— Il s’agit d’aménager le tronçon sud du canal afin de fluidifier le trafic entre le 122e et le 132e km. Cette partie à double voie représente 25 % de ce tronçon de 40 km, elle réduira le temps de passage des navires et augmentera la capacité du canal. Le projet prévoit également l’expansion et l’approfondissement de la voie située entre le 132e km, au sud des Lacs amers, et le 162e km, soit jusqu’à son embouchure à Suez.

— Les tunnels qui ont été creusés sous le canal risquent-ils d’impacter la navigation ? Quel rôle jouent-ils ?

— Ils n’affectent absolument pas la navigation. Ces tunnels ont été construits à une profondeur de 40 m sous la surface de l’eau, alors que le plus grand tirant d’eau qui traverse le canal à l’heure actuelle ne dépasse pas les 19 m. Ils contribuent énormément au développement de la région. Par exemple, les camions, qui passaient une semaine à attendre leur tour pour passer d’une rive à l’autre du canal à bord de ferries, font aujourd’hui cette traversée en 10 ou 20 minutes grâce à ces tunnels dont la gestion et l’entretien sont assurés par l’Autorité du Canal de Suez. Les tunnels offrent ainsi une solution sûre et fonctionnent 24 heures sur 24.

— D’autres voies maritimes se posent en concurrentes du Canal de Suez. Quel est l’impact de cette concurrence sur l’avenir du canal ?

Il n’y a pas d’alternative au Canal de Suez

— On ne peut pas reprocher à un autre pays d’établir une nouvelle voie maritime ou une route de commerce. Mais, comme je l’ai toujours dit, ces routes alternatives ne peuvent en aucun cas se substituer au Canal de Suez. Nous surveillons constamment ces routes pour savoir comment et dans quelle mesure elles peuvent impacter le Canal de Suez, nous étudions aussi les moyens de récupérer les navires qui ont opté pour l’une ou l’autre de ces routes alternatives.

— Parlons-en avec un peu plus de détails. Quels sont les effets possibles de la Route maritime du Nord sur le Canal de Suez ?

— La Route maritime du Nord n’est opérationnelle que quatre mois par an et son trafic annuel est de l’ordre de 58 navires, alors que 65 navires en moyenne traversent le Canal de Suez quotidiennement. De même, les navires géants transportant plus de 18 000 conteneurs ou des charges supérieures à 240 000 tonnes ne peuvent pas emprunter cette route à la capacité limitée. Il en est de même pour les navires transportant certaines marchandises comme les appareils électroniques et les médicaments et qui, eux, préfèrent des itinéraires rapides et sûrs comme le Canal de Suez. De plus, le coût de la traversée de la Route maritime du Nord est très élevé étant donné que chaque navire doit être précédé d’un brise-glace. C’est une affaire coûteuse et quelque peu risquée.

— Qu’en est-il du Canal de Panama et de la fameuse nouvelle route de la Soie promue par la Chine ?

— En ce qui concerne le Canal de Panama, il fonctionne grâce à un système d’écluses, ce qui entraîne de longs délais pendant le passage. Et de manière générale, le transport des marchandises, en combinant le mode fluvial et ferroviaire, n’affectera pas le Canal de Suez. Nous avons des navires transportant 23 000 conteneurs qui traversent le Canal de Suez. Pouvez-vous imaginer le nombre de trains qu’il faudrait pour les transporter ? Quant à la nouvelle route de la Soie, elle est à la fois un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires, le Canal de Suez fait partie de cet itinéraire. Les navires qui empruntent la nouvelle route de la Soie passeront donc par le Canal de Suez.

— Parlez-nous de la zone économique du Canal de Suez et de son intérêt économique pour l’Egypte ...

— Le point fort de la zone économique du Canal de Suez est son emplacement. L’Est de Port-Saïd est un emplacement idéal du fait qu’il offre une liaison maritime directe vers l’Europe. Des infrastructures logistiques y ont été construites au service de l’industrie et du commerce, et certaines industries pharmaceutiques et automobiles y existent déjà. Cette zone constituera un apport à la prospérité du Canal de Suez étant donné que c’est un lieu de passage obligatoire pour les navires qui traversent le canal.

— Comment avez-vous vu la décision du président Abdel-Fattah Al-Sissi de commencer son mandat avec un projet géant comme le Nouveau Canal de Suez ?

Il n’y a pas d’alternative au Canal de Suez

— Dans un premier temps, nous avons envisagé un emprunt pour financer le projet de creusement du Nouveau Canal. Nous étions très préoccupés par les moyens d’assurer le financement et les années qu’il faudrait pour l’obtenir. Mais le président a insisté sur le fait que le canal appartient aux Egyptiens et que les Egyptiens financeront eux-mêmes le projet. La décision était très audacieuse et témoignait d’un grand sens de responsabilité. Sans surprise, les Egyptiens ont financé le projet à hauteur de 64 milliards de L.E. en seulement 8 jours, alors que nous n’avions besoin que de 20 milliards de L.E. et, par conséquent, certaines de ces sommes ont été consacrées au creusement de nouveaux tunnels sous le canal. La solidarité du peuple avec le président Abdel-Fattah Al-Sissi pendant la période du financement du projet a été une garantie de son succès.

— Quelles sont vos attentes quant au volume du commerce international dans la période à venir ? Y a-t-il des signes de son amélioration après le pic de la crise du coronavirus en 2020 ?

— Il y a eu une reprise du mouvement de la navigation à partir du mois d’avril 2021 par rapport à l’année dernière. Je m’attends à une amélioration du mouvement du commerce mondial dans les années à venir, sur la base des rapports du Fonds monétaire international et des centres de construction navale. Au cours de l’année 2020, nous avons réalisé 5,844 milliards de dollars de revenus, alors que depuis janvier jusqu’à août 2021, les revenus ont atteint 4 milliards de dollars, ce qui signifie que, pour l’année en cours, les revenus dépasseront les 6 milliards de dollars — un record dans l’histoire du Canal de Suez.

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