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Amani Al-Taweel : L’Egypte veut impliquer la communauté internationale face à l’intransigeance de l’Ethiopie

Chaïmaa Abdel-Hamid, Lundi, 11 mai 2020

L’Egypte a transmis cette semaine une lettre au Conseil de sécurité au sujet du barrage éthiopien de la Renaissance. Amani Al-Taweel, cheffe du département des études africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur la portée de cette démarche.

Amani Al-Taweel

Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance de la lettre soumise par l’Egypte cette semaine au Conseil de sécurité ?

Amani Al-Taweel: Il s’agit d’un pas impor­tant vers l’internationalisation du dossier du barrage de la Renaissance. Par cette lettre, l’Egypte invite la communauté internationale à assumer son rôle en exerçant des pressions sur l’Ethiopie, qui tergiverse depuis de lon­gues années, refusant de signer l’accord de Washington et ne respectant pas les accords internationaux sur le partage des eaux du Nil. L’Egypte informe l’Onu des dangers que représente le remplissage du barrage sans la conclusion d’un accord entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie. Il ne s’agit cependant pas d’une plainte officielle. La décision de l’Ethiopie se répercutera immanquablement sur la sécurité nationale de l’Egypte, mais aussi sur la sécurité de la région.

— L’Egypte est-elle en mesure de mobili­ser la communauté internationale en sa faveur ?

— Oui, car l’Ethiopie fait preuve d’intran­sigeance, ne respecte pas les accords interna­tionaux et s’est abstenue de signer l’accord avec les Etats-Unis. Les positions éthio­piennes appuient la cause de l’Egypte aux niveaux juridique et diplomatique. Mais la com­munauté internationale doit avoir la volonté politique de prendre des décisions contre l’Ethiopie.

— Le recours au Conseil de sécurité met-il fin aux négo­ciations ?

— Pas forcément. Si la com­munauté internationale réagit en faveur de l’Egypte et menace d’imposer des sanctions ou fait pression sur les entreprises ita­liennes qui investissent dans le projet pour qu’elles se retirent, les Ethiopiens préféreront peut-être de retourner à la table des négociations. Dans ce cas, la position de l’Egypte sera encore plus forte et les Ethiopiens seront obligés d’accepter un consensus. L’Egypte devra intensifier ses efforts pour obtenir le soutien des pays du bassin du Nil et de la communauté internatio­nale, si elle décide de présenter une plainte officielle au Conseil de sécurité.

— Ne serait-ce pas une perte de temps de retourner à des négociations qui n’ont jamais abouti ?

— La position de l’Egypte est claire. Elle ne s’oppose pas au principe de la construction du barrage, mais elle s’oppose à toute mesure unilatérale qui nuit à sa sécurité hydrique. Toutes nouvelles négociations auront pour but de finaliser l’accord conclu sous le parrainage des Etats-Unis et de la Banque mondiale, ce qui garantit les intérêts de toutes les parties.

— Quelle est l’importance de la position du Soudan dans la période à venir ?

— Le Soudan a toujours adopté une position floue tout au long des négociations et a instru­mentalisé ce dossier à des fins politiques. Et ce, alors qu’il est, comme l’Egypte, un pays en aval qui risquerait de subir les mêmes préju­dices si le barrage venait à être rempli sans accord. Les deux pays ont intérêt à unir leurs positions sur ce dossier. Aujourd’hui, sous la pression de l’opinion publique soudanaise qui craint les répercussions du barrage sur le pays, le gouvernement devrait revoir ses positions. La médiation entre l’Egypte et l’Ethiopie, pro­posée récemment par le premier ministre, Abdallah Hamdok, est un indice positif concer­nant un changement de la politique du Soudan. A ce moment critique où l’Egypte a décidé d’internationaliser le dossier du barrage, il est temps que le Soudan formule une position nette et claire .

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