Le choc est immense et les réactions virulentes. La collision, vendredi 25 mars à mi-journée, de deux trains à Tahta, dans le gouvernorat de Sohag, à environ 460 km au sud du Caire, a fait 19 morts et 185 blessés, selon la ministre de la Santé, Hala Zayed. La collision a entraîné le renversement de deux wagons de voyageurs et d’une locomotive qui ont été totalement dégagés, samedi 26 mars, des voies et le trafic ferroviaire a repris. Selon un premier communiqué de l’Autorité des chemins de fer, le train Louqsor-Alexandrie et le train Assouan-Le Caire sont entrés en collision après que des individus non identifiés « avaient actionné dans plusieurs wagons le frein de secours » dans l’un des deux trains. Or, le procureur général, le conseiller Hamada Al-Sawy, a appelé les médias et les instances concernées à ne pas « anticiper les résultats des enquêtes en cours ». Une enquête a été ouverte pour élucider les circonstances de l’accident et une commission d’enquête a été ouverte. Les assistants des conducteurs, l’employé de la tour de contrôle et l’opérateur du passage à niveau doivent être interrogés et subir un test de dépistage de drogues, et leurs téléphones portables ont été saisis afin d’examiner le relevé de leurs derniers appels, a indiqué le procureur général. De même, les unités de contrôle des deux trains, la tour de contrôle, ainsi que les unités de stockage de données des caméras installées sur les passages à niveau de chemin de fer, les maisons et les installations donnant sur la scène ont été saisies.
Aussitôt après l’accident, le président Sissi a promis sur Twitter une « sanction dissuasive » à toute personne qui serait jugée responsable de la collision. « Quiconque a causé ce douloureux accident par négligence ou corruption ou toute autre raison, subira une sanction dissuasive, sans exception ni délai », a écrit le président Sissi sur son compte Twitter. Le lendemain, il s’est réuni avec le premier ministre, le ministre du Transport et les autres ministres concernés pour suivre les développements de l’accident. Le président Sissi a surtout souligné « l’impératif de poursuivre le plan de réforme intégral des chemins en fer en parallèle avec le fonctionnement des trains conformément aux normes de sécurité requises », a rapporté le porte-parole de la présidence, Bassam Rady. Par ailleurs, une pension sera allouée aux victimes ayant subi un handicap, outre que les indemnisations : 100 000 L.E. aux familles des morts et entre 20 000 et 40 000 L.E. aux blessés. De son côté, le premier ministre, Moustapha Madbouli, qui s’est rendu, vendredi, sur les lieux de l’accident, accompagné d’un nombre des ministres, a expliqué lors d’une conférence de presse à Sohag que le gouvernement avait commencé à développer les chemins de fer depuis quatre ans. « Or, réformer ce secteur négligé pendant des décennies va prendre du temps », a-t-il dit, appelant les Egyptiens à patienter et promettant de prendre les mesures nécessaires pour éviter de tels accidents.
225 milliards de L.E. pour
la réforme
En effet, ce nouvel accident soulève des interrogations alors qu’il intervient à un moment où le gouvernement exécute un plan de réforme intégrale des chemins de fer, destiné notamment à éviter de tels accidents. Le ministre du Transport, Kamel Al-Wazir, chargé de ce lourd portefeuille suite à un accident survenu en février 2019 faisant une vingtaine de morts, a présenté ses excuses et s’est engagé à « poursuivre le plan de réforme des chemins de fer avec un système automatique de haute technologie destiné à limiter l’intervention humaine et assurer les normes de sécurité ». Il a annoncé que le gouvernement avait décidé de maintenir le trafic ferroviaire sur toutes les voies, tout en activant le Système de sécurisation automatisé (ATC) dans chaque train, qui contrôle la vitesse du train et l’empêche de se déplacer en cas de fermeture ou d’ouverture imprévue du canton ou lors des pannes aux systèmes de signalisation. « Cela réduira la vitesse au cas d’urgence, ce qui pourrait entraîner le retard des trains. Or, actuellement c’est la seule option apte à assurer la sécurité des passagers et éviter des accidents similaires jusqu’à l’achèvement de l’ensemble du plan de réforme », a expliqué Al-Wazir. En revanche, le ministre a exclu les propositions faites par certains députés et experts, d’arrêter les chemins de fer jusqu’à l’achèvement de la rénovation de l’ensemble des chemins de fer, assurant que lorsque le train électrique en cours d’exécution entrera prochainement en service, il allégera la pression sur les chemins de fer actuels, en particulier la ligne de la Haute-Egypte.
Sur le plan de réforme en cours, il a détaillé que 225 milliards de L.E. ont été alloués pour la réforme de 10 000 km des chemins de fer, et 1,5 trillion de L.E. pour améliorer l’ensemble du secteur des transports. Selon Al-Wazir, la première phase de ce plan de réforme, qui devrait être achevée en juin 2022, concerne la rénovation des matériels roulants et l’automatisation de trois principales voies (Le Caire-Alexandrie, Benha-Port-Saïd et Le Caire-Assouan), de façon à devenir complètement sécurisées et à fonctionner sans opérateur humain. « Avec la fin de cette phase, aucun vieux wagon ne sera plus sur les rails, alors que la deuxième phase sera terminée mi-2024. Une réforme qui porte sur l’établissement de nouvelles lignes et le doublement des lignes existantes, l’importation et la modernisation du matériel roulant (wagons et tracteurs), la rénovation des gares, l’automatisation des systèmes de signalisation, de communication et d’orientation des trains, ainsi que la formation des cheminots », a précisé Al-Wazir.
Des déclarations rassurantes qui n’ont pas empêché des députés de présenter des interrogations au parlement réclamant la formation d’un comité parlementaire d’enquête et une interpellation des responsables du secteur ferroviaire. Entre autres, le député Fathi Qandil, de la province de Qéna, qui estime que le véritable problème ne réside pas seulement dans la rénovation des infrastructures ferroviaires, « mais aussi dans la performance, l’aptitude et la gestion du personnel. Le facteur humain reste le plus déterminant du sort du secteur ferroviaire », insiste Qandil, rappelant que 11 ministres du Transport ont été déjà limogés, « ce qui n’a pas empêché que de nouveaux accidents aient lieu ». De son côté, le président du Conseil des députés, Hanafi Al-Guébali, a décidé, dimanche, lors d’une séance générale au parlement, de remettre toutes discussions sur cet accident jusqu’à l’apparition des résultats de l’enquête. « Dès qu’ils seront annoncés, le parlement assumera son rôle de contrôle utilisant tous les outils parlementaires de surveillance », a déclaré Al-Guébali, saluant les mesures d’urgence prises par le président Sissi et le gouvernement. Affaire à suivre.
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