Réunis par vidéoconférence le 10 janvier, l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie, représentés par leurs ministres des Affaires étrangères et ceux de l’Irrigation, ont annoncé l’échec du nouveau cycle des négociations sur le barrage de la Renaissance, parrainées par l’Union Africaine (UA). Selon le communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères, « les désaccords persistent sur les aspects procéduraux liés au processus de négociation ». Alors que le Soudan insiste à fournir aux experts de l’UA un rôle plus élargi leur permettant de proposer des solutions contraignantes aux questions litigieuses, l’Egypte et l’Ethiopie rejettent catégoriquement cette proposition. Pour l’Egypte, « il relève du droit des trois pays de décider des textes de l’accord sur le remplissage et l’exploitation du barrage, surtout que les experts de l’UA ne sont pas spécialisés dans les questions techniques », dit le communiqué. L’Egypte s’est dite cependant prête « à s’engager dans des négociations sérieuses pour parvenir à un accord juridique contraignant sur les règles de remplissage et d’exploitation du barrage ».
Une nouvelle impasse regrettée par la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, qui a déclaré qu’elle soumettra un rapport au président sud-africain, Cyrill Ramaphosa, afin d’examiner les mesures qui pourraient être prises pour traiter cette question au cours de la période à venir. Le ministre soudanais de l’Irrigation, Yasser Abbas, a affirmé, à la suite de cette rencontre, que son pays ne « peut pas continuer dans ce cercle vicieux de négociations et que le barrage pose une menace directe au barrage soudanais de Roseires ». C’est pourquoi Khartoum a déposé cette semaine une plainte auprès de l’Ethiopie et de l’UA contestant l’intention d’Addis-Abeba de poursuivre le remplissage du barrage.
Que veut le Soudan ?
Pour la cheffe du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Amany El-Taweel, il était difficile de voir des résultats positifs suite à cette rencontre, les parties s’étant réunies sur fond de nouveaux différends, surtout que le Soudan avait boycotté la réunion du 4 janvier, pour ne pas avoir reçu une réponse à sa demande concernant la convocation d’une réunion bilatérale avec des experts de l’UA et les trois pays chacun à part, et avait même menacé de ne pas poursuivre les négociations si sa demande n’était prise en considération. Selon El-Taweel, il peut y avoir deux lectures à la position soudanaise. « Il n’est pas exclu que Khartoum veuille inclure un nouveau médiateur aux négociations dans l’espoir qu’il puisse faire bouger l’eau stagnante. L’autre explication, et c’est la plus plausible, c’est que Khartoum prémédite de retarder un accord sur le dossier du barrage à un moment où le torchon brûle entre le Soudan et l’Ethiopie pour éviter la colère de la rue soudanaise », estime l’experte, ajoutant que « l’Egypte et l’Ethiopie ont raison de refuser cette proposition, car tous les points de différends ont besoin de décisions souveraines des pays concernés ».
Quant à l’Egypte, son pari est de parvenir à un accord avant le mois d’août prochain, date annoncée par l’Ethiopie pour le deuxième remplissage qui devra emmagasiner 13,5 milliards de m3 d’eau, en plus des 5 milliards de m3 d’eau déjà stockés lors du premier remplissage, comme l’explique Mohamad Nasr Allam, ancien ministre de l’Irrigation. Il trouve évident, pour faire face à cette impasse, d’oeuvrer à trouver un consensus entre l’Egypte et le Soudan de façon qu’ils représentent un front de pression influente sur l’Ethiopie. « L’Egypte et le Soudan doivent avoir un calendrier pour les négociations et doivent surtout formuler une vision commune sur les points de désaccord persistants avant la reprise des négociations. Si ce calendrier n’est pas respecté ou que les parties ne parviennent pas à un accord, il sera inéluctable de recourir au Conseil de sécurité pour sauver la situation avant que l’Ethiopie ne procède au second remplissage. Affaire qui compliquera la situation », prévient Allam.
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