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Au nom de la sécurité

Mohamed Abdel-Hady, Mardi, 16 juillet 2013

Les autorités égyptiennes ont décidé d'imposer des visas aux Syriens souhaitant entrer sur le territoire égyptien. Cette mesure justifiée par des « considérations sécuritaires » suscite l’indignation des organisations des droits de l’homme.

visas aux Syriens
Plus de 300 000 Syriens sont présents en Egypte.

Les autorités égyptiennes, qui évaluent à plus de 300 000 le nombre de Syriens présents sur son territoire, avaient récemment imposé les visas pour les Syriens à la suite d’informations de presse selon lesquelles des islamistes venant de Syrie prêtaient main forte aux Frères musulmans. Auparavant, un passeport syrien en cours de validité était suffisant pour entrer en territoire égyptien. Durant les deux dernières semaines, plusieurs avions en provenance de Syrie n’ont pas été autorisés à se poser en Egypte. Quant aux Syriens en provenance d’autres pays, ils ont été expulsés dès leur arrivée à l’aéroport du Caire.

Le 5 juillet, l’Egypte avait également fermé le terminal de Rafah, unique accès au territoire palestinien qui ne soit pas contrôlé par Israël, à la suite de menaces de représailles émises par des groupuscules islamistes suite à l’éviction le 3 juillet par l’armée du président Mohamad Morsi. Récemment, les forces égyptiennes ont également bouché, pendant une dizaine de jours, des tunnels de contrebande sous la frontière, provoquant une importante pénurie, en particulier de carburant et de ciment, dans la bande de Gaza.

Défendant la décision égyptienne d’imposer un visa d’entrée aux Syriens, le porte-parole du ministère, Badr Abdel-Ati, affirme de son côté que « l’exigence d’un visa préalable est la règle de base que tous les pays du Golfe appliquent avec les Syriens ». Il a toutefois ajouté qu’il s’agissait d’une mesure exceptionnelle qui n’avait « rien à voir avec la position de principe adoptée par l’Egypte de soutenir la lutte du peuple syrien avec toutes ses composantes pour parvenir à une démocratie représentative ».

L’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) révèle avoir officiellement fait part de sa préoccupation aux autorités intérimaires au Caire à propos des nouvelles règles concernant les visas. « Je comprends totalement les défis auxquels l’Egypte fait face actuellement. Mais la traditionnelle hospitalité du peuple égyptien ne devrait pas être refusée aux Syriens tentant d’échapper au conflit le plus dévastateur et le plus dangereux dans le monde aujourd’hui », a déclaré le haut commissaire, Antonio Guterres.

Ce à quoi rétorque Négad Al-Boraï, avocat et activiste des droits de l’homme, en expliquant qu’il était parfaitement légitime que l’Egypte exige l’obtention d’un visa préalable. « Le droit international qui prévoit une exemption de visa s’applique uniquement aux pays limitrophes », explique-t-il. Tout en étant d’accord, le professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire, Moustapha Kamel Al-Sayed, estime néanmoins que « l’Egypte peut faire plus en délivrant le visa à l’aéroport, compte tenu de l’insécurité qui réduit la liberté de circulation en Syrie ».

Un héritage nassérien

En fait, dans les cercles intellectuels et de la société civile, les justifications légales et sécuritaires semblent avoir de la peine à convaincre. « C’est une décision sécuritaire prise à titre provisoire par crainte que des éléments armés proches des Frères musulmans n’accèdent au territoire égyptien », constate non sans regret l’analyste politique Abdallah Al-Senawi. « Nous devons refuser de faire des questions syrienne et palestinienne des victimes du conflit politique actuel en Egypte. L’arabité de l’Egypte est bien plus grande que les conflits partisans », réagit sur sa page Facebook Ziad Bahaeddine, vice-premier ministre pressenti au nouveau gouvernement. « Leur seul méfait c’est d’avoir été soupçonnés de soutenir Morsi », critique à son tour l’éditorialiste Fahmi Howeïdi sur les pages du quotidien Al-Shorouk en référence aux réfugiés syriens.

Dénoncer le discours d’incitation à la haine

Une dizaine d’ONG égyptiennes ont publié un communiqué le 13 juillet dénonçant « le discours d’incitation à la haine et à la violence propagé par certains médias égyptiens qui vise les réfugiés syriens et le peuple palestinien ». Le communiqué cite le présentateur Youssef Al-Hosseini de la chaîne ONTV, lequel a « bafoué les principes légaux, déontologiques et humains » en menaçant les Syriens en Egypte de la « vengeance » des Egyptiens lors d’une émission diffusée le 10 juillet. Le communiqué nomme également plusieurs présentateurs des chaînes CBC et Al-Tahrir, pour la « diffusion de fausses informations » sur le peuple palestinien. Les ONG appellent les autorités égyptiennes à appliquer la loi contre les incitateurs. Le Centre Hicham Moubarak et le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux figurent parmi les signataires.

Dans des déclarations au quotidien Al-Ahram, le coordinateur des affaires des réfugiés syriens en Egypte, Mohamad Al-Toraïkhem, a appelé les médias égyptiens à cesser les incitations contre sa communauté tout en insistant sur le fait que « les quelques Syriens qui ont dérogé aux consignes de se mettre à l’écart des manifestations ne représentent qu’eux-mêmes ».

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