Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a entamé, mardi 17 mars, une tournée africaine qui le mènera notamment en République Démocratique du Congo (RDC), en Afrique du Sud, en Tanzanie, au Burundi, au Niger et au Rwanda. Objectif: transmettre un message du président Abdel-Fattah Al-Sissi à ses homologues africains sur le dossier du barrage éthiopien de la Renaissance, après le blocage des négociations et les menaces de l’Ethiopie de procéder unilatéralement au remplissage du réservoir du barrage en juillet 2020. Choukri a déclaré le 19 mars avoir « trouvé une oreille attentive » auprès du premier vice-président de l’Union Africaine (UA), le président de la République Démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi. Choukri a rencontré également le président de l’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, président de l’UA, et lui a transmis la position de l’Egypte au cours des 5 années de négociations sur le barrage avec l’Ethiopie et le Soudan.
Pour informer le monde de la position de l’Egypte, Choukri avait effectué, les semaines passées, deux tournées arabes et européennes. Lors de sa rencontre, le 13 mars à Paris, avec son homologue français, Jean-Yves Le Drian, Choukri a demandé à la France d’inciter les pays membres de l’Union européenne à intervenir dans le dossier du barrage. Pour Ayman Abdel-Wahab, spécialiste des affaires africaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « l’Egypte n’a plus de temps à perdre. Ces tournées internationales du chef de la diplomatie visent à rallier le soutien international sur le dossier du barrage, surtout que la position de l’Egypte est solide sur les plans juridique et technique », affirme Abdel-Wahab. Il pense que cette tournée aura des résultats positifs, surtout que l’Egypte a fait preuve de bonne intention tout au long des négociations. « Parallèlement à la diplomatie, l’Egypte doit multiplier les pressions sur l’Ethiopie enrecourant à la justice africaine et internationale », appelle Abdel-Wahab.
Une carte gagnante
Concernant la tournée africaine du chef de la diplomatie, Mohamad Nasreddine Allam, ancien ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, pense que face à l’intransigeance éthiopienne, gagner le soutien africain est primordial. « Les 7 pays que visite Choukri ont de très bonnes relations avec l’Egypte et il y a des projets communs et des intérêts mutuels avec ces pays. L’enjeu n’est pas d’exercer des pressions sur l’Ethiopie, mais de profiter du soutien des pays du bassin du Nil et de la Troïka africaine en cas de recours au Conseil de sécurité ou à un arbitrage international », indique Allam. L’Ethiopie continue à manoeuvrer en sollicitant elle aussi le soutien de ses voisins immédiats. C’est ainsi qu’elle vient d’envoyer une délégation de haut niveau dans plusieurs pays pour défendre sa position. En revanche, selon l’agence éthiopienne Eziga, l’Ethiopie a élaboré un document expliquant sa vision sur le dossier du barrage et sera prête à engager des négociations avec les pays en aval sur cette vision. Selon l’agence, l’Ethiopie propose d’ailleurs que l’UA soit le médiateur dans les futures négociations, rejetant la médiation des Etats-Unis et de la Banque mondiale qu’Addis-Abeba accuse de prendre le parti de l’Egypte. L’Ethiopie a lancé une campagne de financement par SMS à tous ses citoyens pour aider à la construction du barrage. « L’Ethiopie continue sa politique de manoeuvre et de tergiversation pour imposer le fait accompli. Il est normal que l’Ethiopie tente de gagner la sympathie internationale, mais cela n’affectera pas la position de l’Egypte soutenue par les lois internationales et les traités sur le partage des eaux du Nil », indique Abdel-Wahab.
Par ailleurs, Amani Al-Taweel, présidente du département des études africaines au CEPS, pense que la tournée africaine de Sameh Choukri semble déranger l’Ethiopie, d’où la décision d’Addis-Abeba d’envoyer une délégation diplomatique dans des pays africains et européens. Depuis le début de la tournée de Choukri, les médias éthiopiens n’ont pas arrêté leurs diatribes contre l’Egypte. L’Ethiopie craint de voir prochainement le Soudan changer de position. Khartoum a proposé de jouer les médiateurs entre l’Egypte et l’Ethiopie dans le dossier du barrage. Une médiation qui n’aboutira pas selon Al-Taweel.
Concernant les résultats de la tournée africaine de Choukri, Amani Al-Taweel affirme qu’il est prématuré de prévoir de quel côté pencheront ces pays africains. « L’Egypte peut miser sur le soutien du Kenya qui a un litige sur les eaux du Nil avec l’Ethiopie, et de l’Erythrée avec qui Addis-Abeba vient de régler les problèmes frontaliers, mais qui reste en conflit politique ». En ce qui concerne l’Afrique du Sud, la bataille diplomatique ne sera pas facile, sachant que ce pays a toujours maintenu la même distance avec l’Egypte et l’Ethiopie dans l’affaire du barrage et a appelé les deux parties à reprendre les négociations pour parvenir à un accord politique. « Je ne pense pas qu’elle puisse faire pression sur une partie ou l’autre », affirme Al-Taweel. Et de conclure qu’un règlement du litige sur le fonctionnement du barrage n’est pas envisageable dans l’avenir proche.
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