Le développement des plateformes électroniques a coûté à l'Etat des milliards de L.E. (Photo : Mohamad Hassanein)
Ecoles et universités accueilleront, à partir du 17 octobre, 23 millions d’élèves et plus de 3 millions d’étudiants au milieu de mesures de prévention renforcées anticoronavirus et surtout un nouveau système éducatif hybride ralliant l’enseignement conventionnel et celui à distance, le tout dans le cadre d’un plan de cohabitation avec le Covid-19. Les responsables affirment que « toutes les mesures seront prises pour faire réussir cette expérience ». Le ministre de l’Education, Tareq Chawqi, a affirmé que le plan de son ministère repose sur deux axes : mettre en place un nouveau concept de l’enseignement et éviter toute propagation du Covid-19 dans les écoles. « L’Etat, au cours des six dernières années, a dépensé 500 milliards de L.E. pour le plan de réforme de l’éducation. Le développement des plateformes électroniques a coûté des milliards », a déclaré Chawqi. Les mesures de prévention dans les écoles prévoient notamment le port obligatoire des masques pour les élèves et les professeurs, le respect de la distanciation sociale et la sensibilisation continuelle des élèves. Le plan mis en place par le ministère de l’Education en coordination avec le ministère de la Santé, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Unicef prévoit également la mise en place de portails pour prendre la température des élèves avant d’entrer aux écoles ou de monter dans les bus scolaires, le port obligatoire des gants durant les repas, l’aération des classes, la disponibilité des produits désinfectants dans les toilettes, le traitement des gants et des masques usés en tant que déchets dangereux, la présence d’une chambre d’isolement dans chaque école et de lieux réservés à l’attente des parents devant les écoles pour éviter l’encombrement ainsi que l’interdiction des marchands ambulants devant les écoles. Chaque école devra communiquer au ministère les noms des élèves qui s’absentent pour des raisons de santé. Dans les universités, Hossam Abdel-Ghaffar, porte-parole du ministère de l’Enseignement supérieur, a fait savoir qu’un guide des mesures de prévention a été élaboré. Il prévoit la désinfection régulière des universités, l’organisation de l’entrée et de la sortie des étudiants, ainsi que l’application de mesures d’hygiène dans les cafétérias et les toilettes.
Réduire la densité des classes
Parallèlement à ces efforts, et pour réduire la densité dans les universités et les écoles, les étudiants de chaque faculté seront répartis en petits groupes avec un maximum de 50 étudiants dans les facultés pratiques et de 100 étudiants dans les filières théoriques. Les professeurs de chaque département seront divisés en groupes. Chaque groupe sera responsable d’un certain nombre d’étudiants. Avec une présence minimum de trois jours pour les étudiants, les facultés travailleront du samedi au jeudi de 8h à 18h. Dans les facultés théoriques, l’enseignement à distance représentera entre 40 et 50 % des cours contre 30 à 40 % dans les facultés scientifiques.
Dans les écoles, il a été décidé que chaque classe ne compte pas plus de 20 élèves dans le public et le privé. La présence à partir de la maternelle et jusqu’à la troisième primaire sera de 4 jours par semaine pour les écoles d’une seule période et de 3 jours pour les écoles de deux périodes. Dans les cycles qui peuvent compter sur l’apprentissage à distance, la présence sera de trois jours pour le primaire et de deux jours pour le préparatoire et le secondaire. Le ministère a laissé la liberté aux directeurs des écoles de fixer les emplois du temps adéquats pour garantir une répartition équilibrée des élèves dans les classes. Pour Magda Nasr, député et membre de la commission de l’éducation au parlement, la tâche sera ardue pour les directeurs d’écoles, notamment celles où le nombre d’élèves dépasse les 100 par classe. « Ce sera difficile de gérer une telle situation, le ministère devra apporter des solutions concrètes et coordonner régulièrement avec les directeurs des écoles pour trouver des solutions au problème de l’encombrement des classes. Il faut également créer une ligne téléphonique verte qui permettra un contact direct entre les directeurs d’école et le ministère », affirme la député, qui redoute aussi que les mesures d’hygiène ne soient pas totalement respectées dans les écoles publiques. « Les infrastructures sont en très mauvais état dans les écoles publiques », souligne Nasr.
