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Visite présidentielle à Djibouti : Le barrage et la coopération économique

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 01 juin 2021

En visite à Djibouti, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a évoqué avec son homologue djiboutien les relations bilatérales et le barrage de la Renaissance.

Visite présidentielle à Djibouti : Le barrage et la coopération économique
Le président Ismaïl Omar Guelleh recevant le président Abdel-Fattah Al-Sissi le 27 mai à Djibouti.

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi s’est rendu, le 27 mai, à Djibouti où il s’est entretenu avec son homologue, Ismaïl Omar Guelleh, des questions régionales et des relations bilatérales. C’est la première visite d’un président égyptien dans ce pays de la Corne de l’Afrique. Les deux dirigeants ont évoqué les moyens de renforcer les relations bilatérales dans les domaines sécuritaire, militaire et économique, ainsi que les questions régionales, à l’exemple du barrage éthiopien de la Renaissance et les défis communs dans la Corne de l’Afrique. Le porte-parole de la présidence, Bassam Rady, a affirmé qu’au cours du sommet égypto-djiboutien, le président Sissi a souligné « la volonté de l’Egypte de renforcer les efforts de développement à Djibouti, de booster les échanges commerciaux et de maximiser la coopération dans le domaine de la lutte contre l’extrémisme ». Pour sa part, le président Guelleh a loué les efforts de l’Egypte visant à soutenir la réforme économique et le développement à Djibouti et son rôle axial pour soutenir la stabilité dans le continent africain. Il a exprimé l’aspiration de son pays à accroître le rôle du secteur privé égyptien à Djibouti. Le président djiboutien a salué le rôle de l’Egypte dans la conclusion de la récente trêve entre le mouvement Hamas et Israël après 11 jours d’affrontements.

Soulignant l’importance de cette visite, l’ambassadeur Mohamad Hégazi explique qu’elle vient combler un vieux déséquilibre dans les relations avec l’un des pays les plus importants de la Corne de l’Afrique qui contrôle la voie de navigation internationale au détroit de Bab Al-Mandab. « La visite du président Sissi, la première d’un président égyptien, est un indice important pour les relations avec ce pays stratégique de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge ». Ce n’est pourtant pas la première rencontre entre les deux présidents. « Djibouti est l’un des pays les plus importants pour la sécurité de la Corne de l’Afrique et de la mer Rouge. D’où l’importance de la coopération égypto-djiboutienne sécuritaire et militaire dans cette région proche des voies de navigation et du commerce international, de l’approvisionnement en pétrole et en énergie. Les superpuissances comme les Etats-Unis, la Chine, la France et la Russie ont pris Djibouti comme base logistique pour faciliter le passage de leurs flottes dans la région ».

Sur un autre volet, Mona Salmane, experte des relations internationales à l’Université du Caire, explique que le timing de cette visite est aussi très important, car elle fait suite au sommet de Paris sur le développement de l’Afrique qui a préconisé un soutien financier à l’Afrique en raison du Covid-19, « ce qui verse dans l’intérêt des deux pays et accentue le rôle égyptien en Afrique ». L’Egypte a envoyé à Djibouti à deux reprises des avions militaires transportant de grandes quantités de fournitures médicales et de denrées alimentaires.

Agenda surchargé

Etant donné l’emplacement important de Djibouti en tant que voisine frontalière de l’Ethiopie, la question du barrage de la Renaissance s’est imposée lors des pourparlers entre les deux présidents. L’Egypte et Djibouti ont réitéré l’importance de parvenir à un accord juridique et équilibré entre Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba sur le remplissage et l’exploitation du barrage de la Renaissance d’une manière qui protège les intérêts des parties impliquées et préserve la stabilité régionale. Les présidents Sissi et Guelleh ont également souligné la nécessité que les parties engagées dans les négociations fassent preuve de bonne volonté pour parvenir à un accord juridiquement contraignant. Le président Sissi a déclaré que l’Egypte « refuse toute tentative d’imposer la politique du fait accompli par des mesures unilatérales qui ne prennent pas en compte les intérêts des pays en aval ».

Pour Salmane, même si les chances de parvenir à un accord entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie sont restreintes, Djibouti peut jouer un rôle important pour rapprocher les points de vue entre les différentes parties. « Djibouti est considérée comme étant la fenêtre de l’Ethiopie sur la mer Rouge. De même, elle représente une base logistique pour l’Ethiopie, car les deux pays sont liés par une ligne ferroviaire et des liaisons routières. Dans ce contexte, Djibouti peut inciter l’Ethiopie à revenir à la table des négociations afin d’éviter toute agitation régionale », explique Salmane, qui ajoute que Djibouti peut aussi soutenir la cause égyptienne et soudanaise devant l’Union africaine ou même devant le Conseil de sécurité.

Un avis partagé par l’ambassadeur Hégazi. Il explique qu’en raison de l’impasse dans le dossier du Barrage, il était nécessaire que l’Egypte informe ses voisins africains des dimensions de la situation et de ses dangereuses répercussions sur la région.

Outre le barrage de la Renaissance, Al-Sissi et Guelleh ont réaffirmé l’importance du partenariat stratégique entre l’Egypte et Djibouti pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé dans la Corne de l’Afrique, et renforcer la sécurité de la mer Rouge et du détroit de Bab Al-Mandab.

Une coopération prometteuse

Les deux pays se sont accordés à créer une zone logistique pour restaurer l’influence de l’Egypte en Afrique. La zone comprend une aire de repos pour les navires affiliés à l’Autorité du Canal de Suez, ce qui signifie que tout navire transitant en direction du Canal de Suez pourra s’arrêter dans cette zone logistique égyptienne à Djibouti pour effectuer des travaux d’entretien ou décharger sa cargaison.

Sur le plan économique, les deux parties se sont accordées sur la nécessité de travailler conjointement afin d’augmenter les investissements égyptiens à Djibouti et permettre aux entreprises égyptiennes de participer à des projets d’infrastructure. Il s’agit d’accroître les exportations égyptiennes sur le marché djiboutien. A souligner que le volume des échanges commerciaux a augmenté entre les deux pays, atteignant 48,1 millions de dollars en 2018 contre 37,99 millions de dollars en 2017. Quant aux exportations égyptiennes, elles ont atteint un record de 40,88 millions de dollars en 2018, et les importations égyptiennes en provenance de Djibouti ont augmenté à 7,13 millions de dollars en 2018, contre 3,99 millions de dollars en 2017.

Les deux pays ont convenu aussi de renforcer leur collaboration dans les secteurs des transports, la pisciculture et la santé. Dans ce cadre, il a été décidé de construire un hôpital égyptien à Djibouti. « Tous ces accords ne sont qu’un premier pas sur la voie de la coopération égypto-djiboutienne. Ce rapprochement promet davantage de coopération et un développement mutuel dans cette région logistique de la corne de l’Afrique », conclut Salmane.

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