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L’avenir incertain des Frères

Mercredi, 02 septembre 2020

L’arrestation de Mahmoud Ezzat, cadre influent des Frères musulmans, compromet l'avenir de la confrérie, affaiblie par les frappes sécuritaires et minée par les divisions internes.

L’avenir incertain des Frères
Mahmoud Ezzat après son arrestation le 28 août.

par Ahmad Al-Béheiri*

L’arrestation de Mahmoud Ezzat, l’homme le plus puissant de la confrérie des Frères musulmans, est le coup le plus fort adressé à la confrérie depuis l’arrestation de la plupart des membres du bureau du guide en 2013. Recherché depuis sept ans, Ezzat a été arrêté vendredi 28 août au Caire malgré des rumeurs sur sa présence à l’étranger. « Il a été appréhendé dans un quartier résidentiel dans l’est de la capitale », a annoncé le ministère de l’Intérieur.

Un coup réussi pour les services de sécurité. Ezzat détiendrait des informations précieuses sur la confrérie, ses plans, son financement et ses réseaux à l’étranger. Son arrestation bouleverse les calculs des Frères et de certains pays qui les soutiennent. Les Frères perdront beaucoup de leur équilibre, Ezzat jouant plusieurs rôles au sein de la confrérie (voir encadré).

De nombreuses interrogations se posent notamment sur son rôle dans la structure interne de la confrérie et les raisons pour lesquelles il ne s’est pas évadé à l’étranger comme la plupart des cadres du groupe. S’il est resté en Egypte après la chute du régime des Frères en juillet 2013, c’est probablement parce qu’en vertu du règlement interne de la confrérie, celui qui dirige le groupe doit être présent en Egypte, sauf s’il est possible de confier la gestion de la confrérie à des éléments à l’extérieur du pays. Or, après la chute des Frères en 2013, les capacités de la confrérie étaient profondément affectées par les coups sécuritaires et l’arrestation de ses cadres. Des divisions internes n’ont pas tardé à faire leur apparition, les jeunes de la confrérie attribuant à l’ancienne garde la responsabilité de la chute du régime des Frères et les actes de violence qui l’ont suivie. En 2015, un haut comité dirigeant, sous la direction du cadre Mohamad Kamal, a vu le jour comme alternative à la direction de Mahmoud Ezzat. Ce dernier s’est trouvé obligé de rester en Egypte pour tenter de préserver l’unité de la confrérie, menacée par les dissensions internes. Une donne qui a rendu la fuite de Ezzat impossible.

La direction de la confrérie est restée en Egypte et l’aile de Mohamad Kamal a prôné l’utilisation de la violence face à l’Etat via la formation d’organisations terroristes comme Hasm et Liwä Al-Sawra. Des groupuscules que l’Etat a réussi à briser. Depuis 2019, ils n’ont pu mener aucune opération terroriste.

La mort de Mohamad Kamal, tué dans une descente de la police, a considérablement affaibli cette aile et a permis à Ezzat de réimposer sa domination sur la confrérie durant les années 2018, 2019 et 2020.

Aujourd’hui, son arrestation met la confrérie face à une situation difficile et augure d’un approfondissement des divisions internes. Il faut savoir que depuis 2015, il existe deux ailes au sein de la confrérie, l’ancienne garde qui regroupe la majorité des anciens dirigeants comme Mohamad Badie, Mahmoud Ezzat, Khaïrat Al-Chater, Ibrahim Mounir et Mahmoud Hussein. Seuls Ibrahim Mounir et Mahmoud Hussein sont hors de prison, en fuite à l’étranger. La deuxième aile est celle de la génération intermédiaire et ses cadres se trouvent en Turquie. C’est cette aile qui a aidé Mohamad Kamal à diriger la confrérie en 2015 et l’a incité à recourir à la violence et à former des milices armées. L’arrestation de Ezzat vient renouveler le conflit entre les deux ailes et approfondir davantage les dissensions dans les rangs des Frères à l’étranger, ce qui se répercutera certes sur la confrérie en Egypte et ses militants emprisonnés.

Le déclin

Le nom du successeur de Ezzat sera un facteur déterminant du conflit entre la jeune génération et l’ancienne garde. Ibrahim Mounir, adjoint du guide et secrétaire général de l’Organisation mondiale des Frères musulmans, et Mahmoud Hussein, secrétaire général de l’organisation, sont les deux candidats à la succession de Ezzat.

Concernant Mounir, il semble être le plus en vue pour lui succéder, mais sa nomination se heurte à deux problèmes. Le premier c’est qu’il ne se trouve pas en Egypte, l’une des principales conditions exigées par le règlement interne de la confrérie, ce qui nécessite l’amendement de ce dernier ou l’omission de cette condition. L’autre problème est qu’il ne bénéficie du soutien ni des dirigeants de la confrérie, ni d’une majorité de jeunes. On peut donc s’attendre à d’importantes divisions dans les rangs des Frères musulmans. Quant à Mahmoud Hussein, qui réside probablement en Turquie, il réside également à l’étranger et n’est pas un leader capable de diriger la confrérie en cette période critique.

Les Frères musulmans font face à trois scénarios. Le premier est qu’Ibrahim Mounir ou Mahmoud Hussein prenne la direction de la confrérie, le deuxième qui semble plus plausible est de former un haut comité de direction à l’instar de celui de 2015, regroupant des éléments de la jeune génération et de la génération intermédiaire aux côtés d’Ibrahim Mounir et de Mahmoud Hussein. Le troisième scénario est que les Frères de l’intérieur et de l’extérieur s’accordent sur un membre du conseil de la choura de la confrérie, mais il sera difficile d’y parvenir vu la difficulté de contacter les dirigeants dans les prisons. L’arrestation de Ezzat met la confrérie face à des troubles qui pourraient menacer son sort.

*Spécialiste de l’islam politique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram

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