La Ligue arabe appelle le Conseil de sécurité de l’Onu à prendre les « mesures nécessaires » pour lancer un « processus de négociation actif ».
En marge du sommet extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, tenu le 15 juin au Qatar, une réunion sur le barrage de la Renaissance a eu lieu à la demande du Soudan et de l’Egypte. Les pays membres se sont prononcés à l’unanimité en soutien à Khartoum et au Caire, et pour l’intervention de l’Onu. Le communiqué final de la réunion consacrée à la discussion du « danger de laisser cette région stratégique sous l’influence de l’intransigeance éthiopienne » a appelé le Conseil de sécurité de l’Onu à prendre les « mesures nécessaires » pour lancer un « processus de négociation actif », visant à parvenir à un accord dans un délai précis. « Il existe une position arabe unanime. Des mesures graduelles doivent être prises pour soutenir l’Egypte et le Soudan dans ce dossier. Parmi elles, la saisie rapide du Conseil de sécurité de l’Onu », a expliqué, lors d’un point de presse, le ministre qatari des Affaires étrangères, Mohamed bin Abdel-Rahman Al Thani, ajoutant que « la sécurité de l’approvisionnement en eau de l’Egypte et du Soudan était une partie intégrante de la sécurité nationale arabe ». « Les pays arabes feront pression pour que le Conseil de sécurité tienne une session d’urgence sur ce différend persistant depuis dix ans », a déclaré, pour sa part, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmad Aboul-Gheit. Il a été aussi décidé de charger la Tunisie, membre actuel du Conseil de sécurité, ainsi que le comité formé par la résolution de la session extraordinaire du Conseil de la Ligue arabe, tenue le 23 juin 2020, chargé de suivre l’évolution du dossier et de coordonner avec le Conseil de sécurité d’intensifier sa coordination avec l’Egypte et le Soudan sur les étapes à venir. Ce comité regroupe la Jordanie, l’Arabie saoudite, le Maroc, l’Iraq et le secrétariat général de la Ligue arabe.
Au cours de la réunion, l’Egypte et le Soudan ont présenté un document détaillant leur position commune, alors que la tension monte à l’approche du lancement de la deuxième phase du remplissage du barrage, prévue en juillet. Or, toujours aussi intransigeante, l’Ethiopie a aussitôt fait savoir qu’elle « rejetait intégralement » la position arabe, selon un communiqué du ministère éthiopien des Affaires étrangères. L’Ethiopie insiste donc sur le fait de procéder au second remplissage sans accord avec les deux pays en aval en contravention à la déclaration de principes de 2015 et tous les accords internationaux sur le partage d’eaux du Nil, comme l’a contesté lors de la réunion le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, accusant Addis-Abeba de vouloir imposer une nouvelle réalité, par laquelle les pays en amont contrôlent l’aval. « Ce qui est inadmissible. Le Nil est une propriété commune pour les pays en amont comme pour ceux en aval », a réitéré le chef de la diplomatie égyptienne, endossant l’échec des négociations tripartites parrainées par l’Union Africaine (UA) à l’intransigeance de l’Ethiopie.
Une question de sécurité arabe et africaine
L’Egypte et le Soudan ont récemment envoyé des lettres au Conseil de sécurité expliquant leurs positions et mettant en garde contre les répercussions désastreuses de tout acte unilatéral sur la paix et la stabilité de la Corne de l’Afrique. Le différend porte maintenant sur la rapidité avec laquelle l’Ethiopie devrait remplir et reconstituer le réservoir et sur la quantité d’eau qu’elle libère en aval en cas de sécheresse pluriannuelle. Parlant de « question existentielle », Choukri a souligné que l’Egypte avait présenté ce différend au Conseil ministériel de la Ligue arabe compte tenu de son impact sur la sécurité nationale, arabe et africaine. « Cela ne doit pas être interprété dans le cadre d’une tentative de créer un alignement dirigé contre un Etat africain. Mais il n’est plus acceptable de négocier infiniment sans parvenir à un accord garantissant les droits des trois pays », a clarifié Choukri. Une réponse aux manoeuvres éthiopiennes visant à présenter l’affaire comme une position arabe hostile à un pays africain, souligne Abbas Chéraqi, expert hydrique. « L’Ethiopie veut opposer les pays africains à la Ligue arabe, omettant que l’Egypte et le Soudan sont des pays africains. D’où l’importance des déclarations de Choukri », estime Chéraqi.
Selon le diplomate Mohamad Al-Orabi, le soutien arabe à l’Egypte et au Soudan appuie la crédibilité de leur position. « A cette phase critique, il faut investir ce soutien. Il est temps d’impliquer le Conseil de sécurité, les Etats-Unis et l’Union européenne, malgré le rejet injustifié de l’Ethiopie de recourir à des médiateurs en dehors de l’UA », dit-il. Selon lui, les nouvelles mesures égypto-soudanaises interviennent dans un contexte différent. « Grâce aux efforts diplomatiques qu’a déployés Le Caire, plusieurs Etats sont désormais convaincus que l’Ethiopie est une menace pour le continent africain avec ses positions intransigeantes en ce qui concerne le barrage, mais aussi avec sa politique au Tigré. Des conditions propices pour faire pression sur l’Ethiopie pour qu’elle respecte le droit international », affirme Al-Orabi, même s’il avoue que les procédures de la tenue d’une séance sur le barrage au Conseil de sécurité sont compliquées et que son aboutissement n’est pas garanti. Mais Le Caire ne baisse pas les bras. « Les actions égyptiennes et arabes se poursuivront et nous allons coordonner les prochaines étapes avec les parties concernées », a déclaré l’ambassadeur Magued Abdel-Fattah, délégué permanent de l’Egypte à la Ligue arabe.
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