La dernière rencontre à Kinshasa s’est achevée sur un échec en raison de l’intransigeance éthiopienne.
Alors que les tensions sont à leur comble suite à l’échec des négociations tripartites sur le barrage éthiopien, tenues la semaine dernière à Kinshasa, le ministre éthiopien de l’Eau et de l’Irrigation, Seleshi Bekele, a invité cette semaine l’Egypte et le Soudan à désigner des opérateurs pour partager les données sur le barrage de la Renaissance avant le second remplissage, lors des prochaines saisons des pluies. Une proposition rejetée par l’Egypte et le Soudan, la qualifiant d’une nouvelle manoeuvre éthiopienne. Le porte-parole du ministère de l’Irrigation et des Ressources hydriques, Mohamad Ghanem, a déclaré que « la position de l’Egypte consiste à parvenir à un accord juridique global et contraignant avant le remplissage. La proposition éthiopienne est donc une tentative de leurrer la communauté internationale d’un côté et d’obtenir implicitement l’approbation égyptienne sur le deuxième remplissage du barrage d’un autre côté. Ce que n’admettra pas l’Egypte », a expliqué Ghanem, réitérant le rejet de l’Egypte de toute mesure unilatérale. De son côté, le ministère soudanais de l’Irrigation a indiqué que « l’échange d’informations est une procédure nécessaire, mais la façon d’opérer, comme l’indique l’Ethiopie dans sa lettre, implique un caractère sélectif suspect dans le traitement de ce qui a été convenu ».
« Face à l’intransigeance éthiopienne qui a fait échoué les dernières négociations, l’Egypte suivra tous les canaux légitimes à la recherche d’une solution équitable évitant à l’Egypte et au Soudan de subir les dégâts prévus du second remplissage. Entre autres, la poursuite des négociations sérieuses et l’implication de la communauté internationale qui devrait assumer son rôle à ce conflit menaçant la sécurité régionale », a déclaré Sameh Choukri, ministre des Affaires étrangères, le 15 avril, lors de la réunion de la comission des affaires africaines du parlement, tenue pour discuter des dégâts prévus sur l’Egypte du second remplissage du barrage éthiopien. Choukri a souligné que « les prochaines étapes de l’Egypte dépendront de l’ampleur des dégâts que subira l’Egypte et qui seront déterminés en fonction de l’intensité de la crue et de la capacité de remplir le réservoir du barrage d’Assouan ».
Lettres à l’Onu
Par ailleurs, dans le cadre du dynamisme égyptien destiné à promouvoir une issue à cette crise, Choukri a adressé des lettres au secrétaire général de l’Onu ainsi qu’au président du Conseil de sécurité et au président de l’Assemblée générale, sur les derniers développements du dossier du barrage et a réclamé qu’elles soient considérées comme des documents officiels soutenant la position de l’Egypte en cas du recours au Conseil de sécurité de l’Onu. Et ceci alors que le président Abdel-Fattah Al-Sissi poursuit les contacts avec les chefs d’Etat pour étayer la position de l’Egypte sur ce dossier dont le dernier a été le 15 avril avec le président de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh, lors duquel le président Sissi a souligné la position ferme de l’Egypte sur la nécessité de parvenir à un accord juridique contraignant et global sur le remplissage et l’exploitation du barrage. Il était convenu de l’importance de résoudre cette question vitale afin d’éviter son impact négatif sur la sécurité et la stabilité de toute la région.
« L’Ethiopie essaye de contrer les démarches égypto-soudanaises de déférer le dossier à l’Onu. En apparence, la proposition éthiopienne semble être une sorte de coopération, mais la réalité, c’est que l'Ethiopie essaye de gagner du temps en invitant des opérateurs de chaque pays pour transmettre seule les informations qu’elle décide de partager et quand seulement elle le voudra. Surtout que jusqu’à aujourd’hui l’Ethiopie refuse de fournir à l’Egypte et au Soudan des études liées à la construction du barrage », estime Ayman Abdel-Wahab, spécialiste des affaires du barrage au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Sur un autre volet, l’expert hydrique Abbas Chéraqi affirme que cette proposition représente une violation de l’article 5 de la déclaration de principes signée en 2015 entre les trois pays. « L’Ethiopie a négligé les deux premières clauses du 5e article qui exige avant la formation d’un comité tripartite d’opérateurs, la formation d’un comité d’experts internationaux et la rédaction d’un rapport final, selon lequel les principes de remplissage et de fonctionnement annuels du barrage que l’Ethiopie peut modifier de temps à autre seront déterminés », explique-t-il. Et d’ajouter : « De même, l’Ethiopie essaye de restreindre le rôle des opérateurs à un simple messager qui transmet les informations à son pays. Le rôle des opérateurs exigé est de grande importance, car ce comité tripartite devra étudier les répercussions sur les pays voisins, à chaque changement en termes de fonctionnement futur dans le barrage, les approuver s’ils ne sont pas nuisibles et les modifier en cas contraire. Une mission que l’Ethiopie ne leur permettra pas d’accomplir », explique-t-il.
A la recherche d’une issue, le premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a invité ses homologues, Moustapha Madbouli et Abiy Ahmed, à un sommet dans les 10 jours à venir pour relancer les négociations. Une invitation saluée par l’Egypte, mais à laquelle l’Ethiopie n’a pas encore réagi. Affaire à suivre.
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