Les autorités ont déclaré l’état d’alerte, début août, pour faire face à la plus grande crue du Nil depuis celle de1878, qui avait vu le déversement en Egypte de 150 milliards de m3 d’eaux en provenance du plateau éthiopien. Ces prévisions sont basées sur le niveau de la crue enregistré au Soudan il y a quelques semaines et qui a causé de nombreux dégâts. « Le scénario soudanais ne se reproduira pas en Egypte », a rassuré le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, Mohamad Abdel-Ati, affirmant que « le Haut-Barrage et ses installations sont capables d’empêcher les inondations attendues et de mettre à profit l’abondance des eaux ». Selon Abbas Chéraqi, expert en ressources hydriques, qui s’attend à une inondation « record », les premiers indices montrent que le niveau de la crue cette année sera au-dessus de la moyenne. « Les niveaux d’eau enregistrés en août et en septembre étaient plus élevés que ceux de l’année dernière. Mais pour maintes raisons, l’Egypte n’envisage pas le scénario soudanais », affirme Chéraqi. L’intensité de la crue dépend de maints facteurs dont la nature du terrain et le réseau d’irrigation. « On ne peut pas faire la comparaison entre l’Egypte et le Soudan. La source de la crue en Egypte est le Nil, alors que la crue au Soudan provient de plusieurs sources, notamment le Nil bleu, le Nil blanc, la rivière d’Atbara et les pluies torrentielles annuelles estimées à environ 1200 milliards de m3. La capacité du Haut-Barrage est de 162 milliards de m3. Celui-ci reçoit annuellement 55 m3, alors qu’au Soudan, il n’existe que 6 barrages d’une capacité totale de 26 milliards de m3 d’eau, qui ne sont pas en mesure de retenir une crue moyenne ou au-dessus de la moyenne. Il faut aussi rappeler que les pluies en Egypte ne dépassent pas les 50 milliards de m3 et cela ne représente que 5 % seulement des quantités de pluies qui tombent sur le Soudan », rassure l’expert.
Bien que la situation ne soit pas dangereuse, les autorités coordonnent en permanence avec le Soudan et suivent la situation de près par le biais du comité de régularisation du débit du Nil, dont la mission est d’élaborer des rapports sur les quantités de pluies sur plateau éthiopien et le niveau du Nil bleu, indique Mohamad Al-Sébaï, porte-parole du ministère de l’Irrigation. Il explique que des travaux sont en cours pour éliminer les empiétements sur les voies navigables, qui limitent la capacité du réseau à absorber l’eau des inondations. De même, des travaux d’entretien sont effectués au déversoir de Tochka et celui du Haut-Barrage. Al-Sébaï affirme que le lac Nasser et le réservoir d’Assouan peuvent contenir l’eau de la grande crue attendue. Par ailleurs, le ministère de l’Irrigation s’est préparé au risque de pluies torrentielles, notamment dans les gouvernorats de la mer Rouge, du Nord-Sinaï et du Sud-Sinaï. Selon le ministère, 4 milliards de L.E. ont été allouées à l’entretien de 16 barrages et 30 lacs de même qu’au nettoyage et à la maintenance de 117 évacuateurs.
Scénarios de crise
Abdel-Fattah Motawie, ancien président du secteur du Nil au ministère de l’Irrigation, appelle à la vigilance. « L’intensité de la crue sera plus importante que celle de 1988, survenue à l’issue de 11 années de sécheresse. Le lac Nasser avait été en mesure de stocker les grandes quantités d’eau. Or, cette année, la crue arrive alors que l’Egypte avait reçu l’année passée une inondation au-dessus de la moyenne. Par conséquent, le lac Nasser et le déversoir de Tochka sont remplis », souligne Motawie. Rassurant, l’ingénieur Khaled Madine, responsable à l’organisme du Haut-Barrage, explique que l’évacuateur du Haut-Barrage est désigné pour faire face aux situations d’urgence et aux hautes inondations. « Il permet d’évacuer jusqu’à 5000 m3 d’eau par seconde, soit 18 millions de m3 d’eau par minute », précise-t-il. Le ministère de l’Irrigation a commencé à vider une partie du lac Nasser et prévoit même en cas d’urgence de vider le déversoir de Tochka.
De son côté, Iman Al-Sayed, présidente du secteur de la planification et du centre de prévision au ministère de l’Irrigation, fait savoir que le ministère prévoit 3 scénarios en ce qui a trait à la crue. Le premier est que l’intensité des inondations soit de 10 % supérieure à la normale. « Dans ce cas, le système d’évacuation en place suffira pour absorber l’eau. Si l’intensité est de 50 % supérieure à la moyenne, et c’est le scénario le plus probable, les eaux seront évacuées par les drains et les cours d’eau, et si cela est nécessaire, l’évacuateur de Tochka sera ouvert. Si ces prévisions sont dépassées, l’état d’urgence sera déclaré et les mesures nécessaires seront décidées à la lumière de la situation », explique Al-Sayed. Il est à noter que l’évacuateur de Tochka peut accueillir 100 milliards de m3 d’eau en cas de fortes crues et ne peut être ouvert que si le niveau des eaux atteint son degré maximum de 179 milliards de m3 devant le Haut-Barrage. Depuis son installation en 1981, il n’a été ouvert qu’en 1996 lorsque le niveau de l’eau a atteint 178,5 m3.
Par ailleurs, selon le ministère de l’Irrigation, la crue menace de submerger les terrains agricoles en bordure du Nil situés entre les deux branches du fleuve dans 13 gouvernorats, soit 1200 feddans sur la branche de Rachid et 7000 sur celle de Damiette. « Il est prévu que le niveau des eaux soit compris entre 80 et 120cm pendant la saison de la crue, alors que les empiétements sur les terrains proches de la voie navigable entravent le passage de l’eau et accroissent les risques d’inondations. La branche de Rachid, qui témoigne d’un nombre élevé d’infractions, est la plus vulnérable aux inondations », a déclaré le porte-parole du ministère. Et d’ajouter que le gouvernement n’épargnera aucun effort pour protéger les habitants de cette région. « Le gouvernement règlera le problème des empiétements au cours de la prochaine période », conclut-il .
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