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Mohamad Hégazi : Le troisième round des négociations qui a démarré cette semaine sera crucial dans le dossier du barrage

May Al-Maghrabi, Mercredi, 04 novembre 2020

L'ambassadeur Mohamad Hégazi, ancien vice-ministre des Affaires étrangères pour les affaires africaines, revient sur les derniers développements dans le dossier du barrage éthiopien.

Mohamad Hégaz

Al-Ahram Hebdo : Les récentes déclarations du président américain, Donald Trump, sur le dossier du barrage ont-elles contribué à la relance des négociations parrainées par l’Union africaine ?

Mohamad Hégazi : Certes, elles ont fait bouger les eaux stagnantes et ont transmis un message ferme à l’Ethiopie, à l’UA et à l’ensemble de la communauté internationale selon lequel il n’est plus admissible que cette politique de tergiversation éthiopienne se poursuive dans un dossier crucial comme celui du barrage. Les déclarations de Trump étaient une sonnette d’alarme plutôt qu’une incitation à recourir à l’option militaire, option que le président Abdel-Fattah Al-Sissi a écartée à maintes reprises, affirmant que la bataille de l’Egypte dans le dossier du barrage est une bataille diplomatique par excellence.

— Mais pourquoi ces négociations étaient-elles à l’arrêt depuis plus de sept semaines ?

— Elles étaient plutôt en phase de répit pour se concerter, réévaluer les résultats des cycles précédents et rapprocher les points de vue entre les trois pays. Maintes raisons expliquent ce retard dans la reprise des négociations dont la saison des inondations, qui rend difficile l’évaluation de l’impact technique et hydrique du barrage. Au niveau politique, les préparatifs des élections éthiopiennes et américainess et les changements qu’elles peuvent apporter n’ont pas favorisé la reprise des négociations.

— Pensez-vous que les négociations aboutissent, alors que l’Ethiopie est défiante et annonce le début de la production d’électricité par le barrage d’ici un an même sans parvenir à un accord ?

— Certes, ces provocations éthiopiennes ne créent pas un climat favorable aux négociations. L’annonce de la production électrique n’a aucune importance puisque le barrage peut produire un minimum d’électricité avec 2 turbines et 5 milliards de m3 d’eau stockés, alors que pour produire le maximum d’électricité, il faut achever la construction du barrage pour exploiter les 12 turbines. Et c’est pourquoi l’Egypte ne s’est pas opposée au premier remplissage du barrage que dans la mesure où il s’agit d’une mesure unilatérale avant la conclusion d’un accord consensuel entre les trois pays comme le stipule la déclaration de principes de 2015. Pour en finir avec cette question, l’Egypte insiste sur la conclusion d'un accord juridique contraignant sur les règles d’exploitation du barrage incluant un mécanisme sur le règlement des conflits.

— Et quels messages l’Ethiopie a-t-elle voulu transmettre en interdisant le survol du barrage ?

— C’est une sorte de harcèlement politique et une manoeuvre de diversion adressée à l’intérieur éthiopien en présentant le barrage comme un projet national menacé par l’Egypte. De tels agissements sont loin d’affecter l’image de l’Egypte aux yeux de la communauté internationale qui reconnaît l’équité de sa cause, la légitimité de ses revendications et la droiture de ses positions. La position de l’Egypte repose sur des fondements solides au niveau juridique et diplomatique, appuyée par 9 ans de négociations, par les études techniques non achevées et surtout par les accords internationaux sur le partage des eaux du Nil.

— Washington, l’Europe et la Russie ont proposé leur médiation dans le dossier du barrage. Ces puissances internationales disposent-elles des outils leur permettant d’imposer des solutions ?

— L’UE et la Russie sont des forces majeures dont l’intervention peut avoir une influence. Mais ce sont surtout les Etats-Unis qui sont les plus en mesure de parachever un accord définitif entre l’Ethiopie, l’Egypte et le Soudan sachant qu’il n’est pas question de renégocier le dossier, mais d’achever ce qui a été déjà fait en novembre dernier. Washington avait parrainé les négociations tripartites qui ont permis d’esquisser les grandes lignes d’un accord définitif sur les points controversés qui pourrait apporter une solution définitive à ce litige, mais l’Ethiopie n’est pas venue à la séance de signature de l’accord le 12 février 2019.

— La Ligue arabe a annoncé la formation d’un comité chargé de suivre le dossier du barrage. Quel sera son rôle ?

— La Ligue arabe est une organisation régionale de poids qui appuie la position de l’Egypte. A cela s’ajoute l’impact des pays arabes dans ce dossier, notamment l’Arabie saoudite, les Emirats et le Koweït, qui sont des alliés importants de l’Egypte et qui ont en même temps d’énormes investissements en Ethiopie. Ils peuvent exercer des pressions économiques sur l’Ethiopie et prôner une initiative politique équitable.

— D’après vous, quel sera le sort de ce dossier épineux ?

— Le troisième round des négociations qui a démarré cette semaine sera crucial dans ce dossier. Les négociateurs égyptiens peuvent parfaitement aborder cette phase en coopération avec les partenaires internationaux pour parvenir à une solution en faveur de la sécurité et de la stabilité régionales. Il faut surtout savoir que l’Egypte dispose d’une vision capable d’apporter une solution équitable au dossier du barrage et d’instaurer une coopération fructueuse entre les pays du bassin du Nil. Même si l’Egypte doit s’engager dans un combat diplomatique de longue haleine, sous les pressions internationales et la contrainte des organisations onusiennes, l’Ethiopie finira par renoncer à ses positions infondées.

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