A la demande de l’Egypte, le Conseil de sécurité de l’Onu a tenu, lundi soir, une séance extraordinaire, sous la présidence de la France, via vidéoconférence, sur le litige autour du barrage éthiopien de la Renaissance. L’Egypte et le Soudan avaient envoyé des plaintes, le mois dernier, au conseil à ce sujet.
Lors de la séance, Le Caire a défendu ses droits hydriques dans le Nil bleu et a mis en garde contre les actions de l’Ethiopie. « Le barrage de la Renaissance empiète sur la seule source de vie dont dispose 100 millions d’Egyptiens. Nous reconnaissons le droit du peuple éthiopien au développement, mais nous insistons sur le fait que ce projet hydroélectrique constitue une menace existentielle pour des millions d’Egyptiens et de Soudanais », a souligné le chef de la diplomatie, Sameh Choukri, dans son discours devant le conseil. Il a évoqué la gravité du déficit hydrique en Egypte. « Alors que l’Ethiopie dispose d’énormes ressources en eaux, dont 936 milliards de m3 d’eaux de pluie, l’Egypte souffre d’une grave sécheresse », a indiqué Choukri. « Nous pensons que l’Ethiopie doit respecter le droit de l’Egypte à la vie », a-t-il affirmé, ajoutant que l’Egypte ne voit pas en le Nil une propriété privée, mais un héritage commun pour les pays du bassin du Nil.
Réclamant un accord équitable, l’Egypte a notamment mis en garde contre les répercussions de toute mesure unilatérale sur la sécurité régionale et internationale. « Si les trois parties ne parviennent pas à un accord, l’affaire risque de se transformer en un conflit à haut risque pour une région déjà perturbée. Et là, il faut noter que les études techniques, non achevées à cause des positions de l’Ethiopie, n’ont jamais garanti la sécurité du barrage éthiopien, ce qui menace le Soudan et l’Egypte », a affirmé Choukri, exhortant le conseil à assumer son rôle conformément à la Charte de l’Onu. Le chef de la diplomatie a affirmé que l’Egypte est toujours favorable aux négociations, même si celles-ci n’ont abouti à aucun résultat concret pendant une décennie. Il a rappelé que la Déclaration de principe de 2015 interdit toute mesure unilatérale portant atteinte aux pays en aval, alors que l’Ethiopie menace de procéder unilatéralement au remplissage du barrage. La discorde entre l’Egypte et l’Ethiopie porte sur la nature de l’accord. Le Caire réclame un accord contraignant doté d’un mécanisme juridique pour le règlement des différends, alors que l’Ethiopie veut un « accord guide ».
Les diatribes d’Addis-Abeba
Choukri a regretté les déclarations éthiopiennes accusant l’Egypte « d’intransigeance » et « de gaspillage » des ressources hydriques et dénonçant ses « décisions unilatérales » au sujet du Nil, en référence au Haut-Barrage et au projet de bonification de la région de Tochka. « De quelle intransigeance parle l’Ethiopie après 10 ans de négociations, alors que l’Egypte a respecté tous les accords ? », a fustigé Choukri, notant que l’Egypte n’a jamais adressé d'accusations à l’Ethiopie comme l’a fait Addis-Abeba.
Les 15 membres du Conseil de sécurité ont soutenu la reprise des négociations et la démarche de l’Union Africaine (UA) pour régler la crise. « Les divergences peuvent être surmontées si toutes les parties ont la volonté politique nécessaire », a déclaré la secrétaire générale adjointe de l’Onu pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo. La France a souligné qu’il « incombe à l’UA de relancer les négociations », selon son délégué permanent au Conseil de sécurité, appelant au respect de la déclaration de principe. « Les négociations restent la seule manière de préserver la stabilité régionale », a indiqué, pour sa part, le délégué russe. Dans un communiqué de presse publié à l’issue de la séance, le Conseil de sécurité a appelé les trois pays à « trouver un accord ».
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