![Barrage : Le Caire privilégie la diplomatie](https://french.ahram.org.eg/Media/News/2020/8/4/2020-637321509309487927-948_Main_485x310.jpg)
Le barrage de la Renaissance risque de réduire la part de l'Egypte dans l'eau du Nil. (Photo : AFP)
Le coup d’envoi du second round de négociations sur le barrage éthiopien de la Renaissance sous l’égide de l’Union Africaine (UA) a été donné lundi 3 août. Initialement prévue le 27 juillet, cette rencontre a été reportée d’une semaine à la demande du Soudan pour « consultations internes ». Ce nouveau cycle de discussions doit durer deux semaines et sera consacré « aux questions en suspens ». Il se déroule en présence d’observateurs et d’experts des Etats-Unis, de la Commission européenne et de la Commission de l’UA. Le premier cycle avait pris fin le 13 juillet dernier après 11 jours de négociations sans résultat. L’UA a précisé cette semaine dans un communiqué que « suite au mini-sommet, tenu le 21 juillet entre les chefs d’Etat de l’Egypte, du Soudan et de l’Ethiopie, il a été décidé que les négociations portent uniquement sur le remplissage et le fonctionnement du barrage. La question des futurs projets sur le Nil bleu sera discutée ultérieurement ».
Ainsi, les experts techniques et juridiques des trois pays aborderont donc les questions litigieuses sur le remplissage et le fonctionnement du barrage. Ils présenteront un rapport à la réunion ministérielle prévue le 6 août. Mohamad Abdel-Atti, ministre de l’Irrigation, a déclaré que « l’Egypte refuse la démarche unilatérale du remplissage du barrage prise par l’Ethiopie sans consultation avec les pays en aval. Ce remplissage est un indice négatif qui prouve la réticence de l’Ethiopie à conclure un accord équitable ». « Cette démarche éthiopienne viole la déclaration de principes signée en 2015 », a ajouté Abdel-Atti. L’Ethiopie avait annoncé le 22 juillet que la première étape du remplissage du réservoir du GERD avait été réalisée suite à de fortes pluies. Abdel-Atti a souligné également l’importance de conclure rapidement un accord sur chacun des points en litige. Le Soudan, pour sa part, a souligné qu’« un accord trilatéral est nécessaire pour protéger le barrage de Rosières sur le Nil bleu », selon le ministre soudanais de l’Irrigation, Yasser Abbas. En fait, la décision de l’Ethiopie de commencer à remplir le barrage a soulevé des interrogations sur la rentabilité des négociations.
Défendre la juste cause
L’Egypte mène actuellement une longue bataille de négociations sur le GERD, a déclaré le président Abdel-Fattah Al-Sissi, le 28 juillet, lors de l’inauguration du complexe industriel de Robeiki. « Je réalise combien cette affaire inquiète les Egyptiens étant une question de vie ou de mort, mais rassurez-vous, nous défendons une juste cause. L’Egypte parviendra à conclure un accord qui préserve son quota dans les eaux du Nil », a ajouté le président.
Selon Ramadan Qorany, spécialiste des affaires africaines, les propos du président visent à rassurer l’opinion publique. Ils tracent les grandes lignes de la politique égyptienne dans la crise du barrage. « Personne ne peut porter atteinte à notre droit à l’eau », a insisté le président, tout en rappelant que l’Egypte ne s’oppose pas au droit de l’Ethiopie au développement « à condition que cela n’affecte pas notre part dans les eaux du Nil ». Le chef de l’Etat a précisé que 1 000 milliards de L.E. seront investis pour réduire les pertes d’eau et construire des stations de traitement et de dessalement de l’eau. Il a par ailleurs écarté l’option militaire contre l’Ethiopie. « L’Egypte n’a jamais menacé l’Ethiopie d’une action militaire durant les dernières années, et n’a même pas fait allusion à cette possibilité », explique Qorany. Selon Mohamad Ibrahim Al-Deweri, vice-président du Centre égyptien de réflexion et des études stratégiques (ECSS), l’Egypte a toujours adopté, depuis le début des négociations en 2011, une approche pacifique pour régler ce dossier et tient toujours aux négociations. Selon lui, cela a toujours été le choix de l’Egypte pas seulement dans la question du barrage mais aussi avec le continent africain. « Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a insisté, tout au long de son mandat à la présidence de l’UA, sur la nécessité de régler pacifiquement les conflits africains et de paver la voie au développement économique du continent », affirme Al-Deweri.
« Le fait que l’Ethiopie a accepté de s’asseoir à la table des négociations est en soi une réussite, puisque l’Ethiopie considère le barrage de la Renaissance comme une question non négociable relevant de sa souveraineté », explique Ahmad Amal, chef de département des études africaines à l’ECSS. Et d’expliquer qu’en raison des tergiversations éthiopiennes, les négociations sont passées par plusieurs phases de blocage et d’atermoiements. Qorany pense que face à un adversaire têtu comme l’Ethiopie, une politique de longue haleine est la plus convenable. En outre, selon Ahmad Amal, l’Egypte a une rare expérience au Moyen-Orient et en Afrique dans les négociations longues et dures avec Israël. Les négociations avec ce pays ont commencé après la guerre de 1973 et se sont prolongées jusqu’à la récupération du Sinaï. En fait, l’Egypte mène la bataille dans deux directions : les négociations et les pressions diplomatiques. Parallèlement aux négociations, l’Egypte mène une campagne diplomatique pour faire pression sur l’Ethiopie. Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, s’est entretenu, le 29 juillet par téléphone, avec des membres du Congrès américain ainsi qu’avec des représentants des partis républicain et démocrate. Les entretiens ont porté entre autres sur le barrage de la Renaissance.
Le Caire a toujours fait preuve de flexibilité et de positivisme face à l’intransigeance éthiopienne. « Grâce à ce positivisme, l’Egypte a réussi au cours des derniers mois à rallier plusieurs parties internationales à sa juste cause et les tenir pour témoins, comme les Etats-Unis, la Banque mondiale et l’Union européenne. L’entrée sur scène de l’UA peut aussi appuyer la position de l’Egypte en cas de blocage des négociations et si l’Egypte revient à nouveau au Conseil de sécurité », conclut Amal.
Lien court: