Ne pouvant pas achever la construction, L’Ethiopie se contentera d’élever la partie centrale
du barrage de 8 m contre les 30 m initialement
prévus.
A quelques semaines de la date prévue pour le second remplissage du Barrage de la Renaissance, le ministre éthiopien de l’Eau, Seleshi Bekele, a déclaré, le 3 juin, que la construction du corps du Barrage n’avait pas atteint la hauteur prévue pour un deuxième remplissage complet. « La hauteur actuelle du Barrage est de 565 m et les travaux de construction sont en cours pour atteindre 573m dans les 20 prochains jours », a-t-il dit, ajoutant que son pays était dans une course contre la montre pour tenter de terminer des travaux d’ingénierie dans les 13 vannes du barrage avant le deuxième remplissage prévu le 22 juillet. Techniquement parlant, ces chiffres sont loin de pouvoir réaliser l’objectif éthiopien. Pourtant, les responsables d’Addis-Abeba ne cessent leurs provocations pour les pays en aval, annonçant à plusieurs reprises qu’ils accompliraient unilatéralement le second remplissage avec 13,5 milliards de m3 en juillet et août, contre 4,9 milliards de m3 remplis en 2020, pour porter la quantité d’eau accumulée à 18,4 milliards de m3.
Un certain nombre d’experts ont confirmé, chiffres et statistiques à l’appui, que l’Ethiopie a échoué dans le processus du deuxième remplissage. Abbass Chéraqi, professeur de géologie et de ressources en eau à l’Université du Caire, souligne que selon les images satellites capturées cette semaine, il serait impossible à l’Ethiopie d’accomplir l’objectif visé pour ce deuxième remplissage puisque uniquement 4 m ont été jusque-là élevés dans la partie centrale du barrage. Il enrichit: « Chaque mètre d’élévation équivaut en moyenne à 1 milliard de m3 d’eau de remplissage. Par conséquent, en atteignant les 573m, au lieu des 595m prévus à l’origine, il est prévu que le stockage maximal d’eau à cette saison atteigne au plus 4 milliards de m3 d’eau. Cette quantité peut même baisser à 2 milliards de m3 d’eau, selon les quantités d’eau qui proviennent et le taux d’évaporation », estime le géologue.
Même si les preuves techniques assurent qu’il serait difficile d’accomplir totalement ce deuxième remplissage, l’ancien ministre de l’Irrigation Mohamad Nasr Allam voit l’affaire d’un oeil différent. Pour lui, l’aspect politique s’impose aussi dans cette situation. « A mon avis, limiter l’élévation à 565m qui assurent tout juste le fonctionnement des turbines inférieures et le fait de reporter le remplissage total des 13,5 milliards de m3 d’eau à l’année prochaine est le seul moyen d’éviter la confrontation avec l’Egypte et le Soudan, qui ont tous les deux activé à fond leurs dynamisme sur les plans régional, africain et international », explique Allam, qui insiste qu’il est devenu nécessaire de profiter de cette interaction internationale pour lancer un cycle de négociations décisif afin de freiner la manipulation éthiopienne.
D’ailleurs, le ministre de l’Irrigation et des Ressources en eau, Mohamad Abdel-Ati, a renouvelé, le 6 juin, les désirs de l’Egypte à la reprise des négociations avec le Soudan et l’Ethiopie, tout en soulignant le rejet de l’Egypte à toute action unilatérale concernant le barrage. Le ministre de l’Irrigation a également affirmé la position inébranlable de l’Egypte pour préserver ses droits sur l’eau et parvenir à un accord juridiquement contraignant et équitable qui réponde aux aspirations de développement de tous les pays concernés, notant que les actions unilatérales adoptées avant la conclusion de l’accord seront toujours rejetées.
Manoeuvres politiques
Les observateurs estiment que l’Ethiopie était consciente qu’elle ne pourrait pas atteindre son objectif en termes de remplissage, raison pour laquelle elle a commencé depuis la semaine dernière à créer une nouvelle propagande autour de ses intentions de construire 100 petits et moyens barrages dans divers états du pays, lors de la prochaine année fiscale. Des déclarations catégoriquement critiquées par l’Egypte. « Cette déclaration révèle, encore une fois, la mauvaise foi de l’Ethiopie et sa relation avec le Nil et les autres fleuves internationaux, qu’elle partage avec les pays voisins, comme s’il s’agissait de fleuves intérieurs soumis à sa souveraineté et exploités pour servir ses intérêts », a affirmé dans un communiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Hafez.
Pour Chéraqi, cette annonce n’est qu’une propagande politique, une manipulation de la part d’Abiy Ahmed, à l’approche des élections nationales prévues le 21 juin, surtout que son grand projet électoral, à savoir le barrage de la Renaissance, n’a pas atteint son objectif déclaré. D’ailleurs, dans une récente fuite audio d’Abiy Ahmed, il a affirmé « qu’il est le seul qui dirigera le gouvernement éthiopien pour les dix prochaines années, et qu’il était prêt à mourir plutôt qu’à laisser pacifiquement le pouvoir ».
Sur la même voie, Hani Raslan, conseiller du Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, a déclaré que l’Ethiopie a échoué de 70% dans la réalisation du barrage de la Renaissance. Il explique que l’Ethiopie est sur le point de se désintégrer en raison des divisions ethniques dans le pays. Les responsables éthiopiens font des déclarations positives en raison de leur incapacité à réaliser leurs promesses. Ils détournent le peuple des problèmes internes qui frappent le pays. L’Ethiopie souffre de guerre civile et de l’influence croissante des groupes séparatistes, d’une économie instable et de situations humanitaires critiques. « Ils parlent au peuple éthiopien, depuis des années, de réalisations dans le domaine de l’électricité produite par le barrage et des turbines, et de développement, mais n’ont avancé d’un pas ». « Cette défaillance technique ne se produit pas pour la première fois. Même au premier remplissage, les quantités d’eau stockée ont été inférieures aux objectifs annoncés. Bref, son efficacité et sa capacité de mise en oeuvre ne sont pas à la hauteur des déclarations émises », affirme Raslan
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