Adieu les leçons particulières
Dans le double but de lutter contre l’exploitation des familles par les barons des leçons particulières et d’éviter les rassemblements, le ministère maintient la fermeture des centres de cours particuliers, décidée en mars dernier. Il a mis en place un système facultatif de cours collectifs qui permettra aux élèves ayant des difficultés dans certaines matières d’avoir accès à des explications supplémentaires en fin de la journée. Les prix des cours seront fixés par le directeur de l’école en coordination avec le conseil des parents. Celui-ci variera entre 15 et 85 L.E. pour un cours de deux heures, selon le cycle scolaire, le gouvernorat et le niveau social. Un nouveau système d’évaluation répartissant les notes des élèves entre les devoirs, les examens et la recherche sera également appliqué. De la maternelle à la 3e primaire, il n’y aura pas d’examens écrits et l’élève sera noté sur son comportement en classe et son interactivité durant les activités scolaires. Les examens de 1re et 2e secondaire seront en ligne. Les examens du bac, en revanche, seront en présentiel, mais auront lieu sur des tablettes électroniques et sous forme de questions à multiples choix et d’autres mesurant le niveau de compréhension. L’étudiant du bac bénéficiera aussi pour la première fois de l’opportunité d’améliorer ses notes grâce à des examens de rattrapage. D’ailleurs, l’enseignement dans les écoles se limitera aux activités et aux matières qui n’entrent pas dans le pourcentage final de notes alors que les matières essentielles seront expliquées via les nouvelles plateformes et les chaînes télévisées. (Voir encadré).
Cette réforme est saluée par Hassan Chéhata, spécialiste en pédagogie, elle marque, selon lui, la fin de l’éducation basée sur l’apprentissage par coeur sans mesurer la compréhension et stimuler la créativité. « Les examens du nouveau système sont basés sur les capacités mentales des élèves. Ils testent les acquis réels et non pas la capacité de mémorisation des élèves. C’est notamment important pour le bac qui décide du sort des élèves pour l’entrée à l’université. Seul l’élève qui comprend et réfléchit pourra passer le bac avec un pourcentage qui lui permettra de poursuivre ses études à l’université qui convient à son niveau et ses capacités », pense Chéhata. Il affirme que les résultats de ce nouveau système hybride seront ressentis au cours des prochaines années qui verront l’arrivée de vrais diplômés capables de créer et de réfléchir. Sur le contenu des programmes, il explique que ce contenu, présenté autrefois dans les livres de manière monotone, sera désormais présenté aux élèves sous forme de vidéos et de textes interactifs. Concernant la capacité des professeurs d’utiliser ce nouveau système d’apprentissage auquel ils ne sont pas habitués, il affirme que le ministère a créé une académie pour former les professeurs et a formé un grand nombre d’entre eux à ce système.
Le ministère de l’Education et celui de l’Enseignement supérieur se sont préparés au scénario d’un dérapage de la situation pandémique en créant plusieurs plateformes interactives et des programmes numériques permettant de poursuivre les études en ligne. (Voir encadré). Pour les écoles, le plan sanitaire prévoit la fermeture durant 28 jours de la classe si un cas d’infection au Covid-19 est signalé, et de l’école entière s’il y a plusieurs malades. Si une ville ou un village est mis sous quarantaine, toutes les écoles seraient fermées. Ce plan intégral évitera l’état de confusion qui avait causé l’année dernière l’interruption subite de l’année scolaire et universitaire. « Cette année, les professeurs et les élèves ont plus d’expérience avec le système hydride conçu cette année pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées lors de son application partielle l’année dernière », explique Magda Nasr. Le porte-parole du ministère de l’Enseignement supérieur indique que, selon une récente étude de l’Union d’apprentissage à distance aux Etats-Unis, 65 % des institutions de l’Enseignement supérieur dans le monde ont décidé d’adopter le système hybride à partir de cette année.
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