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Ahmed Qandil : De tels accords visent à préserver les droits énergétiques de l’Egypte

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mercredi, 12 août 2020

Ahmed Qandil, président du Programme des études énergétiques au CEPS d’Al-Ahram, revient sur l’importance de l’accord de délimitation des frontières maritimes conclu entre l’Egypte et la Grèce.

Ahmed Qandil

Al-Ahram Hebdo : Quels horizons de coopération ouvrent l’accord de délimitation des frontières maritimes qu’ont signé l’Egypte et la Grèce, jeudi 6 août ?

Ahmed Qandil : Il s’agit d’un important accord aux niveaux politique, économique et sécuritaire qui contribuera à assurer la stabilité de la Méditerranée. Il permet aux deux pays d’exploiter leurs ressources maritimes dans la Zone économique exclusive en Méditerranée orientale, en particulier les gisements gaziers et pétroliers récemment découverts. Après son approbation par les Nations-Unies, l’accord consolidera la souveraineté de chacun des deux pays sur leurs frontières maritimes sur des bases juridiques et politiques solides. Ce qui contribuera à stimuler les investissements énergétiques des entreprises internationales dans cette région. Autrefois, il leur était risqué d’injecter des investissements dans des zones conflictuelles.

— L’Egypte accorde une importance particulière aux accords de démarcation des frontières maritimes. Pourquoi ?

— Vu les horizons prometteurs qu’ouvrent les récentes découvertes gazières et pétrolières, l’Egypte est plus que jamais consciente de l’importance des accords de démarcation des frontières maritimes pour préserver ses droits énergétiques, surtout avec les abus de la Turquie en Méditerranée. L’exploitation de l’Egypte du méga-gisement Zohr découvert en 2015, après avoir conclu en 2013 un accord de délimitation des frontières avec Chypre, souligne l’importance de se doter de cadre légal d’exploitation des ressources en Méditerranée. Il y a aussi des opportunités prometteuses en mer Rouge, après la démarcation des frontières avec l’Arabie saoudite.

— Mais l’accord égypto-grec est-il en mesure de freiner les convoitises turques en Méditerranée ?

— Sans aucun doute. Les Turcs sont bien conscients que le mémorandum militaire controversé qu’ils ont signé avec le GNA (autorité de l’ouest en Libye) en novembre dernier, en vertu duquel la Turquie peut s’emparer de vastes zones maritimes en Méditerranée orientale, est illégal et non conforme au droit international et à la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer. Géographiquement, il n’existe pas de frontières communes entre les deux pays et le mémorandum a été rejeté par le parlement libyen et par la communauté internationale. La réaction furieuse de la Turquie sur la conclusion de l’accord égypto-grec dévoile donc ses craintes qu’il discrédite son accord conclu avec le gouvernement d’Al-Sarraj. Et c’est justement le cas, puisque l’accord de l’Egypte et de la Grèce, conclu après cinq ans de négociations, revêt une légitimité internationale saluée par le monde entier et est venu briser la doctrine de « la patrie bleue » du président turc Erdogan.

— L’Egypte et les autres membres du Forum du gaz de la Méditerranée orientale visent à le transformer en une organisation internationale. Un tel projet, s’il se concrétise, que va-t-il changer ?

— Créé en 2019, ce forum regroupe actuellement 7 pays, à savoir l’Egypte, la Jordanie, la Palestine, Israël, Chypre, la Grèce et l’Italie. Il a pour objectif de veiller au respect du droit international dans la gestion des ressources gazières dans la région. Il a réussi en quelques années à encourager plusieurs pays à multiplier leurs partenariats stratégiques, surtout à la lumière des récentes découvertes de gaz naturel en Méditerranée. Aujourd’hui, la France demande de le rejoindre alors que les Etats-Unis veulent devenir observateurs permanents du groupe, ce qui lui donnera un poids important sur le plan international. Sa transformation en une organisation internationale renforcera donc les pouvoirs des pays membres afin d’attirer plus d’investissements en termes d’explorations des richesses pétrolières et gazières. Cette organisation aura également un rôle politique et sécuritaire important vu que la coopération économique favorisera des intérêts politiques et sécuritaires communs destinés à préserver la paix et la sécurité régionale, d’autant qu’il n’existe pas, jusqu’à présent, d’organisation représentant les intérêts des pays de la Méditerranée orientale. Cependant, le conflit arabo-israélien, la question chypriote et les crises régionales entravent la concrétisation de ce projet ambitieux.

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