Faute d’entente, les négociations ont été écourtées à trois jours au lieu d’une semaine.
A peine reprises, les négociations interministérielles entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan sur le barrage de la Renaissance ont débouché sur un nouveau blocage. Entamées le 1er novembre, elles devaient durer une semaine. Il n’en fut rien. « Les ministres de l’Irrigation du Soudan, de l’Egypte et de l’Ethiopie ont convenu de mettre fin à ce round de négociations », a déclaré, mercredi 4 novembre, soit à peine trois jours après leur lancement, le ministère soudanais de l’Irrigation dans un communiqué, précisant qu’ils n’étaient « pas parvenus ni à faire des progrès tangibles, ni à établir un accord sur la méthodologie à employer pour la prochaine étape des négociations ». Ainsi, face à un nouvel échec, les trois pays ont convenu de soumettre chacun un rapport à l’Afrique du Sud, en sa qualité de président actuel de l’Union Africaine (UA). Ces rapports détailleront le déroulement et les conclusions des dernières réunions, ainsi que leur vision sur les moyens de mettre en oeuvre les résultats des deux réunions du Bureau de l’UA tenues les 26 juin et le 21 juillet derniers, lesquelles stipulaient que les trois pays devaient conclure un accord juridique contraignant sur les règles de remplissage et d’exploitation du barrage. Il a également été convenu de renvoyer le dossier à l’UA.
Ce cycle de pourparlers, qui marquait la reprise des négociations après trois mois d’interruption, devait se concentrer sur les moyens de faire avancer les négociations, établir un plan de travail, la définition d’un calendrier précis pour l’avenir des pourparlers, l’accord sur les modalités de remplissage du réservoir du barrage, d’étendre le rôle de tous les observateurs internationaux aux experts techniques. Des objectifs qui paraissent modestes mais sur lesquels les trois pays peinent à s’entendre.
Points de discorde
Alaa Al-Zawahiri, membre du comité technique des négociations, révèle que le principal point de désaccord concerne le rôle procuré aux observateurs. Le Soudan et l’Ethiopie veulent donner un rôle plus important aux experts de l’UA au détriment de ceux des Etats-Unis et de l’Union Européenne (UE). Ce rôle concerne la gestion de certaines sessions, la proposition des solutions ainsi que la formulation d’un accord. Une proposition catégoriquement rejetée par l’Egypte, qui a refusé cette distinction entre les observateurs et voit que les trois pays devraient être impliqués dans la rédaction de l’accord final.
L’Egypte estime que les avis des experts doivent être pris en considération au cours des réunions réunissant les observateurs des trois pays ainsi que les observateurs de l’UA, de l’UE et des Etats-Unis. Ces derniers peuvent être consultés en termes de rédaction suite à l’entente des trois pays sur un accord consensuel. Ainsi, les négociateurs égyptiens et éthiopiens ont proposé de poursuivre pendant deux semaines supplémentaires les pourparlers sans aucun changement en termes de méthodologie. Le Soudan, quant à lui, a conditionné la poursuite des discussions à l’application de sa demande de donner un grand rôle aux observateurs de l’UA.
Ayman Abdel-Wahab, vice-président du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, explique qu’il n’était pas question pour l’Egypte d’accepter la méthodologie proposée, écartant ou minimisant le rôle des observateurs de l’UE et des Etats-Unis. « Restreindre le rôle des observateurs à ceux de l’UA révèle de mauvaises intentions. Il semble que l’Ethiopie s’attend à ce que l’UA s’aligne sur son côté au détriment de l’Egypte. Pour garantir la neutralité envisagée, il est évident que les observateurs de toutes les parties doivent disposer des mêmes pouvoirs et prérogatives. D’autant plus que les Etats-Unis, la Banque Mondiale (BM) et l’UE ont une grande expérience et l’Egypte tient à ce qu’ils aient un rôle », insiste Abdel-Wahab. Selon lui, l’accord final devra être principalement rédigé par les trois pays.
« Accepter la rédaction de cet accord par les experts signifie revenir à la case départ, comme c’était le cas en 2011. Ces anciens rapports techniques avaient été rejetés par l’Ethiopie. Recourir au même dispositif serait donc une perte de temps », prévient Abdel-Wahab. Sur un autre volet, Amani El-Taweel, cheffe du département des études africaines au CEPS, souligne que le retour de l’Ethiopie à la table des négociations n’a pas été motivé par une volonté sincère de régler ce dossier. « Il était plutôt dû aux pressions américaine et européenne. Or, Addis-Abeba tergiversait en attendant les résultats de la présidentielle américaine. Elle estime que la victoire des démocrates pourrait être en sa faveur, ce qui est prématuré », trouve El-Taweel.
L’UA face à ses responsabilités
Quelles sont donc les prochaines étapes ? Al-Zawahiri indique que, suite à la remise à l’UA, par chaque pays, de son rapport, il est probable que l’UA discute séparément avec les trois pays des moyens d’achever les négociations. « L’UA pourra ensuite appeler à la tenue d’une nouvelle réunion rassemblant les ministres des Affaires étrangères et de l’Irrigation des trois pays pour discuter des remarques des trois pays aptes à parvenir à un accord final consensuel. Ainsi, la balle est maintenant dans le camp de l’UA, qui doit trancher l’affaire », selon El-Taweel. « Il est temps que l’UA prenne une position effective surtout qu’il existe une tendance internationale pour que cette organisation demeure la plateforme qui parraine ces discussions étant donné qu’il s’agit de pays africains », estime l’experte, même si elle ne mise pas beaucoup sur le rôle de l’UA. Plusieurs facteurs prouvent, selon El-Taweel, la faiblesse du rôle de l’UA qui devrait au moins préparer un rapport évaluant les résultats des pourparlers, proposer des solutions rapprochant entre les points de vue pour les présenter au Conseil de sécurité. « Un rôle qui n’a pas été accompli », regrette El-Taweel, se demandant si la présence du siège de l’UA à Addis-Abeba influence ses positions vis-à-vis de ce dossier.
L’UA est ainsi appelée à une position officielle et claire en mesure de régler ce litige. Autrement, elle devra reconnaître l’échec de sa médiation et déférer le dossier au Conseil de sécurité de l’Onu.
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