L'amendement de la loi 17/2019 donne une deuxième chance aux propriétaires des constructions illégales de soumettre une demande de réconciliation.
Près d’un an après l’entrée en vigueur de la loi 17/2019 sur la réconciliation dans les infractions en matière de construction, seules 3 % des personnes concernées par ces infractions ont présenté des demandes de réconciliation, selon le ministre du Logement, Assem Al-Gazzar. La loi donne aux propriétaires auteurs d’infractions un délai de six mois pour présenter une demande de réconciliation au gouvernorat dans une démarche de légalisation. Le délai a commencé à courir en août dernier et se terminera en janvier 2020, mais sans grands résultats jusqu’ici, ce qui a forcé les gouverneurs à exhorter les personnes concernées à soumettre une demande de réconciliation.
Le gouverneur du Caire, Khaled Abdel-Aal, a ainsi déclaré que le gouvernorat allait envoyer un avertissement aux propriétaires de constructions illégales. Si ces derniers ne vont pas présenter leurs demandes de réconciliation dans un délai de 15 jours à compter de l’envoi, le gouvernorat coupera l’électricité, l’eau et le gaz dans les bâtiments concernés. Et si un propriétaire continue de s’abstenir, le gouvernorat démolira le bâtiment.
Vu les difficultés d’application de la loi 17/2019, une soixantaine de députés ont soumis au parlement un projet d’amendement de la loi dans un effort de remédier au problème. Au début de l’année, le parlement avait déjà tenté de trouver des solutions pragmatiques pour gérer le phénomène des constructions illégales, mais le résultat n’est pas satisfaisant jusqu’à présent.
C’est en février que le parlement avait promulgué la loi 17/2019 concernant la réconciliation avec les autorités municipales en cas d’infraction qui « ne met pas en danger le bâtiment », et ce, afin de résoudre le problème des milliers de constructions illégales qui se sont répandues dans presque tous les gouvernorats d’Egypte tout en conservant la richesse du patrimoine. Le texte rejette la réconciliation en cas de constructions illégales sur des terrains agricoles — sauf si elles forment des blocs de bâtiments habités par un grand nombre de personnes —, sur des terrains soumis aux dispositions de la loi sur la protection des antiquités et sur des terrains appartenant à l’Etat ou qui interfèrent avec les affaires de l’armée.
Alléger les procédures
Le projet d’amendement vise notamment à permettre de donner une deuxième chance aux propriétaires de constructions illégales de soumettre une demande de réconciliation. Selon le député Saad Hammouda, président de la commission du logement, l’approbation de la loi 17/2019 était une étape positive pour agir avec un phénomène de plus en plus répandu. Toutefois, en cours d’application de la loi, il s’est avéré que les complications procédurales font que les propriétaires s’abstiennent de régulariser le statut de leurs bâtiments contrevenants. « D’où les amendements élaborés pour cette loi, qui visent à faciliter les procédures et à remédier aux failles de la loi en vigueur », explique Hammouda.
Parmi ces failles, il cite le fait que la loi exige des citoyens concernés d’avoir un rapport rédigé par un des bureaux consultatifs d’ingénierie qui assure que l’infraction ne met pas en danger le bâtiment ainsi que d’autres informations relatives à la construction. Or, ces bureaux demandent aux propriétaires des sommes allant jusqu’à 10 000 L.E. pour rédiger un rapport. « Il s’agit de sommes excessives que beaucoup de propriétaires ne peuvent pas payer, ce qui les empêche de demander une réconciliation. Dans plusieurs gouvernorats, il n’existe que 4 ou 5 bureaux consultatifs privés, ce qui fait que ceux-ci font monter le prix de ce service. Nous demandons donc dans l’amendement que le citoyen dispose du droit de choisir un bureau consultatif, une faculté d’ingénierie ou un ingénieur compétent en la matière. Cela donne plus d’options aux propriétaires pour choisir une solution en fonction de leurs moyens », indique le député. Et d’ajouter que l’amendement prévoit aussi de prolonger le délai de réconciliation de 6 à 12 mois.
Le rôle des municipalités
Or, le prix du rapport et le délai de réconciliation ne sont pas les seuls obstacles devant l’application de la loi ; il y a aussi l’amende. Selon la loi, des commissions techniques, composées de trois architectes du secteur public ainsi que d’un représentant du ministère de l’Intérieur, sont chargées de vérifier la nature de l’infraction et de déterminer le montant de l’amende dans un délai de quatre mois à compter de la soumission de la demande de réconciliation. Si la commission juge que les normes de sécurité sont respectées, le propriétaire se voit infliger une amende comprise entre 50 et 2 000 L.E. par m2, selon le niveau du quartier dans lequel se trouve le bâtiment en question. « La plupart des constructions illégales se trouvent dans des zones informelles, et ce sont des régions pauvres. Alors, les propriétaires ne peuvent pas payer une amende qui s’élève parfois dans ces régions à 50 000 L.E. », explique le député Kamal Abdel-Hamid, membre de la commission des municipalités. Hammouda indique que le projet d’amendement prévoit de donner le droit au citoyen d’étaler le paiement de l’amende sur 5 ans, dans le but de faciliter le processus.
Selon le député Alaa Wali, membre à la commission du logement, il existe encore un autre facteur à prendre en compte, du côté des municipalités cette fois. Il estime en effet que le problème des constructions illégales sera difficile à résoudre, à cause des municipalités qui manquent à leur tâche de recenser ce genre de constructions. « Jusqu’à présent, les municipalités n’ont pas formé de comité pour recenser les constructions illégales. Elles n’ont pas non plus déterminé les blocs de bâtiments habités par un grand nombre de personnes sur des terrains agricoles et qui ont le droit à une réconciliation avec le gouvernement. Cela veut dire que le gouvernement ne dispose pas d’informations nécessaires concernant les constructions illégales pour exhorter leurs propriétaires à présenter une demande de réconciliation », explique-t-il. Il ajoute aussi que ni le gouvernement, ni les municipalités n’ont fait de campagne publicitaire, notamment dans les gouvernorats et les villages où les gens n’ont pas la capacité de mettre à jour leurs connaissances dans le domaine législatif.
Selon Wali, les citoyens ne doivent pas subir les conséquences de la défaillance d’un système qui a favorisé ce genre d’infractions. Il s’agit en outre de s’attaquer sérieusement à la crise du logement, à la corruption au sein des municipalités et à l’absence de contrôle pour freiner l’expansion des constructions illégales.
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