Ahmed Kamel El-Béheiry*
Les appels aux manifestations lancés par la confrérie terroriste des Frères musulmans par le biais de l’entrepreneur en fuite Mohamad Ali sont tombés à plat. Des appels désespérés qui viennent en réaction aux réussites sécuritaires dont la dernière a été l’arrestation, le 28 août dernier, de Mahmoud Ezzat, guide suprême par intérim de la confrérie. Un coup dur qui a fragilisé le groupe et a donné lieu à de profondes divisions entre les jeunes et les dirigeants de la confrérie sur la nomination d’un successeur à Ezzat.
Les Frères cherchent maintenant à camoufler cette division interne et à mobiliser les membres de la confrérie autour d’un seul objectif : porter atteinte à la stabilité du pays et mobiliser la rue contre le régime. C’est pourquoi ils lancent une offensive contre l’Etat à partir des chaînes médiatiques hostiles à l’Egypte. Des appels suscitant sarcasmes grinçants et critiques cinglantes, surtout que la confrérie ne dispose plus de bases en Egypte aptes à y répondre, grâce aux coups sécuritaires affectant sa structure organisationnelle et le desséchement de ses ressources financières provenant de l’étranger. A cela s’ajoute la discréditation de la confrérie au niveau des forces politiques et de la rue. Ses récents appels à manifester ne sont donc qu’une manoeuvre de diversion de la part de la nouvelle direction de la confrérie, sous l’égide d’Ibrahim Mounir, résidant à l’étranger et qui ne jouit pas du soutien des jeunes des Frères, dans le but de contenir les divisions internes.
Double crise
La confrérie est aujourd’hui face à une double crise : l’effondrement de sa structure organisationnelle en Egypte et les divisions entre les différentes branches du groupe à l’étranger. Une crise apparue au grand jour après l’arrestation de Ezzat et la nomination, par l’ancienne génération, d’Ibrahim Mounir comme nouveau guide suprême, donnant lieu à une colère parmi les jeunes des Frères. Un communiqué attribué à la confrérie a appelé les dirigeants des bureaux administratifs de la confrérie à oeuvrer à contenir la colère des jeunes et leur expliquer les circonstances entourant le choix de Mounir à cette phase critique pour la confrérie. L’analyse du contenu du communiqué révèle que le choix d’Ibrahim Mounir est dû au fait qu’il est le troisième vice-guide, qu’il est en charge du dossier politique de l’organisation internationale des Frères musulmans et du bureau de Londres d’autant plus qu’il gère une grande partie des ressources financières des activités de la confrérie. Mounir est l’un des plus importants cadres de l’ancienne garde et le seul vice-guide hors de prison après l’emprisonnement de Khaïrat Al-Chater depuis 2013 et Ezzat le moi dernier. Par conséquent, l’annonce de sa nomination, non-confirmée, semble être plausible même si c’est en contradiction avec le règlement interne de la confrérie qui stipule que celui qui dirige la confrérie doit être présent à l’intérieur du pays.
L’internationalisation du poste de guide suprême est au centre de l’indignation des jeunes Frères, surtout que Mounir, avec Mahmoud Hussein, secrétaire général de la confrérie, sont pointés du doigt pour leur implication dans des affaires de corruption au sein de la confrérie. Des accusations révélées par des fuites faites par Ibrahim Bassam, membre du Conseil de Choura de la confrérie, résidant à l’étranger, ce qui confirme que les conflits internes sont de taille entre les générations jeunes et médianes d’un côté et, de l’autre, l’ancienne garde, que représente Mounir, au point de révéler les secrets des membres du groupe au public. En revanche, lors d’une interview télévisée, Mounir s’est déchargé de la responsabilité et a dit que ce n’est pas la confrérie qui a incarcéré ses membres, affirmant clairement que la confrérie rejette les initiatives lancées par ces jeunes abordant une réconciliation avec l’Etat égyptien. Par ailleurs, le document baptisé La Révision, publié par les jeunes en prison, dévoile les raisons de la colère des jeunes qui imputent à l’exercice de l’ancienne garde la responsabilité de la chute des Frères et le déclin qu’a connu la confrérie ensuite.
Ainsi, les Frères musulmans affrontent la crise la plus fatale depuis les répressions subies lors des années 1960 sous Nasser et la chute de leur régime le 3 juillet 2013. Ces clivages pourraient conduire à la désintégration du groupe et son effondrement. Et c’est ce qui a poussé la confrérie à lancer ces appels à manifester. Des appels qui se sont heurtés à la conscience du peuple de la réalité et des motifs de ce groupe qui ne visent qu’à déstabiliser le pays pour se venger de la rue qui l’a détrôné. La rue a réalisé que les Frères musulmans n’ont aucun projet politique et ne sont pas en mesure d’apporter une solution aux problèmes et aux défis économiques, politiques et sécuritaires qu’ils reprochent au régime au pouvoir l
*Spécialiste de l’islam politique et des groupes terroristes au CEPS
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