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Barrage: Les efforts inlassables de l’Egypte

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 15 juin 2021

Après l’échec de la médiation de l’Union africaine dans le dossier du barrage de la Renaissance, l’Egypte se tourne vers l’Onu et la Ligue arabe afin de faire pression sur l’Ethiopie et l’inciter à revenir à la table des négociations.

Barrage

Alors que la médiation de l’Union Africaine (UA) peine à réaliser la moindre avancée dans le dossier du barrage de la Renaissance, l’Egypte multiplie les efforts diplomatiques en direction de l’Onu et de la Ligue arabe. Le ministre de l’Irrigation a déclaré le 11 juin que la voie actuelle des négociations entre Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba parrainées par l’UA ne conduira pas à une percée, appelant à élargir la médiation pour inclure les Etats-Unis, l’UE et l’Onu. L’Ethiopie, toujours intransigeante, insiste à effectuer sans accord le second remplissage.

Cette semaine, l’Egypte a envoyé une lettre au président du Conseil de sécurité de l’Onu, exprimant son objection au plan d’Addis-Abeba d’aller de l’avant unilatéralement avec le deuxième remplissage prévu en juillet prochain sans consensus. Dans ce document, de presque 100 pages, l’Egypte présente à l’Onu un rapport détaillé sur les longues négociations de plus de 10 ans entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie. Elle a joint au dossier les résultats des négociations parrainées par les Etats-Unis entre les trois pays qui se sont tenues avant l’intervention de l’UA en 2020, et qui avaient également stagné en raison de l’absence de l’Ethiopie à la dernière séance consacrée à la signature d’un accord final.

L’Egypte a également souligné dans son rapport l’impasse à laquelle sont parvenues les négociations sous l’égide de l’UA, toujours en raison de l’intransigeance d’Addis-Abeba. Le Caire appelle la communauté internationale à intervenir pour aider à trouver un règlement pacifique. « L’Egypte a choisi, une fois de plus, de porter la question à l’attention du Conseil de sécurité de l’Onu étant donné sa responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. L’absence de progrès dans les négociations est due à l’intransigeance continue de l’Ethiopie et à sa politique unilatérale. Une politique qui peut menacer la paix et la sécurité dans la région. Pouréviter ce scénario, il faut un engagement actif de la part de la communauté internationale pour parvenir à un règlement pacifique de cette question », a conclu l’Egypte dans sa lettre.

Le nécessaire soutien arabe

Parallèlement, la Ligue arabe a annoncé la tenue d’une réunion extraordinaire au niveau des ministres des Affaires étrangères à Doha le 15 juin, afin d’examiner les développements de la question du barrage de la Renaissance. C’est ce qu’a affirmé le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Hossam Zaki, qui a déclaré que la réunion se tiendra à la demande de l’Egypte et du Soudan, et ce, en marge de la réunion consultative des ministres arabes des Affaires étrangères.

L’ambassadeur Mohamad Hégazi, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères, a expliqué que cette réunion des chefs de la diplomatie fait suite à la décision de la Ligue arabe de soutenir les positions des deux pays en aval sur la question du barrage. « L’Egypte et le Soudan informeront les ministres arabes des derniers développements concernant le différend et les efforts égypto-soudanais après l’échec des négociations sur le barrage », a ajouté Hégazi.

Dans un communiqué conjoint publié par l’Egypte et le Soudan, les deux pays soulignent « les risques sérieux » et « les répercussions graves » du remplissage unilatéral du barrage. Ils ont également affirmé l’importance de conjuguer leurs efforts sur les échelles régionale, continentale et internationale afin d’inciter l’Ethiopie à négocier sérieusement et avec une véritable volonté politique.

Un dynamisme important

L’ancien ministre de l’Irrigation Mohamad Nasr Allam salue les efforts de l’Egypte qui, selon lui, sont devenus une nécessité vu le temps qui presse et l’impasse de l’actuelle médiation de l’UA. Pour lui, la lettre envoyée à l’Onu peut avoir un effet positif sur la poursuite des négociations. « L’Egypte et le Soudan avaient déjà appelé à l’intervention de l’Onu, qui avait alors préféré laisser l’affaire à l’UA. Mais vu l’échec de l’UA, l’Egypte met le Conseil de sécurité devant ses responsabilités ». A rappeler que cette lettre est la troisième envoyée à l’Onu pour résoudre le différend sur le Barrage. Les deux autres avaient été envoyées en juin 2020 par l’Egypte et le Soudan. Allam ajoute : « L’Onu, à la différence de l’UA, possède des outils de pression sur l’Ethiopie, qui peuvent en cas d’application de l’article 7 de la charte de Nations-Unis, imposer des sanctions financières sur Addis-Abeba ou même une intervention directe pour préserver la sécurité de la région ».

Un avis partagé par Ayman Abdel-Wahab, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, qui souligne l’importance de l’intervention de la Ligue arabe. « Une décision commune des pays arabes peut avoir une influence positive, surtout que l’Egypte et le Soudan adoptent cette fois-ci le même point de vue, à la différence des fois précédentes. Les pays du Golfe possèdent d’énormes investissements en Ethiopie, ils peuvent faire pression sur ce pays en gelant partiellement ces investissements afin de le pousser à revenir à la table des négociations », conclut-il.

Le Nil pour la paix prône une solution au problème du barrage

L’association Maat pour la paix et les droits de l’homme, membre de l’ini­tiative africaine Le Nil pour la paix, a organisé, le 13 juin, une conférence de presse appelant à la nécessité de parvenir à un accord juridiquement contraignant entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan.

Le Nil pour la paix est une initiative qui a vu le jour à Kampala en avril 2021 et comprend des organisations de la société civile africaine ainsi que des experts et des aca­démiciens dans le domaine de l’eau en Afrique. Kofi Kankam, représentant du Groupe d’ONG majeurs pour l’Afrique et membre de l’initiative, a déclaré que Le Nil pour la paix, qui a organisé des rencontres en Egypte avec notamment le ministre de l’Irrigation et plusieurs ambassadeurs dont celui de l’Ethiopie, continuera à organiser des entretiens avec des décideurs de l’Union africaine, l’Union européenne, les Etats-Unis et de certains organes des Nations-Unies pour échanger les points de vue et souligner la nécessité de mettre en place un cadre juridiquement contraignant qui préserve les droits de tous les pays.

Ayman Oqeil, président de Maat pour la paix, le développement et les droits de l’homme, assure que l’initiative ne vise pas à entraver le processus de développement en Ethiopie, tant que ce dévelop­pement ne porte pas atteinte aux droits des peuples égyptien et soudanais. Il a notamment proposé comme solution l’arrêt du deuxième remplissage comme preuve de bonne volonté; et en échange, l’Egypte, le Soudan et la communauté internationale doivent soutenir le processus de développe­ment en Ethiopie

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