Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance de la lettre soumise par l’Egypte cette semaine au Conseil de sécurité ?
Amani Al-Taweel: Il s’agit d’un pas important vers l’internationalisation du dossier du barrage de la Renaissance. Par cette lettre, l’Egypte invite la communauté internationale à assumer son rôle en exerçant des pressions sur l’Ethiopie, qui tergiverse depuis de longues années, refusant de signer l’accord de Washington et ne respectant pas les accords internationaux sur le partage des eaux du Nil. L’Egypte informe l’Onu des dangers que représente le remplissage du barrage sans la conclusion d’un accord entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie. Il ne s’agit cependant pas d’une plainte officielle. La décision de l’Ethiopie se répercutera immanquablement sur la sécurité nationale de l’Egypte, mais aussi sur la sécurité de la région.
— L’Egypte est-elle en mesure de mobiliser la communauté internationale en sa faveur ?
— Oui, car l’Ethiopie fait preuve d’intransigeance, ne respecte pas les accords internationaux et s’est abstenue de signer l’accord avec les Etats-Unis. Les positions éthiopiennes appuient la cause de l’Egypte aux niveaux juridique et diplomatique. Mais la communauté internationale doit avoir la volonté politique de prendre des décisions contre l’Ethiopie.
— Le recours au Conseil de sécurité met-il fin aux négociations ?
— Pas forcément. Si la communauté internationale réagit en faveur de l’Egypte et menace d’imposer des sanctions ou fait pression sur les entreprises italiennes qui investissent dans le projet pour qu’elles se retirent, les Ethiopiens préféreront peut-être de retourner à la table des négociations. Dans ce cas, la position de l’Egypte sera encore plus forte et les Ethiopiens seront obligés d’accepter un consensus. L’Egypte devra intensifier ses efforts pour obtenir le soutien des pays du bassin du Nil et de la communauté internationale, si elle décide de présenter une plainte officielle au Conseil de sécurité.
— Ne serait-ce pas une perte de temps de retourner à des négociations qui n’ont jamais abouti ?
— La position de l’Egypte est claire. Elle ne s’oppose pas au principe de la construction du barrage, mais elle s’oppose à toute mesure unilatérale qui nuit à sa sécurité hydrique. Toutes nouvelles négociations auront pour but de finaliser l’accord conclu sous le parrainage des Etats-Unis et de la Banque mondiale, ce qui garantit les intérêts de toutes les parties.
— Quelle est l’importance de la position du Soudan dans la période à venir ?
— Le Soudan a toujours adopté une position floue tout au long des négociations et a instrumentalisé ce dossier à des fins politiques. Et ce, alors qu’il est, comme l’Egypte, un pays en aval qui risquerait de subir les mêmes préjudices si le barrage venait à être rempli sans accord. Les deux pays ont intérêt à unir leurs positions sur ce dossier. Aujourd’hui, sous la pression de l’opinion publique soudanaise qui craint les répercussions du barrage sur le pays, le gouvernement devrait revoir ses positions. La médiation entre l’Egypte et l’Ethiopie, proposée récemment par le premier ministre, Abdallah Hamdok, est un indice positif concernant un changement de la politique du Soudan. A ce moment critique où l’Egypte a décidé d’internationaliser le dossier du barrage, il est temps que le Soudan formule une position nette et claire .
Lien court: