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Barrage de la Renaissance : L’Egypte joue la carte de la diplomatie

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 24 mars 2020

Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, effectue une tournée dans 7 pays africains. Objectif : obtenir le soutien de ces pays sur la question du barrage éthiopien de la Renaissance.

Barrage de la Renaissance : L’Egypte joue la carte de la diplomatie

Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a entamé, mardi 17 mars, une tournée afri­caine qui le mènera notamment en République Démocratique du Congo (RDC), en Afrique du Sud, en Tanzanie, au Burundi, au Niger et au Rwanda. Objectif: transmettre un message du président Abdel-Fattah Al-Sissi à ses homologues africains sur le dossier du barrage éthiopien de la Renaissance, après le blocage des négociations et les menaces de l’Ethiopie de procéder unilatérale­ment au remplissage du réservoir du barrage en juillet 2020. Choukri a déclaré le 19 mars avoir « trouvé une oreille attentive » auprès du premier vice-président de l’Union Africaine (UA), le président de la République Démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi. Choukri a rencontré également le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, président de l’UA, et lui a transmis la position de l’Egypte au cours des 5 années de négocia­tions sur le barrage avec l’Ethiopie et le Soudan.

Pour informer le monde de la position de l’Egypte, Choukri avait effectué, les semaines passées, deux tournées arabes et euro­péennes. Lors de sa rencontre, le 13 mars à Paris, avec son homolo­gue français, Jean-Yves Le Drian, Choukri a demandé à la France d’inciter les pays membres de l’Union européenne à intervenir dans le dossier du barrage. Pour Ayman Abdel-Wahab, spécialiste des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « l’Egypte n’a plus de temps à perdre. Ces tournées internatio­nales du chef de la diplomatie visent à rallier le soutien interna­tional sur le dossier du barrage, surtout que la position de l’Egypte est solide sur les plans juridique et technique », affirme Abdel-Wahab. Il pense que cette tournée aura des résultats positifs, surtout que l’Egypte a fait preuve de bonne intention tout au long des négocia­tions. « Parallèlement à la diplo­matie, l’Egypte doit multiplier les pressions sur l’Ethiopie enrecou­rant à la justice africaine et inter­nationale », appelle Abdel-Wahab.

Une carte gagnante

Concernant la tournée africaine du chef de la diplomatie, Mohamad Nasreddine Allam, ancien ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, pense que face à l’in­transigeance éthiopienne, gagner le soutien africain est primordial. « Les 7 pays que visite Choukri ont de très bonnes relations avec l’Egypte et il y a des projets com­muns et des intérêts mutuels avec ces pays. L’enjeu n’est pas d’exer­cer des pressions sur l’Ethiopie, mais de profiter du soutien des pays du bassin du Nil et de la Troïka africaine en cas de recours au Conseil de sécurité ou à un arbitrage international », indique Allam. L’Ethiopie continue à manoeuvrer en sollicitant elle aussi le soutien de ses voisins immé­diats. C’est ainsi qu’elle vient d’envoyer une délégation de haut niveau dans plusieurs pays pour défendre sa position. En revanche, selon l’agence éthiopienne Eziga, l’Ethiopie a élaboré un document expliquant sa vision sur le dossier du barrage et sera prête à engager des négociations avec les pays en aval sur cette vision. Selon l’agence, l’Ethiopie propose d’ailleurs que l’UA soit le média­teur dans les futures négociations, rejetant la médiation des Etats-Unis et de la Banque mondiale qu’Addis-Abeba accuse de prendre le parti de l’Egypte. L’Ethiopie a lancé une campagne de finance­ment par SMS à tous ses citoyens pour aider à la construction du bar­rage. « L’Ethiopie continue sa poli­tique de manoeuvre et de tergiver­sation pour imposer le fait accom­pli. Il est normal que l’Ethiopie tente de gagner la sympathie inter­nationale, mais cela n’affectera pas la position de l’Egypte soute­nue par les lois internationales et les traités sur le partage des eaux du Nil », indique Abdel-Wahab.

Par ailleurs, Amani Al-Taweel, présidente du département des études africaines au CEPS, pense que la tournée africaine de Sameh Choukri semble déranger l’Ethio­pie, d’où la décision d’Addis-Abe­ba d’envoyer une délégation diplo­matique dans des pays africains et européens. Depuis le début de la tournée de Choukri, les médias éthiopiens n’ont pas arrêté leurs diatribes contre l’Egypte. L’Ethiopie craint de voir prochai­nement le Soudan changer de posi­tion. Khartoum a proposé de jouer les médiateurs entre l’Egypte et l’Ethiopie dans le dossier du bar­rage. Une médiation qui n’aboutira pas selon Al-Taweel.

Concernant les résultats de la tournée africaine de Choukri, Amani Al-Taweel affirme qu’il est prématuré de prévoir de quel côté pencheront ces pays africains. « L’Egypte peut miser sur le sou­tien du Kenya qui a un litige sur les eaux du Nil avec l’Ethiopie, et de l’Erythrée avec qui Addis-Abeba vient de régler les problèmes fron­taliers, mais qui reste en conflit politique ». En ce qui concerne l’Afrique du Sud, la bataille diplo­matique ne sera pas facile, sachant que ce pays a toujours maintenu la même distance avec l’Egypte et l’Ethiopie dans l’affaire du barrage et a appelé les deux parties à reprendre les négociations pour parvenir à un accord politique. « Je ne pense pas qu’elle puisse faire pression sur une partie ou l’autre », affirme Al-Taweel. Et de conclure qu’un règlement du litige sur le fonctionnement du barrage n’est pas envisageable dans l’avenir proche.

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