Les tergiversations éthiopiennes continuent. Le premier ministre éthiopien a annoncé que la deuxième phase de remplissage du barrage aura lieu en août 2021.
Après 10 jours de négociations ardues, les pourparlers entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan n’ont abouti à aucun résultat concret. Les trois pays, qui s’étaient accordés à présenter, vendredi 28 août, un rapport commun sur leurs propositions autour de la gestion et du fonctionnement de barrage de la Renaissance, ne sont pas parvenus à s’entendre sur un texte uni. « Les différends persistent sur de nombreux points juridiques et techniques », indique un communiqué du ministère de l’Irrigation, annonçant que « suite à de longues discussions sur l’avenir des négociations, les trois ministres de l’Irrigation ont convenu d’envoyer séparément une lettre au président de l’Afrique du Sud, comprenant leurs visions pour la prochaine phase des négociations ». Le Soudan a déclaré dans son communiqué que « parvenir à un accord exige une volonté politique ». « La poursuite des négociations dans leur forme actuelle ne conduira pas à des résultats concrets », a déclaré le ministre de l’Irrigation soudanais, qui s’est toutefois dit prêt à reprendre les négociations à tout moment. Ce sont les mêmes différends qui persistent entre les trois pays. Ils portent sur le remplissage et l’exploitation du barrage en période de sécheresse, la conclusion d’un accord contraignant pour toutes les parties, le règlement des litiges ainsi que les futurs projets éthiopiens sur le Nil bleu. « Le blocage actuel soulève des interrogations sur l’avenir des négociations », explique l’ambassadeur Mohamad Hégazi, ancien vice ministre des Affaires étrangères pour les questions africaines. « La présentation par les trois parties de lettres séparées à l’UA reflète la difficulté persistante de parvenir à un accord », ajoute-til.
Selon Hégazi, la balle est maintenant dans le camp de la présidence de l’UA, qui doit préparer un projet d’accord unifié rassemblant les points de vue des trois pays. « On s’attend donc à ce que l’UA présente une vision claire et équitable qui répond aux intérêts de toutes les parties ».
L’ancien ministre de l’Irrigation, Mohamad Nasr Allam, affirme, lui, qu’il est temps de changer la nature des négociations. « Les différends qui persistent sont de nature politique plutôt que technique. Il faut à mon avis poursuivre les négociations sous la direction des ministres des Affaires étrangères », explique Allam.
Des négociations de longue haleine
Si les négociations trainent, c’est en raison de l’obstructionnisme de l’Ethiopie et son adoption d’une approche unilatérale. Selon le magazine Foreign Policy, le département d’Etat américain s’apprête à couper 130 millions de dollars d’aide à l’Ethiopie en raison de son intransigeance dans le dossier du barrage de la Renaissance.
L’information n’a pas été démentie par les autorités américaines. L’Egypte avait eu recours, fin 2019, à la médiation des Etats-Unis pour tenter de débloquer les négociations avec l’Ethiopie, mais en vain. « Malgré l’importance des sanctions financières en tant que carte de pression, nous attendons une action plus forte pour faire pression sur l’Ethiopie. Le président Donald Trump peut par exemple tenir un sommet au niveau des présidents des trois pays, au cours duquel les divergences seraient résolues », souligne Hégazi. Selon lui, il suffit d’une volonté politique pour mettre fin aux différends.
Le porte-parole du ministère de l’Irrigation, Mohamad Al-Sébaï, a déclaré que l’Egypte est attachée malgré tout aux négociations et cherche à rapprocher les points de vue et à réaliser l’intérêt commun des trois pays. Expliquant cette insistance de l’Egypte à négocier, le politologue Ayman Chabana explique : « L’Egypte tiendra aux pourparlers jusqu’au dernier souffle. Son objectif est de réaliser sa sécurité hydrique sans nuire au développement de ses pays voisins. Mais plus important encore, conclure des accords à travers les négociations, c’est définir les principes de gestion des futurs projets sur le Nil. Le plan éthiopien consiste à installer plusieurs projets futurs, il est donc nécessaire pour l’Egypte de fixer des principes à respecter par toutes les parties ».
L’Egypte a dû faire de patience face aux provocations éthiopiennes. Addis-Abeba a procédé à son premier remplissage du barrage sans accord avec les pays en aval. Et malgré les désaccords qui persistent, le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a annoncé que la deuxième phase de remplissage du barrage aura lieu en août prochain pendant la saison des pluies, prévoyant un remplissage de 18,4 milliards de m3 d’eau. De même, l’ambassadeur éthiopien en Afrique du Sud a déclaré dans une rencontre avec une agence de presse éthiopienne que le projet du barrage « profite aux Ethiopiens et aux Africains, et profite également à la communauté internationale. Nous devons donc rester fermes et unis pour répondre à nos besoins en développement ». Des déclarations qui reviennent, selon Aymen Abdel-Wahab, chercheur spécialiste des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, à accuser l’Egypte et le Soudan d’être contre le développement du continent africain. « Je m’attends à ce que les Ethiopiens intensifient dans les jours à venir leurs discours et déclarations provocateurs pour pousser l’Egypte à se retirer des négociations et la tenir responsable de l’échec des pourparlers. Un piège dans lequel l’Egypte ne tombera pas ».
L’Egypte insiste depuis de longues années sur deux principes fondamentaux, à savoir son désir de parvenir à un accord équitable par la voie des négociations et le maintien de ses droits historiques dans les eaux du Nil auxquels il n’est pas question de renoncer.
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